Le Doubs Agricole 38 - Novembre 2021

C U L T U R E S 26

u t I L I S at I o N D u P H o S P H u r e D e z I N C Lutte contre le campagnol : l’après-bromadiolone L’utilisation de ce rodenticide très décrié n’est plus autorisée depuis le 20 décembre dernier. Comment s’organise la lutte alors que les pullulations sont toujours d’actualité sur certains secteurs du Haut-Doubs ? éléments de réponse.

L’ autorisation de mise en marché de la bro- madiolone a été retirée le 21 février 2020 avec un délai d’utilisation porté au 20 décembre 2020. “Ce retrait reflète une stratégie de firme qui a préféré quitter ce marché peu porteur”, explique Geoffroy Couval respon- sable du pôle vertébrés à la Fredon Bourgogne- Franche-Comté. Plus possible désormais d’avoir recours à des anticoagulants pour éliminer des rongeurs en plein champ. des situations associant la présence de taupes et de campagnols. L’alternative, l’usage d’un nou- veau rodenticide homologué en France en 2017, qui se présente sous forme d’appâts secs enro- bés de phosphure de zinc. Le campagnol ingère les appâts empoisonnés qui, au contact des sucs gastriques de l’estomac, dégagent la phosphine qui tue rapidement le rongeur. “À la différence de la bromadiolone, cette matière active dispose d’une toxicité secondaire très faible vis-à-vis des prédateurs. En revanche, avec sa toxicité primai- Les agriculteurs engagés dans la lutte ont désormais deux possibili- tés de traitement. Ils peuvent conti- nuer avec le phosphure d’alumi- nium, taupicide, qui est toléré sur

re très élevée, les appâts doivent être bien enfouis dans le sol pour éviter les intoxications des espèces non-cibles comme les granivores ou lagomorphes. Cette toxicité implique des règles d’usage très strictes avec des applications manuelles et une dose maximale limitée à 2 kg par hectare et par an” , détaille le spécialiste. La problématique du campagnol terrestre est tou- jours d’actualité dans le Haut-Doubs où elle resur-

par le campagnol terrestre. Geoffroy Couval signa- le les dégâts causés dans les estives du Cantal où il est très difficile de mettre en place une stra- tégie de lutte. “Les agriculteurs n’ont pas les mêmes moyens que sur la filière comté. Ils tra- vaillent sur des troupeaux allaitants avec des estives situées à 80 ou 90 km du siège d’exploitation. C’est compliqué dans ces circonstances d’inter- venir à basse densité.” Pour mémoire, rappelons qu’un couple de campagnols au printemps peut générer une descendance de 100 à 120 individus en une année. Le réchauffement climatique est-il un facteur favo- rable aux campagnols ? “Oui, répond sans hési- tation Geoffroy Couval. La sécheresse a tendan- ce à accentuer les dégâts.” Le niveau de mobilisation des agriculteurs reste très variable d’un secteur à l’autre avec un fléchissement global de la lutte collective. Nous sommes toujours dans une approche de lutte intégrée, stratégie qui permet d’associer plusieurs méthodes de lutte de façon Pour venir à bout du campagnol terrestre, les agriculteurs peuvent utiliser des appâts secs enrobés de phosphure de zinc.

git de façon cyclique. Le plateau de Levier, le secteur de la Vrine en ont fait les frais cette année au contraire du secteur de Maîche où l’on serait plutôt en phase de déclin. On observe aussi des situations de

Un fléchissement global de la lutte collective.

pullulations de campagnol terrestre sur le dépar- tement du Jura. Son cousin le campagnol des champs cause aussi des dégâts importants dans la plaine céréalière du Finage jurassien. Le phé- nomène s’explique par l’avènement de l’agricul- ture de conservation des sols qui proscrit le labour et favorise l’installation durable du campagnol des champs. “C’est un nouveau sujet d’inquiétude sur lequel on mobilise aujourd’hui des moyens de recherche.” Le Haut-Doubs n’est pas le seul massif impacté

LES BIENFAITS DE LA LUTTE COLLECTIVE

Souvent citée en référence, la zone expérimentale de Pissenavache qui mobilisait à ses débuts une dizaine d’exploitations sur un parcellaire de 300 hectares a perdu de sa dyna- mique au fil du temps. Ils ne sont plus que deux voire un à continuer le combat. “Les agriculteurs de la Vrine ont été obligés de resemer contrairement à moi, explique Fabri- ce Berne toujours motivé et pas seu- lement pour des raisons écono- miques. C’est vrai que cela prend du temps mais on récupère quand même beaucoup moins de terre dans le fourrage. Je pense que ma lutte

raisonnée contribue à la bonne san- té du troupeau.” Sans tenir un décompte précis, l’agri- culteur de Pissenavache estime qu’il a passé près de cinquante demi- journées au traitement des campa- gnols au cours de l’automne dernier. Une stratégie rentable car elle s’ins- crit dans un système d’exploitation très extensif avec un troupeau de 40 vaches laitières sur un parcellaire de 88 hectares. Fabrice Berne combi- ne à la fois l’utilisation de phosphu- re d'aluminium en testant encore l’ef- ficacité des appâts secs enrobés de phosphure de zinc. n

“Je n’ai pas été obligé de resemer ce printemps et j’aurai assez de fourrage”, explique Fabrice Berne, l’un des derniers agriculteurs engagés dans la lutte raisonnée sur la zone expérimentale de Pissenavache.

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