Journal C'est à Dire 102 - Août 2005

27 REPORTAGE

Klaxon hurlant, la voiture se fraie difficilement un passage aumilieu de la foule, qui ne s’écarte qu’au dernier moment. Ils sont des mil- liers de supporters massés près du sommet, à agiter frénétiquement mains vertes géantes distribuées par l’un des sponsors et pancartes en l’honneur du chouchou local, JanUllrich. Premier col de la jour- née, en Allemagne à une dizaine de kilomètres du départ. On est loin encore des grandes étapes alpines qui ont forgé la légende du tour. Mais le public, lui, est déjà là, à attendre les coureurs. Enco- re quelques minutes et ils seront là. Une masse multicolore et le Tour est passé. Au volant de sa voiture, vélos sur

le toit et roues dans le coffre, le directeur sportif, lui, suit le pelo- ton à distance au milieu du flot des autres voitures suiveuses, deux par équipe. “Si ça roule aus- si vite tous les jours, il va y avoir du dégât. Déjà là, tu sens que les écarts commencent à se creuser” , reconnaît Christophe Faudot. En tête de la course, les attaques et contre-attaques se multiplient. Sans Bouygues Télécom. Pour le directeur sportif, la course se pas- se loin devant. Le seul lien, c’est la radio. La radio course, qui égrè- ne les écarts et les noms des cou- reurs lâchés, l’autre qui lui per- met de communiquer avec ses coureurs équipés d’une oreillet- te, une autre encore pour dia-

loguer avec l’autre directeur spor- tif de l’équipe et discuter des déci- sions à prendre et enfin la der- nière qui permet de maintenir le contact avec les assistants. “Autant dire que quand tu sors de là, tu es complètement haras- sé” , reprend Christophe Faudot en riant. Et la conduite est sportive. Pour ne pas se laisser distancer par les coureurs, il faut foncer à plus de 80 km/h au milieu de la fou- le. Descendre en faisant crisser les pneus. Et doubler à trois de front les autres directeurs spor- tifs sur les routes départemen- tales pour remonter la file des voitures suiveuses jusqu’à son coureur. Le tout, avec souvent le micro de la radio dans une main et la carte de l’autre. Le direc- teur sportif se fait de grosses frayeurs. Comme dans la mon- tée du dernier col alors qu’il accé- lérerait pour rejoindre un de ses coureurs. Dans un virage, deux spectateurs couraient derrière le cycliste, pour l’encourager. “Un policier les a rattrapés au der- nier moment par le col. Sinon, je ne sais vraiment pas ce qui ce serait passé.”

Le “chouchou” du public, Thomas Vœckler, pensait bien faire un “coup” ce jour-là.

Le manager général de l’équipe, Jean-René Bernaudeau.

16 h 48 - Gérardmer. En hur- lant de joie, le vainqueur du jour pour 9 millimètres d’avan- ce sur son compagnon d’échap- pée, Pieter Weening, tombe dans les bras de son soigneur, aussitôt assailli par les jour- nalistes. En petites grappes, les autres coureurs rejoignent progressivement la ligne et s’en- gouffrent aussitôt dans leur bus. Direction l’hôtel, à une trentaine de kilomètres ce jour- là, près d’une heure trente de bus dans les embouteillages. Pour Christophe Faudot, la journée n’est pas terminée, il faut mettre au point la stra- tégie de la course du lende- main. L’équipe s’est fixée com- me objectif une victoire d’éta- pe. Ce jour-là, le premier fran- çais, Christophe Moreau est 8 ème , les coureurs de Bouygues Télécom pointent en 35 et 36 èmes positions pour les meilleurs. “On peut dire ce qu’on veut, que les coureurs français soi-disant s’entraînent moins que les

autres. C’est faux. Il y a cer- tainement des équipes étran- gères qui marchent bien et à l’eau claire, mais à la fin, tu n’arrives plus à savoir. Après, on nous dit qu’on est mauvais joueur…” , reconnaît Christophe Faudot amer. Il cite le cas d’un cycliste recon- nu faussement asthmatique, s’interroge sur le bien-fondé des caissons hyperbares, utilisés par certains pour augmenter le taux de globules rouges. Quelques jours après cette huitième éta- pe, un coureur russe a été exclu pour soupçon de dopage, un autre italien, Dario Frigo, sui- te à l’arrestation de sa femme en possession de substances illi- cites. Sur la ligne d’arrivée, les tech- niciens ont déjà rangé tous les kilomètres de fils déroulés. Tout est déjà prêt pour l’étape suivante.

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