Journal C'est à Dire 172 - Décembre 2011

43

É C O N O M I E

Éducation Annie Millot, enseignante nomade La semaine, Annie Millot la passe sur la route. Au volant de son camion-école, elle va d’une aire d’accueil des gens du voyage à une autre pour faire la classe aux enfants de ces familles.

L’ espace est restreintmais l’essentiel y est. Des petites tables amovibles, des tabourets, dans les coffres, sous la banquette, on trou- ve de quoi écrire, lire, jouer. Aux murs sont épinglés des dessins d’enfants, et une carte dumonde. À la fenêtre : l’humeur du temps. Il ne manque qu’un tableau noir, le bureau de lamaîtresse et l’odeur de la craie pour se sentir dans une réduite à la taille d’un camping- car. Le véhicule a été aménagé pour accueillir des gamins pour qui aller à l’école n’est pas une habitude.Alors c’est elle qui vient à eux.Bienvenue à l’école du voya- ge ! La semaine, quel que soit le temps, Annie Millot part avec son camion couleur orange, sur les routes du Jura et du Doubs, direction les aires d’accueil des gens du voyage du Grand Besan- vraie salle de classe. Annie Millot est ensei- gnante. Mais l’école où elle travaille est un peu particulière. Elle est

çon et du Grand Dole. Son but est de favoriser la scolarisation des enfants de ces populations nomades, qui se déplacent tou- tefois de moins en moins. Aujourd’hui, elle a rendez-vous à Saône. Le temps est brumeux, il fait frisquet dans l’habitacle, mais un petit chauffage élec- trique tempère rapidement l’atmosphère. Elle devrait accueillir 19 enfants dans la jour- bonnes conditions” annonce la maîtresse qui, comme à chaque rendez-vous, va proposer à ses élèves d’un jour un accompagne- ment à la carte, adapté au niveau de chacun. Des jeux pour les petits, de la lecture et de l’écriture pour les plus grands. Le tra- vail est très différent en fonction du lieu où elle arrête son camion- école. Ici on ne parle ni de niveau sco- laire, ni de résultat, l’essentiel née. “Je sais que le plus petit a un an et que le plus âgé en a 12. Je vais faire des groupes pour les recevoir dans de

“Un travail de passerelle.”

À 49 ans, Annie Millot occupe un poste d’enseignante de l’éducation nationale mais attaché administrativement à la direction de l’enseignement catholique. Le camion-école est financé par l’association A.S.E.T. (aide à la scolarisation des enfants tziganes).

est d’ouvrir à chaque séance de travail une porte vers la connais- sance et le monde pour piquer la curiosité de ces élèves afin de leur donner le goût d’aller plus loin. Pour les plus de 12 ans qui ne savent pas lire, et qui ne sont quasiment jamais allés à l’école, le but principal est d’apprendre à lire et à compter. Sans ces bases la scolarisation en milieu ordi- naire est difficile. “Mon métier d’enseignante est un travail de passerelle. La finalité de ma mis-

le la transmission orale est essen- tielle. Beaucoup dans la commu- nauté considèrent encore qu’un niveau scolaire limité au primai- re est suffisant pour vivre à la manière des gens du voyage. “Depuis trois ans que je fais ce métier, j’ai le sentiment que les choses changent” observe Annie Millot. L’envie d’école perce sous l’auvent des caravanes. “Cette année, c’était super. À l’initiative des parents, et c’est la première fois, des gamins ont fait leur ren-

sion n’est pas de faire la classe dans un camion, mais de don- ner l’envie à ces enfants de rejoindre une école classique.” Un projet de longue haleine qui reçoit progressivement l’adhésion des familles des gens du voya- ge, de ces parents “qui compren- nent que le monde change et qui s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants.” Tout l’enjeu est de les accompagner dans cette marche, sans trahir la culture tzigane dont ils sont fiers, et dans laquel-

trée au C.P. L’essentiel est qu’ils se sentent acteurs de l’éducation de leurs enfants.” Pour l’instant le camion-école s’arrête à Saône. Il n’est pas exclu qu’un jour, en fonction des moyens dont dispose l’association A.S.E.T. (association d’aide à la scolarisation des enfants tzi- ganes) qui finance le véhicule, il fasse étape dans le Haut-Doubs où les familles des gens du voya- ge ont aussi des besoins. T.C.

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker