Le Doubs Agricole 33 - Novembre 2018

DOSSIER

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À chacun sa méthanisation La société Bureau d’études Blanchet (B.e.B.) intervient à la demande d’agriculteurs prêts à s’engager dans la méthanisation. retour d’expertise. H U A n n e - M O n t M A r t i n

“Une réflexion est à mener sur le développement de la micro-méthanisation avec valorisation directe sans le souci du moteur”, analyse Patrick Blanchet de la société B.E.B.

A vant de monter son propre bureau d’études, Patrick Blanchet initialement direc- teur technique dans l’in- dustrie automobile allemande s’est formé aux énergies renouvelables. “J’intervenais dans le montage d’installations photovoltaïques en milieu agricole. Je suis passé à la méthanisation par le biais d’un de mes clients, la ferme André à Lan- dresse où j’ai monté ma première installation biogaz en 2015.” Pour ce technicien, difficile de viser la rentabilité sur des installations dont la puissance est inférieure à 250 kWh. Et encore, sous réserve d’être autonome au niveau des intrants car cela coûte de plus en plus cher si l’on s’approvisionne à l’extérieur. “Cela peut représenter jusqu’à un tiers du prix” , averti

Patrick Blanchet, soucieux de pro- poser un accompagnement per- sonnalisé en faisant appel à d’autres spécialistes. Il sollicite ainsi un ther- micien, un géologue pour l’étude des sols et un biologiste pour le démarrage et les analyses. “La bio- logie, c’est le nerf du système.” Il rappelle que les installations de méthanisation relèvent de la régle- mentation des sites classés sou- mis à déclaration, enregistrement ou autorisation suivant leur taille et la nature des intrants. Si la méthanisation reste encore pour 90 % des projets une affaire agricole, c’est avant tout une ques- tion de foncier disponible pour l’épandage du digestat. Un des freins par exemple au développe- ment de la méthanisation dans le Haut-Doubs contraint au niveau du

parcellaire, sans oublier l’absence de cultures. Pour autant, Patrick Blanchet, estime qu’aujourd’hui la méthanisation offre des solutions techniques à pas mal de configu- rations. “On fait des installations sur des fosses à lisier en porche- rie où le biogaz alimente la chau- dière chauffant les bâtiments.” Il estime aussi possible de réaliser des unités de 50 à 60 kWh adap- tées aux exploitations de taille moyenne. L’objectif n’étant plus de viser uniquement la rentabilité éco- nomique mais d’optimiser la ges- tion des intrants. “On pourrait ima- giner monter un réseau de chaleur pour chauffer les habitations et les bâtiments agricoles. Cela permet de valoriser les déchets de façon sécurisée sans avoir à gérer les soucis liés à la cogénération, c’est-

à-dire au moteur. Cette solution représenterait entre 200 000 et 300 000 euros d’investissement facilement amortissables” , suggè- re Patrick Blanchet en insistant sur cette notion d’autonomie. Par expé- rience, il préconise aussi de décli- ner cette autonomie à l’échelle d’une seule et même exploitation. Mieux vaut donc éviter de s’asso- cier. Plus généralement, il confirme l’en- gouement autour de l’injection gaz sur des réseaux de 4 à 16 bars. “Cela fonctionne sur des installa- tions de taille importante avec un rendement supérieur de 20 à 30 % par rapport à l’électricité. On peut même faire de l’injection sur le réseau de transport G.R.T. gaz, mais là on se rapproche de la méthanisation industrielle.” n

Le G.A.E.C. Alix prêt à doubler la mise Cette ferme laitière en A.O.P. morbier a investi dans l’agriculture énergétique avec la bonne surprise d’un séchage en grange particulièrement efficient. L’envie d’aller plus loin. M O n t e n O i s

La première année, l’installation a fonctionné 7 820 heures en cogénération contre 8 680 heures depuis un an. La vente d’électricité génère un pro- duit d’environ 12 500 euros par mois. “Le séchage en grange, je n’y croyais pas. Maintenant je suis convaincu. Il aurait même fallu y passer il y a 15 ou 20 ans. Cela nous permet d’économiser 20 000 euros d’achat d’aliment en année normale et je pense qu’on sera plutôt vers 40 000 euros en 2018. On a une qualité de fourrage indéniable. Grâce au séchage en grange, on a fait les foins la première semaine de mai et une coupe de regain autour du 15 juin avec le même tonnage de fourrage. Les kilos de lait sont dans le séchage. On peut rentrer beaucoup plus de fourrage, on économise de l’engrais. Le digestat per- met de disposer des unités d’azote immédiatement. C’est un ensemble.” L’installation tourne aujourd’hui comme une horloge sans grosse marge de progression, d’où l’idée d’in- vestir dans un second digesteur pour doubler la pro- duction de biogaz. “L’étude est chiffrée. Le projet est calibré pour arriver à une puissance de 200 kWh. Si le projet aboutit, on investira aussi dans une table d’incorporation pour optimiser le chargement et y passer le moins de temps possible.” n

“L’ exploitation n’avait pas besoin d’un reve- nu supplémentaire mais pour moi, l’agri- culture énergétique c’est l’avenir” , explique Xavier Alix, installé en G.A.E.C. avec son épouse sur une ferme en production laitière valori- sée en A.O.P. morbier. Le couple qui emploie un sala- rié soigne un troupeau de 110 laitières sur un par- cellaire de 135 hectares dont 15 hectares destinés à la culture de betterave et de maïs. La ferme Alix a franchi le pas de la méthanisation en 2016 avec une installation de 80 kWh de la marque Valogreen reconnaissable à ses digesteurs en forme de silo à grain. “On a investi 700 000 euros dans la méthanisation avec 20 % d’aide et 200 000 euros dans le séchage en grange qui a fait l’objet d’une extension cette année. Cette installation est adap- tée à la taille de l’exploitation, à la tête du bonhom- me et au volume des intrants. On a mis plusieurs mois à maîtriser le fonctionnement et aujourd’hui j’y passe en moyenne 30 minutes par jour.”

Xavier Alix peut suivre et ajuster le fonctionnement de l’installation en temps réel grâce à une application dédiée.

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