la Presse Pontissalienne 241 - Novembre 2019

DOSSIER I

La Presse Pontissalienne n° 241 - Novembre 2019

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De l’importance du management l Méthode X.R. Solutions Certaines entreprises du Haut-Doubs ne sont pas du tout touchées par le souci de main-d’œuvre ou le turn-over. Cette stabilité repose aussi sur la capacité ou la volonté de l’employeur à investir dans la qualité de vie au travail, gage de fidélité. Pour Xavier Robe, gérant de X.R.

Zoom Le temps

faut arrêter de se demander quand les nouvelles recrues vont quitter l’entreprise. On devrait plutôt se poser la question : com- ment faire pour les garder ? Les employeurs suisses ne sont pas plus en avance que nous. Ils com- mencent aussi à être confrontés à des problèmes de recrutement. Eux aussi vont devoir apprendre à mettre les formes et savoir reconnaître que l’humain consti- tue le premier capital de l’entre- prise. D’où l’importance aussi d’échanger ses pratiques, de ne pas s’isoler.” n F.C. des concessions À la tête d’une entreprise du bâti- ment située dans le Haut-Doubs, ce patron qui ne souhaite pas s’afficher, n’a pas de souci de personnel. Pour autant, il admet : “Aujourd’hui, on est obligé de faire des concessions. On prend le temps de boire le café ensem- ble. On est plus souple dans la gestion des congés. Mes gars gagnent un salaire 15 à 20 % supérieur à la moyenne. Je ne me plains pas d’eux. Pour établir de la confiance, il faut du temps.” Il concède aussi qu’il ne pourrait plus trop évoluer avec les diffi- cultés de recrutement, au risque aussi de déstabiliser une équipe qui a trouvé son équilibre. n

Solutions, la question du bien-être au travail, la qualité de l’intégration dans l’entreprise sont aussi des gages de fidélisation du personnel.

L e temps où le patron, sûr de son effectif, fixait lui-même le cap, déter- minait la croissance de l’entreprise sans se soucier d’avoir les moyens humains de mener à bon port ses projets, c’est fini. “Aujourd’hui, c’est la main-d’œuvre qui détermine la faisabilité du projet” , explique Xavier Robe, consultant, recru- teur, formateur au sein de la société X.R. Solutions qu’il a créée en 2014. Très vite, celui qui pensait qu’il allait recruter seulement des cadres a élargi son champ d’ac- tion à tous les types de profils. “On gère plus de 80 mandats en permanence mais on n’ira pas au-delà car on n’arriverait plus à gérer. On se concentrait sur le massif jurassien pour finir par prospecter dans toute la France. Dans les secteurs les plus touchés, on préfère d’abord trouver les profils avant s’intéresser à l’em- ployeur. Il n’y a pas de règle, ni de tendance sur la durée

moyenne de validation d’un mandat. Cela peut se concrétiser en une demi-journée comme en 6 mois, voire plus” , poursuit le gérant aujourd’hui à la tête d’une équipe de 6 personnes. Avant même de songer au recru- tement, Xavier Robe estime nécessaire de revenir sur la question dumanagement, essen- tielle à ses yeux et trop souvent négligée. “Plus de 55 % des managers ne l’ont pas demandé. C’est assez révélateur du peu de considération que certains accor- dent à ce poste.” Il cite volontiers

repose avant tout sur le mana- gement. Ce qui pourrait expli- quer que des entreprises locales ne soient pas du tout sujettes à la concurrence helvétique ou aux sautes d’humeur de quelques individus qui suffisent parfois à vous pourrir tout une ambiance. “Il y a encore beau- coup à faire sur la qualité de vie au travail. Contribuer au bien- être du salarié, c’est s’assurer de la reconnaissance mutuelle, c’est conforter la cohésion d’une équipe. On ne peut plus se conten- ter aujourd’hui d’un repas de

manu militari. Cela participe aussi à l’avenir de l’entreprise” , poursuit celui qui songe aujourd’hui à renforcer sa société en recrutant un spécialiste du “on-boarding” qui travaille uni- quement sur l’intégration des nouveaux collaborateurs. “L’ac- cueil immédiat, c’est fondamen- tal. On néglige trop souvent cet aspect des choses, ne serait qu’en indiquant où l’on peut se garer, qu’en avertissant tout le person- nel qu’il sera amené à côtoyer. Pour moi, l’emploi, c’est aimer les gens avec qui on travaille. Il

fin d’année. Il faut arrêter de raisonner comme il y a 20, 30 ou 50 ans.” Et de citer ces exem- ples où on le mandate pour orga- niser une randonnée, une course en montagne. Ces expériences lui permettent ainsi d’identifier celles ou ceux capables de faire avancer un groupe collectivement. Des ini- tiatives, il se les applique aussi à lui-même dans la gestion de sa société. “Quand un salarié quitte l’entreprise, je conseille même à l’employeur de le remer- cier plutôt que de le congédier

ces entreprises pourtant posi- tionnées sur des secteurs tendus qui n’ont aucun souci pour fidé- liser leurs col- laborateurs. Pour lui, aucun doute : la dyna- mique d’une entreprise, son attractivité

“L’accueil immédiat, c’est fondamental.”

sique de management. “On est dans un changement d’époque” l Analyse Laurent Sage Directeur des études économiques et territoriales à la C.C.I. du Doubs,

de l’industrie” qui malgré tout, portent leurs fruits. Dans le secteur du bâtiment, certains métiers sont (hélas) confiés à des personnes issues de l’immigration et qui viennent d’arriver sur le sol français et n’ont d’autres choix parfois que de faire ces métiers que d’au- tres personnes ne

Laurent Sage suit de près les soubresauts du marché du travail. Les questions de recrutement sont plus prégnantes que jamais, notamment en zone frontalière.

L.P.P. : Elles seraient un exemple à suivre par les entreprises “traditionnelles” ? L.S. : Sans doute sur certains points comme les questions d’intéressement par exemple. Les start-up ont su faire comprendre à leurs salariés qu’ils sont directement concernés par la réussite de l’entreprise. Je prends l’exemple de la société S.I.S. (Valdahon, Avoudrey, Étalans) qui à mon sens, est une start- up car elle a su proposer un modèle différent en matière d’avantages sociaux, de management. C’est l’alchi- mie entre tous ces leviers d’attractivité qui fera qu’une entreprise saura mieux attirer et retenir sa main-d’œuvre. L.P.P. : Le marché du travail devrait donc subir de profondes mutations à cause du changement de modèle économique ? L.S. : On est en effet sur un vrai chan- gement d’époque, nous assistons à une progressive fluidification du marché du travail. C’est un moment compliqué pour les chefs d’entreprise qui étaient habitués à un autre mode de fonction- nement. Ils ont donc deux options : soit ils se disent que c’était mieux avant et ils subissent la situation, soit ils innovent en matière sociale et se démarquent. Mais il ne faut certaine- ment pas s’attrister de ces change- ments. n Propos recueillis par J.-F.H.

“Les start-up cassent le modèle classique de management.”

L a Presse Pontissalienne :Les besoins en main-d’œuvre semblent être de plus en plus compliqués à satisfaire alors même que le taux de chômage reste à un niveau élevé. Comment l’expliquez- vous ? Laurent Sage : En zone frontalière, on connaît ce phénomène depuis déjà un certain temps : comment trouver de la main-d’œuvre et faire en sorte de la garder. Nous sommes donc dans notre région en prise avec une économie suisse très performante où on a beau- coup de facilités à débaucher et à embaucher. Même si les règles ne sont pas aussi souples chez nous, je pense que mentalement, on est ici aussi dans cet état d’esprit. Les entreprises ont de plus en plus de mal à embaucher et à garder leur personnel parce que la main-d’œuvre est de plus en plus volatile et prompte à bouger. L.P.P. : Quels leviers peuvent actionner les entreprises pour pallier ces difficultés de recrutement ? L.S. : Je vois plusieurs leviers de recru- tement, d’attractivité et de fidélisation pour les entreprises. Des opérations de communication comme les “semaines

veulent plus faire. L’aspect territorial est un autre levier. Il y a hélas dans notre région des secteurs où il y a du travail mais où les gens ne veulent pas aller travailler, car trop éloignés des grandes villes. Ces territoires peu- vent jouer sur de nouveaux leviers comme des logements réservés aux stagiaires et aux apprentis. Les terri- toires, ruraux notamment, ont un vrai rôle à jouer sur ce plan-là, ils ne doivent pas rester les bras croisés. Certains d’ailleurs sont en avance sur les centres urbains avec la création de tiers lieux par exemple, des lieux de coworking. Il y a enfin l’aspect entreprise avec ce qui se passe dans les start-up. Ce qui aurait pu passer pour une mode ou un gadget encore récemment devient un vrai phénomène. Les dix premières entreprises mondiales aujourd’hui sont des start-up qui cassent le modèle clas-

Laurent Sage est le directeur des études économiques et territoriales à la C.C.I. du Doubs (photo C.C.I.).

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