La Presse Bisontine 225 - Février 2021

23 La Presse Bisontine n°225 - Février 2021

l Urbanisme L’historique du projet Les Vaîtes s’embourbent depuis quinze ans Entre les premières propositions de rachat de terrains par la Ville en 2005 et les travaux engagés par le groupe d’experts nommé par Anne Vignot, quinze années de procédures et de polémiques ont émaillé ce projet de construire à l’Est de la Ville un éco-quartier d’un millier de logements.

Les premières estimations pour, les rachats de terrains

aux Vaîtes remontent

J usqu’à la conférence de presse prévue la veille du conseil municipal du 28 janvier, rien ne sem- blait vouloir filtrer de la mairie. Le cabinet d’Anne Vignot confirme : “Nous communique- rons sur les Vaîtes et le G.E.E.C. à ce moment-là.” Ce fameux groupe d’experts a-t-il déjà engagé, voire terminé son travail d’analyse ? Qu’est-ce qu’Anne Vignot attendait précisément de ce G.E.E.C. présidé par un ses proches, le chercheur Hervé Richard ? Quelle était sa lettre de mission ? Quand ses conclu- sions doivent-elles être rendues ? À toutes ces questions, impos- sible d’obtenir la moindre réponse de M me la maire. Ni les mouvements citoyens (associa- tions Les Vaîtes et Les jardins des Vaîtes), ni les groupes poli- tiques de l’opposition n’ont eu

à 2005 (photo archive L.P.B.).

revoir une première fois sa copie. Que s’est-il passé depuis ? C’est le 16 juin 2011 que le conseil municipal de Besançon approuve officiellement le projet d’aménagement d’un éco-quar- tier de 1 150 logements répartis sur une surface de 23 hectares, destiné comme l’indiquent ses promoteurs à “conforter le déve- loppement de l’Est bisontin, déve- lopper une offre d’habitat diver- sifiée pour répondre aux attentes des familles, des jeunes ménages, des seniors et des primo-accé- dants, encourager de nouveaux comportements en matière de consommation d’énergie et de mobilité en lien notamment avec le tramway, aménager de vastes espaces publics dans le respect du cadre paysager existant et des activités maraîchères histo- riques et enfin développer une offre adaptée de services, de com-

la moindre bribe d’informations sur ce dossier jusqu’ici. Drôle de méthode. Ce nouvel épisode vient renforcer le flou qui règne autour de ce dossier depuis son démarrage au milieu des années 2000, au moment où la Ville s’est appro- chée de certains riverains (pro- priétaires privés, maraîchers) pour leur proposer le rachat de leurs terres pour à peine 8,05 euros du mètre carré (pro- position datant de 2011), provo- quant des litiges judiciaires qui ne sont toujours pas réglés à ce jour (voir notre article en page suivante). Les premières propo- sitions datent même de 2005 avec un prix alors proposé par laVille aux propriétaires encore plus dérisoire : 3,81 euros le mètre carré ! Le lobbying de l’as- sociation Les Vaîtes, créée dès 2005, avait obligé la mairie à

la plus haute juridiction admi- nistrative française donne raison aux associations “Les Jardins des Vaîtes” et “France Nature Environnement 25-90” qui avaient demandé la suspension de l’exécution de l’arrêté préfec- toral qu’elles avaient attaqué. Depuis cette date, c’est l’impasse auxVaîtes. Pour tenter de se sor- tir de ce bourbier, Anne Vignot a chargé un comité d’experts de reprendre à zéro la réflexion. L’avenir desVaîtes est donc pour l’instant entre les mains d’un groupe de personnes dont on ne connaissait jusqu’à ce début d’année ni l’identité, ni la légi- timité. n J.-F.H.

fois-ci AnneVignot, ÉricAlauzet, Karima Rochdi ou encore Chris- tophe Lime donne l’autorisation officielle d’engager les travaux. Le chantier est brutalement sus- pendu le 6 mai 2019 par le tri- bunal administratif qui conteste l’arrêté préfectoral de reprise des travaux qui avaient été inter- rompus quelques semaines aupa- ravant suite à un avis négatif du Conseil national de protection de la nature. Le 17 juin 2020 démarre alors une période d’occupation illégale du terrain par des zadistes bien déterminés à entraver toute reprise des travaux. Dernier épisode en date : le 3 juil- let 2020 quand le Conseil d’État,

merces et d’équipements publics” comme le résume la société publique locale Territoire 25 à qui a été confiée la création de cette Z.A.C. Le 21 janvier 2013, le même conseil municipal présidé alors par Jean-Louis Fousseret approuve cette fois-ci le dossier de réalisation de la Z.A.C. L’amé- nagement sera officiellement confié à Territoire 25 via une concession d’aménagement par une décision des élus bisontins du 21 décembre de la même année. Cette décision prendra effet pour une durée de 12 ans à partir du 24 janvier 2014. Le 23 juin 2016, le conseil muni- cipal dans lequel siègent cette

l Combat Retour au tribunal administratif “Le mot éco-quartier n’est pas une garantie écologique” Les associations, à l’image du “Jardin des Vaîtes”, sont devenues des lanceurs d’alerte.

l Études

Les scientifiques vont-ils déjuger d’autres scientifiques ?

Le G.E.E.C. joue sa crédibilité scientifique L’instance va confirmer ou déjuger l’avis du conseil national de la protection de la nature placé sous l’autorité du ministre de l’Écologie qui avait, en février 2019, émis un avis défavorable au regard des espèces protégées.

pense à François Rebsamen, maire de Dijon, qui fait marche arrière sur la création d’un éco-quartier dans sa ville. L’association trouve absurde que le conseil municipal ait adopté le rapport d’activité de la S.P.L.Territoire 25 actant la poursuite du projet tel qu’il a été initié par Jean-Louis Fousseret, avec un budget dédié se chiffrant à 5,6 mil- lions d’euros de 2020 à 2023. L’association a rédigé un communiqué de presse commun avec “Les Vaîtes”, association créée en 2005 pour dénoncer le manque de clarté autour du G.E.E.C. Éric Daclin, son président, fut un des premiers à combattre avec d’autres voi- sins le projet. Il semble ragaillardi : “Taper un rocher à mains nues, ça va un moment, déclare le riverain. On avait une mairie autiste qui nous expli- quait qu’il fallait construire et l’on se rend compte que Besançon perd encore de la population et affiche un taux de vacances de logements à 9,9 %. Désor- mais, on a une maire écologiste…C’est pour Les Vaîtes un alignement des pla- nètes et un argument supplémentaire avec la crise sanitaire car les citadins recherchent des espaces verts…” 15 années de combat, toujours la même vigueur. n

U nis contre la bétonisation des Vaîtes, l’association “Le Jardin des Vaîtes” avec France Nature Environnement 25-90 ont obtenu l’arrêt des travaux au printemps 2019 et deux victoires judiciaires, d’abord au tribunal administratif, puis au Conseil d’État. Le dossier revient au tribunal adminis- tratif de Besançon qui va juger sur le fond. La date de l’audience n’est pas encore fixée. Malgré ce combat judiciaire, le dialogue n’est pas rompu avec la Ville. À deux reprises, les représentants de l’associa- tion ont rencontré l'exécutif, ce que la précédente majorité n’avait jamais fait. Claire Arnoux, membre du Jardin des Vaîtes et les bénévoles estiment toutefois que la Ville doit aujourd’hui se rendre à l’évidence : “Les Vaîtes, c’est un projet bâclé, dit-elle. Nous avons suffisamment de recul sur le mot “éco-quartier” pour savoir que ce n’est pas une garantie éco- logique.ÀBesançon, on fait tout l’inverse de ce que les villes en transition tentent de faire” poursuit la représentante qui

A nneVignot tient parolemais pourrait être gênée aux entournures. Lors des muni- cipales, la maire a annoncé la création d’un groupe d’experts local, suivie d’une consultation citoyenne dans le but de juger l’avenir desVaîtes le plus rapidement possible. Une promesse qui peut la gêner poli- tiquement. “Elle aurait pu s’appuyer sur des instances qui existent déjà comme le Conseil régional de protection de la nature lui évitant ainsi de pro- bables conflits d’intérêts” juge un représentant d’une association envi- ronnementale. En effet, comme nous le confirme par écrit le président du G.E.E.C. Hervé Richard, 12 membres participent à la rédaction du dossier desVaîtes et non 14 car deuxmembres pressentis se sont retirés “en raison de possibles conflits d’intérêts.” Les

scientifiques “locaux” seront attendus au tournant : “Si le G.E.E.C. délivre un avis positif, quelle sera la crédibilité par rapport du C.N.P.F. ? Et si le G.E.E.C. confirme l’avis du Conseil national, c’est la maire qui sera bien embêtée politiquement” poursuit un environnementaliste. Rappelons que le C.N.P.N., une ins- tance du ministère de l’Écologie, a rendu un avis défavorable à la demande de dérogation portant sur la destruction, l’altération et la dégra- dation d’habitats d’espèces animales protégées pour le projet d’éco-quartier des Vaîtes 2019. La ville de Besançon et Territoire 25, l’aménageur, avaient formulé cette demande à la Direction régionale de l’environnement, de l’amé- nagement et du logement qui elle- même l’avait transmise au C.N.P.N. Ce dernier avait notamment souligné

que les “inventaires de faune datent de 2010 et 2011 et sont assez imprécis en ce qu’ils cartographient mal l’em- placement des espèces remarquables” , et que “les inventaires des chiroptères n’ont pas fait l'objet de recherches spé- cifiques, alors que c’est le seul groupe qui bénéficie d’un plan national d’ac- tion” et qu’une “ autre espèce remar- quable : l’Alyte accoucheur mériterait une meilleure prise en compte.” Les scientifiques jouent donc leur probité. n E.Ch. L’Alyte accoucheur, amphibien qui vit dans notamment dans cette mare aux Vaîtes, est “une espèce remarquable” dit le Conseil scientifique national de la protection de la nature.

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