La Presse Pontissalienne 297 - Octobre 2024

18 Pontarlier et environs

La Presse Pontissalienne n°297 - Octobre 2024

CONSEIL DÉPARTEMENTAL Débats La fermeture de Piquemiette est “un choix de raison” Le sort du secteur de Piquemiette menacé de fermeture a fait l’objet de l’unique dossier à l’ordre du jour de l’assemblée départementale de rentrée, le lundi 30 septembre. Morceaux choisis des débats.

tractivité du territoire. Nous savions. C’est 2030 qui était prévu, c’est en fait aujourd’hui. Le réchauffement clima tique avance, l’état des finances du Département se complique. Nous n’avons plus de leviers fiscaux, l’État décide et on doit faire avec. Ce matin, la protection de l’enfance crie (des agents de la protection de leur enfance pro testaient devant l’hôtel du Département, à la suite de l’agression de l’un d’eux, N.D.L.R.). Il leur faut plus de moyens. Je mets en parallèle le sujet de Métabief. On ne peut plus mettre 2 millions d’eu ros dans le déficit chronique de la sta tion car il y a des priorités. Aujourd’hui, fermer le secteur de Piquemiette, c’est prendre en compte le grand sens des priorités de politique sociale du Dépar tement.” Dans la même veine, Christine Coren Gasperoni (canton d’Audincourt) a sou ligné que “ce sont les cris de douleurs sourds des agents de la protection de l’enfance qui nous bouleversent. Plus que la limitation d’une station de ski.” Elle ne néglige pas pour autant les choix douloureux : “Il faut en faire pro gressivement le deuil, accompagner tous ceux que ça impacte. Mais nous avertissons depuis longtemps sur la dérive budgétaire du Département qui allouait sans compter des millions d’eu ros au S.M.M.O. Aujourd’hui, l’artifice

S’ il y a bien un mot qui est revenu dans la bouche des élus lors de l’assemblée dépar tementale dédiée à l’avenir de Piquemiette, c’est bien celui de raison. “Notre but est de donner un avenir à Métabief mais pas n’importe comment et encore moins à n’importe quel prix, a souligné Christine Bouquin, dans son propos introductif. Je n’ignore pas ni ne minimise les réactions, parfois éner giques, qui ont été exprimées à la suite de la décision prise concernant Pique miette. Les décisions n’ont pas été prises contre une famille, contre des commerces, contre une commune et encore moins contre un territoire. Notre responsabilité d'élus, c’est aussi et avant tout de faire les choix qui permettent de poursuivre l’histoire de Métabief, d’écrire une nou velle page de son développement et de rester maître de notre destin. Ne rien faire, ne rien changer, faire comme si nous pouvions continuer ainsi, c’est entretenir une illusion qui condamnerait à terme l’ensemble de la station.” La présidente du Département a bien

évidemment avancé le réchauffement climatique mais aussi, et surtout, les finances du Département qui s’étran glent. “La situation des finances publiques est devenue périlleuse, nos marges de manœuvre se sont fortement réduites et les voies de passage pour s’en sortir sont limitées. Nous n’avons plus, ni les moyens, ni le temps d’at tendre une prochaine présidentielle pour prendre les décisions qui s’imposent et relever les défis qui sont devant nous.” Raphaël Krucien, de Doubs Sociale écologique et solidaire (minorité dépar tementale) et siégeant au S.M.M.O. a également salué un choix raisonnable. “Je me suis senti au cours du dernier conseil syndical au pied du mur d’une décision historique difficile. Je pense que c’est un arrachement, une décision lourde et difficile. Quand j’emmène mes enfants skier à Métabief, je vois ces bandes de neige au milieu de l’herbe, ces sapins secs dont la cime commence à ployer sous les effets du scolyte. Je vois les agents du S.M.M.O. souffrir du manque de neige, du manque d’at

Philippe Alpy, lors de l’assemblée plénière dédiée au sort de Piquemiette, et écouté attentivement par la présidente du Département.

moment est peut-être venu de lancer des États généraux, de renforcer le tissu économique et social du secteur.” Pour conclure, Raphaël Krucien a évo qué plusieurs pistes à l’avenir, comme revoir le modèle de fonctionnement du S.M.M.O., peut-être intégrer des finan ceurs privés. Il a surtout exhorté le Grand Pontarlier à “sortir de son mutisme indécent.” Plusieurs fois au cours de l’assemblée, l’attitude du Grand Pontarlier, resté en retrait, a posé question, voire irrité certains élus. Enfin, Géraldine Tissot-Trullard, adjointe à Jougne et conseillère dépar tementale, a souligné la création d’un collectif regroupant les acteurs écono miques, socio-professionnels et les habi tants. Ce dernier souhaite s’investir collectivement et financièrement pour assurer l’avenir de la station. n L.P.

(la neige de culture, N.D.L.R.) ne suffit plus. Cela coûte beaucoup trop cher au contribuable. Il faut stopper la fuite en avant.” L’élue a tout de même relevé un manque de concertation avec les élus, les habitants, les commerçants. Un point également soulevé par Mar tine Voidet, du groupe Ensemble pour le Doubs (minorité départementale). “Il y a peut-être eu une non-concertation qui pose question. La situation nous invite à réfléchir sur l’avenir de notre territoire, sur la manière dont il s’adapte au réchauffement climatique. Ces sta tions de moyenne montagne incarnent des écosystèmes que nous avons le devoir de préserver. Il nous appartient d’adop ter un nouveau modèle d’économie tou ristique durable et respectueux de l’en vironnement. Il faut diversifier notre offre touristique, attirer un public large. Il faut favoriser la concertation. Le

LES ARGUMENTS Philippe Alpy “C’est le seul scénario possible pour contenir le déficit”

L’annonce de la suspension d’exploitation du secteur Piquemiette a déclenché, c’est le mot, une avalanche de critiques notamment du côté de Jougne. Pourquoi et comment en est-on arrivé là ? Éléments de réponse avec Philippe Alpy, président du S.M.M.O.

même constat que celui de la Chambre des comptes. L.P.P. : Ces audits ont abouti à quoi ? P.A. : Décision a été prise de lancer une étude prospective au prin temps dernier. Tout le monde s’est mis au travail et tous les scénarios envisagés faisaient état de déficits dont le montant variait entre 2,5 et 3 millions d’euros. Le 28 juin, le Départe ment votait 2,8 millions d’euros pour combler le déficit en noti fiant des recommandations au S.M.M.O. d’effectuer des simu lations de risque financier qui serait plafonné à 1,5 million d’eu ros. L.P.P. : Et ? P P.A. : Le seul scénario possible passait par une suspension de l’activité hivernale à Piquemiette, ce qui n’hypothèque pas l’activité V.T.T. estivale. L’annonce a été faite le 20 août lors d’un C.O.P.I.L. en y ajoutant que l’ou verture du secteur Super-Lon gevilles se ferait seulement le week-end et les vacances. Le bureau s’est réuni le 26 août pour informer les élus. Le temps de réunir un conseil syndical, on s’est retrouvé le 12 septembre. On ne pouvait rien annoncer avant cette date.

jet d’un portage financier par l’E.P.F. dont je suis président et le business plan des gérants actuels ne s’appuie aucunement sur l’activité ski. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de préjudice mais il est infime. Autre chose à signa ler, tous les commerçants de la station sont invités à nos réu nions. Ils savaient qu’avec 3 mil lions d’euros de déficit, on serait amené à prendre des décisions. L.P.P. : Et cette histoire d’audit ? P.A. : En 2022, un audit a été com mandé pour tous les satellites du Département. Il s’agit de véri fier les finances, les statuts, la gouvernance… Quand Christine Bouquin a demandé des candi dats, j’ai proposé le S.M.M.O. en ignorant alors que la Chambre régionale des comptes auditait aussi 26 stations dont Métabief. Des choses intéressantes ont été dites. On a par exemple un statut d’E.P.I.C. où la neige doit payer la neige. Le Département ne peut pas durablement financer des déficits, sauf si c’est défini dans nos statuts, ce qui n’est pas le cas. La Chambre régionale des comptes invitait donc le Département à réviser les statuts du S.M.M.O. L’autre audit com mandité par le Département a été lancé fin 2023. Il dressait le

tir dans la neige de culture et la mise en place d’un télésiège débrayable entre Les Tavins et le Morond. Ces opérations auraient pu être réalisées à l’époque où Michel Morel était conseiller général. Personne ne semble se rappeler qu’il a été au Département. En 2015, on a abandonné le non productif pour se concentrer sur l’engagement qualitatif. On a alors renoncé à deux télésièges débrayables. L.P.P. : Le secteur Piquemiette est resté ouvert combien de jours l’hiver der nier ? P.A. : On a fonctionné 35 jours à Piquemiette avec des journées à très faible fréquentation. La garantie de la neige à Métabief répond aux besoins des plus gros consommateurs comme Espace Mont d’Or qui ne ressent pas le besoin d’aller à Piquemiette. L.P.P. : Comprenez-vous la colère de certains commerçants ? P.A. : Le Département avait demandé à la C.C.I. d’intervenir comme médiateur mais elle s’est vue notifier une fin de non-rece voir. On a aussi cherché à vérifier certains chiffres annoncés dans les médias et on reste assez dubi tatif sur leur véracité. Le res taurant Chez Frankie a fait l’ob

L a Presse Pontissalienne : Aurait-on pu éviter d’en arriver là ? Philippe Alpy : Sans doute. Si Méta bief avait investi dans les années quatre-vingt-dix dans la moder nisation des télésièges de Pique miette, on aurait du fonds de roulement et on ne serait pas aussi dépendant des collectivités. On aurait alors pu dégager du cash et on ne se retrouverait pas dans la même expectative. Le retard d’investissement, on ne le rattrape pas. Jours d’ouverture du secteur Piquemiette Saison Nombre de jours l 2018-2019............65 jours l 2019-2020............52 jours l 2020-2021 ............Covid l 2021-2022............94 jours l 2022-2023............47 jours l 2023-2024............35 jours

L.P.P.: Les recettes ne couvrent plus les charges ? P.A. : Les dettes contractées dans les années 2010 à 2015, il faut maintenant les honorer alors que les résultats sont de plus en plus fragiles. On a un outil de production performant mais on n’a pas été aidé par les circons tances. En 2020 pendant l’année du Covid, on aurait pu faire une année géniale. Sur la saison 2022-2023, on s’est pris une hausse de 400 % sur le coût de l’énergie, soit plus d’1,2 million d’euros de charges supplémen taires qui sont venus creuser le déficit alors qu’on s’attendait à faire le petit équilibre. L.P.P. : Qu’est-ce qui aurait dû se faire à Piquemiette ? P.A. : On peut parler de non-inves tissement prospectif. Avec la transition climatique et les contraintes environnementales, il était déjà trop tard pour inves

L.P.P. : La facture commence à s’alourdir avec l’accumulation des déficits ? P.A. : Sur les deux dernières sai sons, on est à 4 millions d’euros qui sont partis en fumée, soit l’équivalent d’un petit gymnase qui manque tant à ce territoire. L.P.P. : Cette suspension d’exploitation est-elle synonyme de réduction d’effectif dans l’équipe des permanents ? P.A. : Non, on garde les 40 agents qui travaillent toute l’année sur la station. Il n’y a aucun impact. On recrutera juste moins de sai sonniers. n Propos recueillis par F.C. “Le retard d’investissement, tu ne le rattrapes pas”, explique Philippe Alpy conseiller départemental et président du S.M.M.O.

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