Journal C'est à Dire 138 - Décembre 2008

L E P O R T R A I T

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Jean-François Joriot, le forestier à la rigueur horlogère Ce jeune retraité de l’horlogerie suisse vient de prendre la présidence de la section départementale du Syndicat de pro- priétaires producteurs forestiers. Ce partisan de la valorisa- tion de la forêt privée n’entend pas, pour autant, dilapider cette ressource sur l’autel de la rentabilité économique. Villers-le-Lac

L a forêt n’a rien d’un placement à haut rendement. Dans ce milieu, on est plutôt dans l’économie réelle à long terme, voire très long terme. “La première géné- ration plante, la seconde entretient et la troisième récolte les fruits.” Spécu- lateurs, passez votre chemin. Le bois rentre plutôt dans la catégorie des valeurs-refuge. Cela reste d’abord l’affaire de passionnés, prêts à mouiller la chemise pour les enfants et petits- enfants. Cet état d’esprit caractérise en tout cas Jean-François Joriot. Son grand plaisir, participer lui-même à l’entretien du groupement forestier familial situé entre Morteau et Villers-le-Lac dont il est gérant. “Avec la forêt, on est contraint de raisonner dans la durée en prenant en compte tout un tas de facteurs impondé- rables comme les dégâts occa- sionnés par la tempête de 1999 ou la canicule de 2003.” Jean-François Joriot prend la suc- cession de Jean-Claude Rognon très pris par ses obligations professionnelles mais qui restera président du syndi- cat régional jusqu’en juin prochain. “Depuis son arrivée, il a largement contribué au repositionnement du syn- dicat. C’est lui qui a établi la règle d’être présent partout où l’on doit être pré- sent” , apprécie le nouveau président qui compte bien entretenir ce princi- pe. Rien de mieux en effet pour faire entendre la voix des forestiers pri- vés. Lesquels sont au nombre de 53 000 et possèdent 45 % de la forêt du Doubs, soit 1,9 hectare par propriétaire. C’est dire si le morcellement est grand. “On milite bien sûr en faveur des restruc- turations foncières. Ceux qui s’engagent dans la démarche bénéficient de cer- tains avantages comme l’exonération des frais notariés.” Le président et ses adhérents s’inquiètent depuis plusieurs mois des conséquences de la fameuse Révision Générale des Politiques Publiques sur le C.R.P.F. (centre régional de la pro-

priété forestière). Une vaste restruc- turation menace en effet cet organis- me chargé notamment de la validation des Plans Forestiers de Gestion. “C’est un peu l’équivalent de l’O.N.F. pour la forêt privée. On apporte notre soutien aux actions nationales menées en faveur de cette structure. Avec le C.R.P.F., on s’occupe également de la mise en pla- ce des dessertes forestières qui per- mettent d’exploiter des parcelles sou- vent inaccessibles. La R.G.P.P. a aussi pour finalité de réaliser 20 millions de m de bois supplémentaires. La seu- le possibilité d’y parvenir, c’est de les prendre sur la forêt privée, d’où l’intérêt d’encourager le développement des des- sertes forestières.” On vous prend d’un côté ce que l’on sollicite de l’autre, joli paradoxe. de cogénération en projet à Novillars. Cette unité de production d’électricité et de chaleur alimentée à partir de bois va absorber 140 000 tonnes de déchets forestiers. Ce peut être une aubaine pour la forêt privée. La grande ques- tion est de savoir si la forêt comtoise est capable de fournir de tels volumes sachant qu’il y a aussi un projet simi- laire à l’usine Solvay de Tavaux. “On ne peut que préconiser des recomman- dations à nos adhérents en leur conseillant d’être vigilants avant de signer des contrats d’approvisionnements avec la société Poweo qui exploitera ce site.” Jean-François Joriot estime qu’il serait d’abord plus pertinent d’encourager au préalable les dessertes forestières. “En optimisant ainsi le poten- tiel exploitable, on éviterait peut-être des massacres. En même temps, il ne faut pas négliger la cogénération qui peut être une chance pour la forêt pri- vée. La valorisation des déchets inci- terait probablement de nombreux pro- priétaires à entreprendre des éclaircies.” Cette perspective encouragerait indi- rectement les propriétaires à sortir davantage de bois en s’extrayant par Autre sujet d’actualité qui suscite autant d’intérêt que d’inquiétude : l’installation

Spéculateurs, passez votre chemin.

Jean-François Joriot estime qu’il faudrait d’abord se donner les moyens de faciliter l’exploitation de la ressource forestière avant de songer à en tirer bénéfice d’une façon ou d’une autre.

là même du sempiternel rapport de for- ce avec les scieurs. “La conjoncture actuelle n’est guère favorable. Le mar- ché est tendu.” Dans un registre moins économique mais tout aussi symbolique des rela- tions souvent conflictuelles entre fores- tiers et chasseurs, causons de l’arrivée du cerf du côté de Mouthe. “On est tota- lement opposé au phénomène contrai- rement aux chasseurs ravis d’avoir

du gros gibier à domicile. La chasse res- te un loisir alors que la forêt a d’abord un objectif d’exploitation. La question du cerf revêt encore un caractère anec- dotique mais on ne souhaite pas que cela se généralise.” Le Villérier qu’il est s’intéresse forcé- ment au dossier du Parc naturel trans- frontalier, même s’il est un peu dubi- tatif sur cette dimension franco-suis- se. “Cela ne va pas accélérer la procé-

dure. Il reste aussi à circonscrire le péri- mètre. Les élus sont encore loin de s’entendre sur le sujet. Mais si ce pro- jet aboutit, il ne pourra qu’améliorer la gestion forestière à l’exemple du Parc naturel régional du Haut-Jura.” Jean- François Joriot n’oublie pas la raison d’être du syndicat qui consiste en la défense des intérêts des adhérents, au nombre de 750. F.C.

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