Le Doubs Agricole 39 - Mars 2022
D O S S I E R 14
L A I t
L’inquiétante baisse de production de lait va s’accélérer Selon le président de l’institut d’élevage, la crise actuelle va amplifier l’érosion des effectifs laitiers ou allaitants. un phénomène qui n’épargne pas la région voire les A.o.P.
vitesse. La Bourgogne-Franche-Comté n’est pas épargnée : là où un éleveur stoppe son activité, il n’est pas remplacé” commente le président. Cette production laitière par exploitation “est en baisse de - 1 % à - 4 % en France” calcule l’institut dans son observatoire de l’endettement lequel constate que le revenu disponible par Unité de travailleur humain (U.T.H.) est de 22 000 euros annuels (en 2021) alors que les prélèvements privés sont d’environ 26 000 euros. “Il est impossible, quelle que soit la zone, de dégager une marge de sécurité” analyse l’observatoire. Toujours selon cette étude, la proportion des élevages endettés et sans trésorerie augmente pour atteindre 42 %. Il n’y a qu’en zone montagne où cette part est plus faible (32 %). La guerre en Ukraine n’a rien arrangé. Elle se télescope avec les négociations sur les prix dans le cadre de la loi Égalim 2. Les producteurs estiment que certaines grandes surfaces ne respectent - toujours - pas la loi et n’ont pas répercuté la hausse des charges subies par les producteurs sur le prix d’achat. “Nous avons réussi (en février) à négocier quelques hausses sur une partie de certains produits mais ce n’est pas suffisant, constate le président. Un nouveau bai l de négociation s’ouvre mais nous retombons dans les travers de la grande distribution” déplore le représentant des producteurs laitiers. La filière se sent - encore une fois - écartée alors qu’elle a prouvé lors de la crise sanitaire que le pays pouvait compter sur sa souveraineté laitière. n
L es prix d’achat des aliments pour le bétail fluctuent heure par heure, les coûts du gazo- le non routier évoluent jour par jour, laissant les éleveurs face à leurs interrogations. Que fai- re ? Acheter au prix fort des engrais alors que le prix du lait a peu évolué pour se maintenir à envi- ron 385 euros les 1 000 litres (en standard) ou prévoir des économies sur certains postes de dépenses ? “Pour anticiper la hausse que nous subissons sur nos fermes, des agriculteurs rédui- sent déjà la voilure. Ils achètent par exemple moins d’engrais parce qu’on note déjà des contingen- tements dans la vente de ceux-ci. Ils limitent donc leur capacité de production” témoigne Martial Marguet, président de l’Institut d’élevage (Idele) et vice-président de la fédération nationale des producteurs de lait. Il ne cache pas son inquié- tude face à cette baisse de production : “Nous sommes dans une France laitière en perte de
Martial Marguet, vice-président de la fédération nationale des producteurs de lait.
C é r é A L E S
“Cela devrait mieux se passer dans la filière comté” trois questions à Pierre Dornier, le président de la minoterie éponyme de bians-les-usiers qui fabrique également des aliments du bétail.
L e Doubs Agricole : Les prix des aliments du bétail sont en hausse. Une aubaine pour vous ? Pierre Dornier : Ce qu’on vit est très mauvais pour tout le monde. Entre le blé meunier et le blé pour l’aliment du bétail, ces deux céréales avaient pris entre 20 et 25 % d’augmentation rien que sur les deux premières semaines du conflit. Sachant que 48%des céréales consommées en Europe viennent de Russie et d’Ukraine, il y a de quoi s’inquiéter encore plus… En ce moment, on arrive à une situation où le prix du blé conventionnel dépasse celui du blé bio ! Quant aux protéines, elles avaient pris dans le même laps de temps entre 30 et 35 %. Il faut ajouter à cela les coûts de l’énergie pour faire tourner les broyeurs, les mélangeurs et les presses, sans compter que certaines usines qui triturent les
graines ont du mal à se fournir en pièces détachées.
LDA : Pourrez-vous répercuter le surcoût sur les céréales que vous utilisez pour fabriquer vos aliments du bétail ? PD : Il est encore un peu tôt pour répondre à cette interrogation car on achète à terme. Nous y verrons plus clair en septembre quand il faudra reconstituer les stocks. La répercussion de ces hausses de prix sera moins forte dans la filière comté avec des vaches laitières qui ne consomment pas énormément de compléments et un lait toujours bien rémunéré. Pour les éleveurs de porcs et de volailles, je me fais plus de soucis… D’autant que les cours des porcs, des poules pondeuses et des poulets sont déjà très bas. LDA : Quid des conséquences du prix du blé
Pierre Dornier, président de la Minoterie Dornier à Bians-les-Usiers.
sur la farine panifiable et au final le prix du pain ? PD : Dans une baguette, le prix de la farine intervient à hauteur de 10 à 15 % du prix final. La hausse pour le consommateur devrait être plutôt limitée. n Propos recueillis par J-FH
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