Journal C'est à Dire 174 - Février 2012

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Suisse : votre voisin vous veut-il du bien ?

Ce voisin que vous pensiez bien connaître cache-t-il son jeu ? En baladant sa plume dans les cantons de Neuchâtel et de Vaud, le journal C’est à dire a donné la parole aux Suisses impliqués dans la sphère économique, politique, associative et médiatique. Réputés patriotes, perçoivent-ils les frontaliers comme un ver dans le fruit, simplement prêts à consommer l’argent sans jamais participer à l’économie locale ? En fait, si le nationalisme est bien visible à Genève, il l’est beaucoup moins dans la Vallée de Joux et dans les montagnes neuchâteloises où le taux de chômage ne dépasse pas les 4 %. Il n’empêche : les tensions sont tou- jours palpables d’un point de vue social : les Helvètes en ont marre du trafic routier et la hausse du franc conduit à creuser un fossé dans les sociétés. D’un côté comme de l’autre de la frontière, une vie à deux vitesses est en marche.

Vu de Suisse Français, bienvenue chez nous ! Les cantons de Vaud et de Neuchâtel sont de ceux où les travailleurs frontaliers sont plutôt bien accueillis. Cette forme de sympathie réciproque est un fac- teur favorable dans la construction d’une région trans- frontalière voulue par certains.

I l faut s’en réjouir : la cohabitation entre les Suisses et les frontaliers est plutôt heureuse dans les can- tons deVaud et de Neuchâtel. Les hostilités des autochtones à l’encontre des pendulaires sont plus spo- radiques et moins véhémentes compa- ré à ce qui se passe dans le canton de Genève où le parti M.C.G. (Mouvement citoyens genevois) gagne du terrain dans l’opinion publique avec des slogans sans équivoque : “Réservons les emplois aux Genevois, Frontaliers assez !” Le M.C.G. affuble de tous les maux ces maudits français qui prennent, selon lui, leur travail aux Suisses de souche. Si tel devait être le cas, le constat ne se vérifie pas dans le canton de Neu- châtel où le taux de chômage avoisine les 4,5 % (2,8 % en Suisse), soit un point de moins qu’à Genève. 9 000 fronta- liers travaillent dans ce canton (10 % des actifs), et un peu moins de 20 000 dans le canton de Vaud (6 % des actifs). “Dans le contexte économique actuel,

on engage à la fois plus de Suisses et plus de frontaliers. Cette idée que les Français piquent nos places dans les entreprises est tout à fait fausse. Il faut sortir de ce raisonnement-là” insiste le Neuchâtelois Jacques-André Tschou- my, président du Forum Transfron- talier. Ce spécialiste des probléma- tiques transfrontalières est même convaincu que, la Franche-Comté et en particulier le Haut-Doubs, ont inté- rêt à marier leurs efforts avec l’Arc Jurassien pour se construire un des- tin commun. Au regard de ce qui se passe dans la vallée de Joux, où des Français ne travaillent pas seulement en Suisse mais s’investissent aussi dans les clubs sportifs locaux, on se dit que ce chantier a déjà débuté. Pour beaucoup de Français et de Suisses, la frontière qui sépare nos deux pays est devenue imperceptible. Pourtant, c’est bien cette limite admi- nistrative qui donne à ces territoires limitrophes des spécificités. N’est-ce

Le canton de Neuchâtel emploie 9 000 frontaliers et celui de Vaud un peu moins de 20 000.

pas la proximité de la Suisse qui tire vers le haut les prix de l’immobilier dans le Haut-Doubs ? Le petit com- merce helvétique de La Chaux-de-Fonds ou du Locle ne déplore-t-il pas la fui- te d’une partie de sa clientèle qui a

mération transfrontalière qui est un bel exemple de co-développement. Elle est devenue un carrefour européen. Les gens habitent dans ce coin d’Alsace, travaillent en Suisse et consomment enAllemagne où les produits de consom- mation courante sont moins chers. Preuve de cette mobilité, de passage dans le Haut-Doubs en novembre der- nier, Michel Faillettaz le Consul géné- ral de Suisse à Lyon, a indiqué qu’actuellement “180 000 Français vivent en Suisse et autant de Suisses vivent en France. Depuis le mois de mai, nous avons enregistré une augmenta- tion de 2 500 personnes sur le nombre de Suisses immatriculés en France.” La Suisse a peut-être les emplois, nous avons encore le cadre de vie. T.C.

chance d’avoir la Franche-Comté tou- te proche pour assurer son développe- ment économique. Nous avons l’emploi, vous avez la main-d’œuvre. Nous avons des compétences communes, dans l’horlogerie par exemple, qui aboutis-

intérêt à consommer en Fran- ce, à Pontarlier, à Morteau, à Villers-le-Lac ? Le rapport monétaire entre le franc suis- se et l’euro y est pour beau- coup dans l’évolution de la

sent à des formations com- munes. Voilà l’avenir à suivre. Je reconnais volon- tiers qu’actuellement le sys- tème n’est pas sain puisque la France finance des for-

“Une zone de co- développement.”

plupart des problématiques trans- frontalières actuelles. Elles sont accen- tuées par les accords bilatéraux qui autorisent la libre circulation des per- sonnes, ratifiés par la Suisse en 2002. À écouter Jacques-André Tschoumy, le débat ne peut pas se cantonner à la question financière. “La Suisse a la

mations à des élèves qui vont ensuite travailler en Suisse. Cependant, à mon sens, il faut concevoir cette région fron- talière comme une zone de co-déve- loppement.” La Franche-Comté et l’Arc Jurassien auraient donc beaucoup à partager, comme Bâle et Mulhouse, une agglo-

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