Le Doubs Agricole 39 - Mars 2022

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F I L I è r E P o r C I n E

Dans le cochon, tout va mal Dans une filière fortement tributaire du coût de l’aliment, la crise ukrainienne arrive au plus mauvais moment pour les éleveurs porcins du Doubs. L’intervention de l’état est atten- due et des répercussions de prix semblent inévitables avec l’espoir que le consommateur privilégie les produits locaux.

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“O n perd déjà 20 à 30 euros sur chaque porc charcutier. On ne ressent pas encore l’impact immédiat de la crise mais c’est sûr, on va se ramasser des hausses sur l’aliment. Sur les 12 der- niers mois, on en a déjà subi plus d’une quarantaine” , s’inquiète Joël Bassi- gnot, visiblement très remonté du trai- tement réservé aux éleveurs de porcs comtois. Calculette en main, il estime qu’il faudrait qu’il touche entre 1,70 et 1,80 euro par kg pour compenser la hausse des coûts de production. “On se situe actuellement entre 1,45 et 1,50 euro le kg en intégrant les 15 à 17 centimes de plus-value accordés aux producteurs de porc comtois.” Cet éleveur engraisse environ 5 200 cialisée dans le négoce d’animaux vivants issus des filières régionales de viande porcine, bovine et ovine a beaucoup à perdre si le conflit ukrai- nien venait à perdurer. Pour mener à bien l’activité négoce, elle gère un parc de 110 véhicules, du P.L. à la voiture de société. “On consomme 1 million de litres de car- burant, soit une facture annuelle de fioul de 1,250 million d’euros sus- ceptible de doubler si les cours actuels se maintiennent” , explique Christophe Jacquin, le président de Franche- Comté Élevage (F.C.E.). La facture énergétique risque aussi de connaître une forte augmentation. Les abat- toirs consomment du gaz pour chauf- fer l’eau nécessaire aux différentes opérations. La note de gaz passerait de 105 000 à 160 000 euros. F.C.E. est aussi propriétaire de plu-

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porcs par an. Ce qui représente 1 800 tonnes d’aliments. “Une hausse de 10 %, c’est 18 000 euros de charges supplémentaires. On supporte de plus en plus mal ces pertes de rentabilité qui ne font que creuser la trésorerie.” Cet éleveur est sans doute vindicatif, ulcéré de constater la réussite des I.G.P. Morteau et Montbéliard sans partager les bénéfices. Pour autant, la filière porcine est très dépendante de la disponibilité et du prix des céréales. “L’aliment représentait déjà 64 % des charges en 2020 et maintenant on est à plus de 70 %. C’est vrai que la cotation ne permet pas de compenser l’augmentation des coûts de protection. L’État verse déjà une aide pour limiter cet écart qui risque de s’amplifier avec la crise ukrainienne” , confirme Claire Legrand, sieurs porcheries à Frasne, La Riviè- re-Drugeon, le Luhier, Les Fins… L’augmentation du prix de l’aliment signifie un supplément de 500 000 euros. “On a aussi 500 places de naissage. À 80 euros supplé- mentaires par truie, cela représente un surcoût de 400 000 euros si l’ali- ment augmente de 20 %.” Pour Christophe Jacquin, l’équilibre budgétaire contraint la coopérative à répercuter ces hausses à l’aval donc, au final, au consommateur. “Ce ne sont que des projections car aujour- d’hui beaucoup d’incertitudes pla- nent encore. Impossible de savoir comment seront redistribuées les cartes des flux d’exportations. On s’interroge aussi sur l’intervention des pouvoirs publics. Jusqu’où le consom- mateur peut aller pour réduire son pouvoir d’achat ?” Seul point positif pour F.C.E., sa fac- ture d’électricité basée sur un contrat de trois ans avec des tarifs bloqués. n

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directrice d’Interporc Franche-Comté. Ici ou là en France, des éleveurs commencent à mettre la clef sous la porte, las de travailler à perte. Pour mesurer l’impact que pourrait avoir cette guerre si elle venait à perdurer, il faut savoir que l’Ukraine est le 4 ème pays exportateur de blé et de maïs au monde et le 1 er exportateur de tournesol. La Russie étant le premier exportateur au monde de blé. L’arrêt des exportations oblige les pays à se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement comme la France qui intrinsèquement serait en mesure de répondre aux besoins nationaux. La directrice explique aussi que la pilule est un peu moins amère pour les éleveurs qui alimentent la filière des I.G.P. saucisses de Morteau et de Montbéliard. Ils peuvent alimenter leurs bêtes avec du lactosérum. Lequel représente 15 à 30 % de la ration. Le reste étant composé de tourteaux pour 15 à 20 % et de céréales pour près de 50 %. “Il faut tout faire pour maintenir le lien entre les fruitières et les élevages porcins.” L’autre espoir réside dans la mise en place rapide de la loi Égalim 2 qui a pour objectif de préserver le revenu des exploitants agricoles en s’efforçant “Cette pression autour de la ressource participe aussi à l’envol des cours. On s’inquiète aussi de savoir si cette année les cultures et les récoltes pourront se faire.”

de rééquilibrer les relations commerciales entre producteurs et distributeurs. Un risque bien réel de pénurie se profile si la guerre bloque toute possibilité de culture de céréales et de tournesol. L’Ukraine et la Russie sont aussi de gros producteurs d’engrais. Une pénurie signifierait une baisse de rendement. Ces craintes viennent s’ajouter aux dépenses énergétiques dans les porcheries qui ont besoin d’être ventilées et maintenues à une température stable. Pour Claire Legrand, quelques solutions pourraient être mises en œuvre pour gagner en L’autre levier réside dans le renforcement des interactions en économie circulaire. Je pense toujours au lactosérum des fruitières qui aujourd’hui a plus sa place dans une porcherie que sur la filière déshydratation. En contrepartie, les effluents porcins sont épandus sur les parcelles des agriculteurs. Cela évite de mettre de l’azote et des engrais minéraux.” La solidarité, c’est aussi l’affaire des consommateurs. En privilégiant les produits locaux, ils contribuent ainsi à la pérennité des filières agricoles locales. Mangeons du porc de Franche-Comté ! n autonomie. “Pourquoi ne pas développer la résilience énergétique en installant du photovoltaïque sur les bâtiments d’élevage ?

La triple peine à Franche-Comté Élevage E xploitant notamment les abat- toirs de Valdahon et Besançon, la coopérative également spé-

Un risque bien réel de pénurie.

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