Journal C'est à Dire 154 - Avril 2010

D O S S I E R

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Pour eux, le travail, c’est la santé Les trois mousquetaires mortuaciens Ils ont 169 ans à eux trois, mais ces entrepreneurs ne lâchent pas leur affaire qui vaut des millions d’euros. Qu’est-ce qui fait tenir Jacques Ruggeri, Cyprien Rognon et Gérard Faivre-Rampant ?

fils afin que la transmission se fasse en douceur. “Nous avons investi dans une centrale à béton à hauteur de 1,5 million d’euros, alors je ne peux pas tout lâcher” dit-il. Même son de cloche du côté de Gérard Faivre-Rampant dont l’usine d’extraction de pierres (carrière) et de transport emploie plus d’une quaran- taine de personnes. Elle a plafonné jusqu’à 75 employés : “Nous allons pro- chainement investir 4 millions d’euros pour la carrière des Fins. Les jeunes ne peuvent pas tout connaître, alors j’accompagne ma fille et mon fils. La transmission se fait en douceur.” Pour Cyprien Rognon le marchand de fioul, pas de coup de pompe. À 73 ans, il aide son fils Raphaël quotidienne- ment : “Dans notre métier, nous n’avons pas le droit à l’erreur. Si vous oubliez de facturer un gros-porteur de fioul, c’est 100 000 euros qui s’envolent… et la boîte fermée en moins de six mois” déclare Cyprien Rognon qui délivre les bons tuyaux à son fils, histoire d’assurer la pérennité de la structure qui n’est ni plus ni moins que le deuxième chiffre d’affaires de la ville. Ces “papys actifs” - qui prennent peu de vacances - n’oublient pas de remer- cier leur femme respective et s’octroient du temps libre pour profiter de leurs petits-enfants. Pour Rognon, Ruggeri et Faivre-Rampant, la retraite est acti- ve, “et ce n’est pas une question d’argent car on ne touche pas de dividendes !” concluent les trois larrons compères dans le travail et amis dans la vie. Pour eux, le travail, c’est la santé ! E.Ch. - Entreprise Rognon à Morteau. Créa- tion en 1952. Activité : combustible (fioul, bois, charbon). Chiffre dʼaffaires en 2008 : 30,4 millions dʼeuros. Zoom Leur société en bref - Société du béton de Morteau (S.B.M.) à Morteau. Création en 1952. Activi- té : construction, maçonnerie, gros œuvre, génie civil. Chiffre dʼaffaires : environ 4,5 millions dʼeuros. - Entreprise Faivre-Rampant aux Fins. Création en 1965. Activité : Extraction et élaboration pour chaussée de pierres, sable et gravier pour béton et enrobé. Chiffre dʼaffaires : environ 8 millions dʼeuros.

Trois retraités actifs : Cyprien Rognon (73 ans, produits pétroliers), Gérard Faivre-Rampant (66 ans, carrières et transports) et Jacques Ruggeri (72 ans, Bâtiment travaux publics).

F aivre-Rampant,Rognon, Rug- geri. Voilà dans l’ordre alpha- bétique trois noms qui réson- nent à Morteau. À eux trois, ces entrepreneurs ont construit le Val au propre comme au figuré. “On a construit le lycée de Morteau, les 500 logements du quartier des Eaux-Vives, fait la Route des Microtechniques, l’usine Fabi, les magasins Champion, Inter-

leur barque, chacun à la tête de la socié- té portant leur nom en venant quoti-

S’ils ne travaillent pas dans la même branche, les trois Mortuaciens ont

marché… Faivre-Rampant faisait le terrassement, Ruggeri construisait, Rognon livrait le fioul” s’amuse Jacques Ruggeri qui a créé l’entreprise de béton, aujourd’hui Société du Béton de Mor- teau (S.B.M.). S’ils ont fait valoir leur droit à la retrai- te, Cyprien Rognon (73 ans), Gérard Faivre-Rampant (66 ans) et Jacques Ruggeri (72 ans) continuent de mener

diennement dans des locaux aujourd’hui tenus par leur fils ou leur fille. Nous sommes parvenus à les regrouper… non

connu la même destinée : ils se sont lancés dans la vie active avec un certifi- cat d’études en poche, ont créé leur entreprise et

“Accompagner la transmission.”

sans quelques difficultés, car il faut bien avouer que ces trois personnages préfèrent rester discrets.

continuent à travailler malgré la retrai- te. Pourquoi ? “Car j’aime ça” lâche Jacques Ruggeri qui accompagne son

Grand-Combe-Châteleu Pierre Faivre, le V.R.P. de la Morteau À 71 ans, le charcutier au chapeau orné de pin’s est le meilleur commercial de la saucisse de Morteau et des salaisons. Il court les salons.

L e31décembre1999, Pier- re Faivre décide de fran- chir le nouveau millé- naire à sa façon. Il prend sa retraite de charcutier. Est-ce le “bug” de l’an 2000 pour celui qui a reçu en 2001 la médaille d’or de la SaucissedeMorteau ?Riendetout cela car sa vie de retraité est enco- re plus complète que son ancienne vied’actifaupointqu’ilafallu trou- ver uncréneauserrédanssonemploi du temps pour le rencontrer. “Là, je pars pour le Nord de la Bour- gogne sur un salon gastrono- mique. J’y serai présent tout le week-end” dit Pierre tout en nous accueillant dans la “Maison Faivre - saucisses et salaisons du Haut-Doubs” installée à Grand’Combe-Châteleu.

Sa sympathie, son sens du contact, sa bonne bouille, ont fait de lui un personnage. “C’est vrai que les clients me recon- naissent grâce à mon chapeau. J’aime discuter avec eux, leur dire comment faire cuire une saucisse, à quel moment man- ger du brési… J’aime parler de nos produits. On a la chance d’avoir une richesse en Franche- Comté. Il faut en profiter.” S’il continue à “travailler” , c’est avant tout par “passion, par plaisir.” Néanmoins, Pierre Faivre regret- te de n’avoir continué plus long- temps : “Avec le recul, j’aurais dû continuer mais le fait d’avoir été débouté par le Conseil d’État pour faire reconnaître notre sau- cisse en I.G.P. (indication géo-

graphique protégée) m’a poussé à arrêter. Sur le moment, j’étais déçu” confie-t-il. L’histoire ancienne a laissé un goût amer dans la bouche de ce septuagénaire dynamique dont le plus grand bonheur est aujour- d’hui de pouvoir se rendre sur les salons… avec son épouse. Travailleur bénévole, il vend les produits “pour donner un coup de pouce” à son fils. Ce commercial de luxe, amou- reux de la saucisse au chou, a plus d’un tour dans son sac pour vous faire succomber aux charmes “de la Rolls-Royce de Morteau (le Jésus)” ou à un fon- dant brési. Avec Pierre Faivre, c’est du travail d’orfèvre. E.Ch.

Pierre Faivre croque la vie à pleines dents.