La Presse Pontissalienne 217 - Novembre 2017

22 DOSSIER I

La Presse Pontissalienne n° 217 - Novembre 2017

l Filière comté

Marcel-Petite, pionnier du bio

“Il ne faut pas chercher à opposer le comté bio au traditionnel”

La maison Petite accompagne six coopératives qui fabriquent 700 tonnes de comté bio dont 25 à 30 % partent à l’export. Entretien avec Hubert Borel, directeur des fromageries Marcel Petite.

ne à l’exemple de la coop duVal de Loue qui a doublé ses volumes de comté bio sur une décennie en accueillant de nou- veaux producteurs. L’important en bio comme en traditionnel, c’est que nos fromages reflètent le terroir desquels ils sont issus. L.P.P. : C’est plus rentable de faire du comté bio ? H.B. : Le marché bio permet d’avoir à qualité égale une plus-value qui retour- ne chez le producteur bio qui a aussi des charges supplémentaires. L.P.P. : Comment évolue le marché ? H.B. : Chez Petite, on met en marché 700 tonnes de comté bio dont 25 à 30 % partent à l’export, notamment enAlle- magne. Aujourd’hui, on a une grosse demande en bio. On est passé d’unmar- ché longtemps centré sur les magasins spécialisés à une diffusion du bio dans tous les systèmes de distribution. À la différence du comté traditionnel, la part à l’export est plus élevée en bio. L.P.P. : Certains suggèrent que l’avenir du com- té, c’est le bio. Votre sentiment sur la ques- tion ? H.B. : Il ne faut pas chercher à opposer le bio au traditionnel, sinon cela se sau- rait. Tout passer en bio ? On ne peut pas être aussi manichéen. Si on parle impact immédiat sur l’évolution, oui je pense qu’il y aurait certainement du positif. Si on raisonne à long terme, je ne sais pas. Cela déstabiliserait com- plètement les marchés.

L a Presse Pontissalienne : Quelle est la part du bio chez Petite ? Hubert Borel : Cela représente 10 à 12 % de nos volumes et c’est comme cela depuis très longtemps. L’aventure a commencé dans les années soixante- dix avec des coops qui avaient fait le choix du bio. L’évolution n’est pas linéai- re en bio comme en traditionnel avec des arrêts, des arrivées. C’est le propre d’une filière vivante. Le bio implique une conduite d’élevage éminemment technique. D’entrée, on s’interdit cer- taines béquilles auxquelles on aurait pu avoir recours en système traditionnel. En général, le bio correspond à 3 % de toute production.À 12 %, on peut consi- dérer que le comté bio est déjà bien développé. L.P.P. : Peut-on réduire le bio à un terroir pure- ment montagnard d’agriculture extensive ? H.B. : Non, surtout pas puisqu’on en pro- duit sur la haute chaîne comme en plai-

L.P.P. : Est-ce plus délicat de faire du comté bio ? H.B. : En bio, on ressent forcément plus les à-coups du climat donc c’est toujours plus délicat de travailler en bio. En cave, les comtés bio sont par nature isolés. On les regarde pareil et ils ont droit auxmêmes soins.Ils ont aussi lesmêmes aptitudes au vieillissement que les autres. Les marchés biologiques s’in- téressent beaucoup moins à l’âge que les marchés traditionnels. Au final, il n’y a aucune différence de goût.

L.P.P. : Les fromageries Petite travaillent d’autres produits bio ? H.B. : Pendant très longtemps, on a été les seuls à produire du bleu de Gex bio avec la coopérative de Lajoux. On a aussi un peu de morbier bio. L.P.P. : Et l’avenir du comté bio ? H.B. : Qu’on soit en bio ou en conven- tionnel, chacun doit continuer à s’in- terroger sur ses pratiques. n Propos recueillis par F.C.

La maison Petite, c’est environ 700 tonnes de comté bio affinées chaque année.

Du comté bio sur la voie du sel l Arc-sous-Montenot La fruitière Sur la voie du Sel, fusion des coops d’Arc-sous-Montenot et de Villers-sous-Chalamont est la seule à fabriquer du comté en conventionnel et en bio.

Le lait bio payé 20 % plus cher

L a date du 7 novembre 2015, Julien Conte l’un des admi- nistrateurs de la coop s’en sou- vient, marque la fabrication des premiers comtés bio dans cette jeu- ne coopérative qui fonctionne encore sur deux ateliers entre Arc-sous-Mon- tenot et Villers-sous-Chalamont. Avec les vendeuses, cela représente un effec- tif de six salariés dont trois fromagers. “Tout sera recentré à Villers-sous-Cha- lamont où l’on a prévu d’adosser à la fromagerie existante un nouveau bâti- ment qui abritera l’atelier de fabrica- tion” , signale Joseph Vurpillat, le pré- sident de la coop Sur la Voie du Sel. Pour l’instant, tout le bio se fabrique à la fromagerie d’Arc-sous-Montenot. “C’est un atelier mixte. On commence par travailler le lait bio avant de pas- ser au lait conventionnel” , explique le fromager Lionel Aymonier. Pourquoi ne pas spécialiser l’un des deux ate- liers sur le bio ? “Le bio représente seu- lement 25 % du litrage total qui s’éta- blit à 4,2 millions de litres de lait. L’atelier de Villers-sous-Chalamont n’est pas conçu pour absorber toute la fabrication hors bio” , justifie le prési-

dent. Aujourd’hui, cinq exploitations sur les 18 adhérentes à la coop sont engagées en lait bio. Leurs tailles varient de 170 000 litres de lait à 400 000 litres. “Tout est parti de la reprise d’une fer- me à Arc-sous-Montenot par un jeune qui souhaitait rester en bio en se rap- prochant d’une coop bio. Plusieurs d’entre nous songeaient alors à fran- chir le pas. Et finalement, quatre exploi- tations se sont engagées en conversion bio. On avait fait le choix d’une conver- sion non simultanée sur 18 mois en dissociant le lait de la viande. Cela nous a permis de produire plus vite du lait bio” , rappelle Julien Conte.

De gauche à droite, Julien Conte administrateur de la coop, Lionel Aymonier le fromager, Joseph Vurpillat le président de la coop avec son fils Clovis, grand consommateur de comté.

“Le lait bio est payé 20 % plus cher.”

S’il doit bien sûr utili- ser des ingrédients cer- tifiés par Écocert com- me le sel de Camargue, le fromager n’a pas noté de différences majeures dans le process de fabri- cation. Dans les filières fromagères comme cel- le du comté, les plus fortes contraintes liées

au bio concernent davantage le trou- peau. “On est plus limité par les trai- tements sanitaires et la nature des intrants” , complète Joseph Vurpillat. Sans oublier les contrôles de certifi- cation qui s’appliquent aussi bien sur les fermes qu’à la fromagerie. Des contrôles techniques, comptables, admi- nistratifs assez stricts et parfois inopi-

nés. “Tant mieux. C’est une garantie supplémentaire pour le consommateur. Cela nous oblige à être précis et rigou- reux” , apprécie le fromager. Au bout d’un an de production bio, les résultats sont satisfaisants. Sur le plan qualitatif, on ne note pas de différen- ce avec le comté traditionnel. “On s’ex- pose plus en bio. S’il y a un problème

de lait, l’impact est forcément plus important en mélangeant seulement cinq laits” , observe Lionel Aymonier. Tous les comtés sortis de la coop Sur la voie du sel sont affinés par la Mai- son Petite. “Ici, le lait bio est payé 20 % plus cher que le lait à comté tradi- tionnel” , indique Julien Conte. n F.C.

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