Journal C'est à Dire 166 - Mai 2011

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É C O N O M I E

Le souci permanent de conserver sa main-d’œuvre L’attractivité des entreprises de la bande frontalière et la fidélisation du personnel sont les raisons d’être du “Club Ressources Humaines” créé à l’échelle du Pays Horloger. Comment s’y prennent les entre- prises françaises pour conserver leur personnel ? L’exemple d’Isa France à Villers-le-Lac. Villers-le-Lac

Christian Jouillerot et toute son équipe vous souhaitent une bonne année 2011

C’ est à dire : Vous êtes à l’initiative de ce “Club R.H.” dont la mise en place a été fortement soutenue par Annie Genevard à l’échelle du Pays Horloger qu’elle préside. Quel est son objectif ? Nathalie Pèpe-Aubry (Direc- trice des Ressources humaines d’Isa France et Isa-Swiss) : Je suis arrivée à la D.R.H. d’Isa- France et d’Isa-Swiss il y a 7 ans et pendant longtemps je me suis sentie très seule dans le Haut- Doubs. Mises à part dans quelques grosses entreprises locales, il y a très peu de D.R.H.

N.P.-A. : On sait bien que l’on ne pourra jamais rivaliser avec les salaires. Alors on essaie de compenser avec d’autres choses. Isa possède quelques apparte- ments en face de l’usine, on les propose à des salariés pour un loyer très modique. Par ailleurs, nous avons beaucoup travaillé sur le système des assurances et des mutuelles. Nous faisons aussi beaucoup d’efforts sur la gestion des compétences avec un plan de formation qui a été décu- plé en quelques années. Mais tout cela a bien évidemment ses limites. Càd : Car le différentiel exis- te toujours ! N.P.-A. : Il est clair que quand quelqu’un regarde pour partir en Suisse, la seule chose qui le motive, c’est le chiffre écrit en bas de sa fiche de paye. Mais chez Isa-France, nous avons tou- jours eu une politique salaria- le plutôt progressiste, avec des salaires 30 % supérieurs à ce qui se pratique par exemple à Besan- çon. Mais pour un poste d’opérateur, ça reste deux fois inférieur à ce qui se pratique en Suisse. Càd : Alors qu’est-ce qui fait que les gens restent tout de même chez Isa-France ? N.P.-A. : Parce qu’on a lancé plu- sieurs chantiers en parallèle pour garder nos savoir-faire. Cela va au-delà des simples questions salariales. Il y a aussi la quali- té de vie. Par exemple, on ne tra- vaille pas le vendredi après-midi. Si une personne a un souci de santé par exemple, on sera tou- jours là, pour le maintien de son salaire notamment. Tout cela explique que bon an mal an, nous arrivions à maintenir une cen- taine de personnes sur Villers- le-Lac. Nous activons tous les leviers liés à la qualité de vie, des choses qui n’existent pas de l’autre côté de la frontière. Quand quelqu’un souhaite partir en Suisse, il faut toujours qu’il ait à l’esprit que la Suisse n’offre pas les mêmes garanties. Càd : Vous voyez la Suisse avec méfiance ? N.P.-A. : Pas du tout car nous travaillons en grande partie pour l’industrie horlogère suisse. Il faut voir entre la France et la Suisse une vraie interdépendan- ce, c’est pourquoi il faut trouver les moyens de travailler le mieux possible de manière transfron- talière. Ce serait trop réducteur de dire : “la Suisse nous pique notre main-d’œuvre” et il ne faut surtout pas jeter la pierre à ceux qui font le choix de la Suisse. Ils ont souvent deux ou trois heures de route par jour et ils ne vont pas là-bas pour s’amuser mais pour travailler. La seule répon- se, c’est la collaboration entre nos deux pays. Càd : Isa-France recrute-t- elle à nouveau ? N.P.-A. : Oui, nous avons ouvert trois postes en usinage, décou- page et traitement des surfaces et il y a en permanence des postes en mécanique. Nous

alors que je sentais un véritable besoin de partager certaines pra- tiques et d’échanger nos expé- riences. C’était une manière de rompre l’isolement. Ce “Club R.H.” est une manière de mutua-

taine d’entreprises. Il s’agit de les fédérer autour de la problé- matique de fidélisation de la main-d’œuvre qualifiée. Càd : C’est un vrai problè- me chez Isa-France ? N.P.-A. : Nous sommes parfois désespérés com- me le sont d’autres entreprises. Nous sommes une centaine de salariés chez Isa-France à Vil- lers et une soixantaine chez Isa- Swiss aux Brenets mais heureu- sement, ce ne sont pas les mêmes qualifications requises. Quand on est en période de crise, per- sonne ne bouge. Mais dès que l’activité redémarre, et c’est le cas actuellement, on le sent immédiatement. En quelques années, avec la crise, on est pas- sé de 180 à 77 salariés, mais on a gardé les mêmes métiers. Ce qui fait que maintenant, le moindre opérateur est devenu un spécialiste qu’il faut garder. C’est pourquoi la valorisation des compétences, c’est essentiel pour nous. Càd : Alors que pouvez-vous faire pour contrer le pouvoir d’attraction de la Suisse tou- te proche ?

liser nos connaissances en matière de ressources humaines et de mieux affronter nos difficultés.

“Beaucoup d’efforts sur la gestion des compé- tences.”

18 €

Càd : Des difficultés qui sont certainement accrues du fait de la proximité de la frontière suisse ? N.P.-A. : Naturellement et c’est une des raisons d’être de ce “Club R.H.” qui réunit une bonne ving-

55 €

Nathalie Pèpe-Aubry est directrice des res- sources humaines chez Isa- France à Vil- lers-le-Lac.

sommes sur le point de remettre sur pied une méthode de recru- tement dite par “simulation”, c’est-à-dire que nous allons convo- quer tous les demandeurs d’emploi qui le souhaitent, même ceux qui n’ont pas de qualifi- cation ou qui font un autre métier, à des tests d’aptitude. On va les former pendant deux mois, puis les intégrer ensuite avec ce socle commun de formation. C’est une méthode non-discriminatoi- re que nous avons déjà testée et qui a même été saluée par la Halde, la haute autorité de lut- te contre les discriminations. Une nouvelle fois, nous essayons d’être un vrai laboratoire en matière de ressources humaines. C’est aussi une manière de se démarquer. Càd : L’activité repart donc bel et bien ? N.P.-A. : Nous avons énormé- ment de commandes, tellement de travail que justement nous sommes confrontés à des diffi- cultés de recrutement. Mais nous continuerons à nous battre.

Zoom Prochaine réunion du “Club R.H.” le 7 juin Ce club, désormais co-animé par Pôle Emploi et le M.E.D.E.F., a été créé pour informer et sen- sibiliser les entreprises du Pays Horloger sur les actions et les pratiques interne de gestion des ressources humaines pouvant être mises en œuvre afin de faci- liter lʼembauche et la fidélisation du personnel. Il permet aussi lʼéchange des bonnes pratiques entre les entreprises participant au club. La prochaine réunion du “Club R.H.” a lieu en mairie de Mor- teau le mardi 7 juin de 17 h 30 à 20 heures. Son thème : com- ment concilier vie professionnel- le et sphère privée pour un res- ponsable de société. Elle sera animée par Joël Trebern, consul- tant chez J.H.t. Performance. Rens. au 03 81 68 53 32

Propos recueillis par J.-F.H.

Isa-France recrute à nouveau. Bientôt une grande opération de recrutement “par simulation”.

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