Journal C'est à Dire 170 - Octobre 2011

L E P O R T R A I T

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Respecter les morts et apaiser les vivants Frédéric Vuillemez et Claire Sarazin créent une école de tha- natopraxie sur le site de Consolation. Une pratique funéraire encore méconnue, mais en pleine expansion. Dans les cou- lisses de la mort, il y a d’abord la vie. Maîche

O n n’embrasse pas une carrière dans le funéraire par vocation. Ni FrédéricVuillemez ni Clai- re Sarazin, qui viennent de créer l’école “Thanatopraxie, art et tech- nique”, n’affirmeront le contraire. C’est à la suite d’unbilande compétences appro- fondi que Frédéric Vuillemez intègre la société Prévitali à Maîche, gestionnaire des pompes funèbres et du funérarium. Une société qu’il reprendra en 2008. Clai- re Sarazin, elle, avait suivi une forma- tion tout autre, elle se destinait au tou- risme. Une recherche d’emploi compli-

au sein même du monastère de Conso- lation. Un choix surprenant a priori , mais qui se justifie pleinement selon les deux créateurs. “Il n’existe aucune éco- le de thanatopraxie dans tout l’Est de la France. Pour se former, il faut aller à Paris ou dans le Sud de la France. Ce métier est en pleine expansion en Fran- ce. L’association qui gère Consolation a accueilli notre projet très favorablement. Le site offre de nombreux avantages, des salles de cours, des possibilités d’hébergement. Et, précision utile, nous n’enseignerons que la théorie à Conso-

Frédéric Vuillemez et Claire Sarazin créent le centre de formation “Thanatopraxie Art et technique”.

soins de conservation subit également encore de nombreux fantasmes dans notre société. “L’embaumement n’a rien à voir avec ce qui se pratiquait du temps des Égyptiens où on retirait les viscères du défunt. Là, elle se fait en respectant parfaitement l’intégrité du corps. L’injection d’un liquide permet seulement de conser- ver plus longtemps le corps intact, et qu’il soit plus présentable à la famille. De plus en plus de monde le demande” note Fré- déric Vuillemez. Dans les grandes villes, près de neuf corps sur dix sont désor- mais embaumés et bénéficient donc de ce traitement bactériologique et fongi- cide. Ils sont environ 700 professionnels en France à pratiquer la thanatopraxie. Côtoyer au quotidien la mort ne paraît pas incongru à ces jeunes créateurs d’entreprise. Ils savent que “depuis la

tiel dans leur confrontation quotidien- ne avec la mort : c’est la vie de ceux qui restent dont il faut s’occuper. “Nous sommes là d’abord pour aider les gens à démarrer leur parcours de deuil. Nous sommes une petite pierre à la construc- tion du deuil. En travaillant sur le défunt, nous travaillons d’abord pour les vivants” note Frédéric Vuillemez. C’est la raison pour laquelle ces deux professionnels ne se départiront jamais de leur sensibi- lité. “La sensiblerie, il faut la mettre de côté, jamais la sensibilité et l’empathie avec les familles” nuance Claire Sara- zin. Tous deux sont aussi là pour rap- peler que les métiers liés au funéraire, si particuliers soient-ils, sont finalement des métiers aussi respectables que les autres. Ils sont eux aussi parties inté- grantes de la vie. J.-F.H.

nuit de temps, lamort fascine. C’est même elle qui a créé les religions” note Fré- déricVuillemez. Problème : “Nous sommes aujourd’hui dans une société où on ne veut plus voir la mort, où on veut l’aseptiser, comme si elle n’existait pas. Mais il ne faut pas oublier que sans la mort, la vie n’existe pas.” Et c’est juste- ment “de la vie qu’on s’occupe avant tout” enchérit Claire Sarazin. Tous deux sont également spécialisés dans ce qu’ils nom- ment “la reconstitution faciale”, suite à des accidents, ou des suicides. Une technique enseignée par un professeur de Nice, qui a lui-même formé les fameux “experts” de la police scientifique aux États-Unis. Ce qui les amène à endosser là encore un vrai rôle de psychologue pour les familles endeuillées. Leur message essen-

quée l’a amenée à accepter dans la région de Belfort un poste de gardienne de cime- tière. Un univers qu’elle a ensuite exploré autrement avec une formation en thanato- praxie, le nomscientifique (du grec thanatos , la mort) qui désigne ce que dans tous les

lation, aucun corps n’y sera ame- né. Les exercices pratiques se dérouleront à la fac de médeci- ne de Besançon” expliquent les créateurs. La première session de la formation démarrera en mars prochain. Coût de la for- mation : 8 700 euros, avec la qua- si-certitude de décrocher un

“Mettre de côté la sensiblerie, jamais la sensibilité.”

autres pays on appelle plus simplement “embaumement”. Depuis 12 ans, elle pratique le métier au sein de la socié- té “La Belfortaine de thanatopraxie”, qu’elle a créée en 2004. Les deux professionnels unissent aujour- d’hui leurs compétences et lancent un centre de formation qui élira résidence

emploi à la sortie. Ils espèrent attirer “entre 15 et 20 élèves” dans la premiè- re promotion. La thanatopraxie a été “importée” en France dans les années soixante. Cet- te pratique, très populaire dans les pays anglo-saxons, était au départ réservée aux plus fortunés. Cette technique de

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