Le Doubs Agricole 42 - Novembre 2023

Comice : les clefs du succès des leçons d’agriculture qui caractérisaient les premiers comices organisés dans le doubs vers 1820 à la version fête de la ruralité qui s’impose depuis une vingtaine années en passant par la création d'une fédération départementale dont on célèbre les 70 ans d’existence, invitation à découvrir et comprendre pourquoi les comices dans le doubs ont si bien résisté au temps qui passe. entretien avec Philippe Marguet, ancien administra teur de la Fédération et auteur de plusieurs ouvrages sur les comices. déCRyPtaGe

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L e Doubs Agricole : Les premiers comices étaient bien dif férents de la version actuelle ? Philippe Marguet : Ils reflétaient déjà une incitation à tendre vers le progrès, ce qui est toujours d’actualité sur la partie agricole. Les premiers comices ont été organisés dans le Doubs vers les années 1820-1830. À l’époque, il s’agissait de leçons d’agriculture don nées par le professeur Bonnet à l’initiative des comices. Dans ses interventions, il parlait aussi bien de zoo technie que d’agronomie. Les comices se déroulaient souvent en semaine, parfois en deux voire trois ras semblements en fonction de la taille des cantons. On célébrait les plus belles vaches en organisant aussi des concours pour les chevaux, les ovins. On distri buait le prix de la plus belle ferme, de la plus belle prai rie, de la plus belle culture. Les comices servaient d’ex pertise pour inscrire les animaux au Herd-Book Montbéliard Association. Le maître mot, c’est encou ragement. LDA : Pourquoi créer une fédération départementale ? PM : Certains comices ont traversé des difficultés finan cières au début des années cinquante avec un risque de les voir disparaître. Parmi les solutions envisagées, on a émis l’idée de faire le comice tous les deux ans. Ces réflexions ont abouti à la création d’une Fédéra tion destinée à mieux encadrer les comices financiè rement. Cette fédération devait aussi contribuer à ren forcer le volet sanitaire. Sur ce plan-là, on peut parler d’une formidable évolution. On ne vient plus sur un comice sans garantie sanitaire. Henri Chatras, agri culteur à Pierrefontaine-les-Varans, fut le premier pré sident de la Fédération qui a vu le jour en 1953. LDA : Comment expliquer la popularité des comices ? PM : Il y a plusieurs raisons. La formule d’organisation tournante entre les différents villages d’un canton par

ticipe à cette dynamique. La notoriété de la race mont béliarde et le succès de la filière comté et des autres A.O.P. fromagères sont aussi des facteurs explicatifs. Le comice n’est pas sectaire mais reste un lieu ouvert à tous les éleveurs quel que soit le schéma de sélec tion auquel ils adhèrent. Les comices ont su se démo cratiser en basculant dans les années 2000. Tout est parti du comice des Granges-Narboz en 2004 où la partie décoration, animation a été gérée par une popu lation non agricole. Conséquence : le comice est deve nu une fête de la ruralité avec l’implication des asso ciations, des écoles. L’organisation d’un comice repose la plupart du temps sur une association temporaire pour les volets animation, décoration et sur une asso ciation permanente qui s’occupe des aspects agri coles. Cette évolution se retrouve dans la composi tion des défilés qui accorde autant de place aux bêtes qu’aux forces vives du monde rural. Toutes les géné rations s’y retrouvent. LDA : Et le volet agricole ? PM : C’est toujours la pierre angulaire. L’avenir des comices, ce n’est pas le nombre d’animaux présen tés mais le nombre d’élevages qui participent. La manière de juger les bêtes reflète aussi les évolutions du standard de la race. Cette année, l’Organisme de Sélection a revu sa copie en donnant plus d’impor tance aux aplombs, c’est-à-dire à la capacité de l’ani mal à vivre, à vieillir. LDA : La démocratisation, c’est aussi le Super comice qui s’invite en ville ? PM : L’idée du Super comice est née au passage à l’an 2000 dans le prolongement du comice des quatre cantons organisé à la Haute-Foire. Le prochain aura lieu en 2025. n Propos recueillis par FC

bien-être animal.” Pour le grand public, le comice reste aussi l’oc casion d’apprécier à quel point la complicité éleveur-vache est forte dans le Doubs. “On manipule moins les bêtes depuis qu’elles sont en stabulation libre et pourtant elles restent très dociles comme on a encore pu le consta ter lors du dernier super-comice” , s’en éton ne encore Richard Ielsch en se rappelant ces centaines de vaches qui circulaient au milieu de la foule sans le moindre incident. 2023 marque les 70 ans de la Fédération des comices qui lance un prix de grande cham pionne pour célébrer l’événement. “On instal lera un tableau sur chaque comice qui retrace cet historique. En 1953, il y avait 23 comices dans le Doubs contre 21 aujourd'hui. C’est très stable. Il n’y a pas de zone blanche dans le département où chaque éleveur peut tout à fait se présenter sur un comice si rien n’est organisé dans son canton.” Fidèle à ses prédécesseurs, Richard Ielsch ne manquera pas non plus à l’heure des discours de s’exprimer sur les enjeux et l’actualité agri coles du moment : l’environnement, le loup… “On sait que le Doubs reste le département où il y a sans doute le plus de comices. On vient de partout pour admirer les bêtes et s'impré gner de l’ambiance. Quand on gagne au comi ce, c’est toujours une fierté pour l’éleveur, la validation d’un travail de sélection et la recon naissance de ses pairs.” n Richard Ielsch avec le prix de grande championne mis en place cette année pour célébrer les 70 ans de la Fédération des comices du Doubs.

“Les comices ont su se démocratiser en basculant dans les années 2000”, explique Philippe Marguet ancien administrateur de la Fédération départementale des comices et auteur de plusieurs livres sur les comices.

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