Le Doubs Agricole 38 - Novembre 2021

D e V e C e y Les producteurs “bio” s’estiment lâchés par le gouvernement

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L es agriculteurs, bio ou non, ont l’habitude de composer avec la météo. Ils font avec. Pierre Chupin, agriculteur bio depuis 2009 à Devecey, a réalisé ce printemps une production de fraises de qualité à défaut d’avoir la quantité. Quant à sa pro- duction de pommes, elle sera très limitée en raison des pluies incessantes du début de printemps. Si l’agriculteur est aujourd’hui un brin agacé, ce n’est pas contre le ciel, mais contre le gouvernement. La réforme de la Politique agricole commune (P.A.C.) a créé chez les exploitants bio un séisme. La Fédération nationale de l’agriculture biologique a manifesté en juin à Paris pour dénoncer le “pire quinquennat pour le développement de la bio” dit-elle. Pierre était du voya- ge. Cela s’illustre par trois années de retard de paie- Visite chez Pierre Chupin qui cultive à Devecey des fraises biologiques, des framboises et des pommes, et produit de la confiture. L’agriculteur s’est élevé, avec d’autres, contre la décision du gouvernement de mettre fin à l’aide au maintien.

ment des aides bio jusqu’en 2020, le refus d’indem- niser les fermes bio pour ces retards qui ont entraîné des faillites malgré la reconnaissance de la faute de l’État par le ministre de l’Agriculture de l’époque, la suppression du financement de l’aide au maintien dès 2017, le refus de réunir les groupes de travail sur les paiements pour services environnementaux dans le cadre du travail pour la prochaine P.A.C. et enfin l’ob- jectif de 15 % de surfaces bio en 2022, abandonné. Dans son verger de Devecey, Pierre Chupin qui com- mercialise en direct ou via des A.M.A.P. à Besançon (associations pour le maintien de l’agriculture paysan- ne) s’interroge. Après 2021, il ne touchera plus l’aide “au maintien”, soit 450 euros par hectare et par an. Son exploitation va devoir se priver d’environ 3 000 euros. “En contrepartie, les aides aux agriculteurs conven- tionnels ne diminuent pas. Nous faisons des efforts : n’est-il pas normal qu’il y ait une contribution ?, expo- se le professionnel. Si demain on stoppe les aides de la P.A.C. aux agriculteurs conventionnels, l’écart de prix entre leurs produits et les nôtres en biologique sera le même, voire ils seront moins chers. Il n’existe aujour- d’hui aucune graduation : si vous polluez, vous avez des aides” se désole le producteur de fruits.

Pierre Chupin, ici dans son champ de fraises à Devecey.

La filière parle d’inégalité de traitement alors même que le gouvernement annonce vouloir donner davantage d’aides aux agriculteurs conventionnels qui veulent se convertir en biologique. De la poudre aux yeux selon l’interprofession bio qui y voit une façon supplémen- taire d’aider le conventionnel. Sur les 9 milliards d’euros d’aides de la P.A.C., “seu- lement” 280 millions d’euros vont aux producteurs bio. Grâce à de nouveaux débouchés et une meilleu- re production, Pierre a embauché un salarié agrico- le qui l’aide à récolter fraises, cassis, mûres. Pour- ra-t-il conserver ce poste avec la fin de l’aide au maintien ? Des pourparlers étaient encore engagés avec le ministère de l’Écologie pour revenir sur la fin de l’aide au maintien. n

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