La Presse Pontissalienne 307 - Août 2025
24 Le dossier
Août 2025
l Chemin de pèlerinage 120 km dans le Doubs De plus en plus de marcheurs sur la Via Francigena Besoin de se ressourcer, quête de spiritualité, plaisir de la marche, attrait pour l’itinérance : les itinéraires pèlerins ont la cote et la Via Francigena n’échappe pas à cet engouement. D’où l’importance dans le Doubs de fédérer les collectivités traversées, de préserver et de maintenir à niveau la qualité de l’accueil et des hébergements.
L’ actualité dans le Doubs et qui s’inscrit aussi dans cette mon tée en puissance du parcours est marquée par le transfert récent à Besançon du siège français de la Via Francigena qui était situé depuis 4 ans à Champlitte. “On a déménagé le 19 mai. Pour mieux répondre aux attentes des pèlerins, l’association a préféré s’ins taller dans une grande ville plus facile d’accès avec une offre de services plus importante” , justifie Emmanuel Duriez, chargé de développement de la Via Fran cigena en France. Plus ancien chemin de pèlerinage médié val, la Via Francigena qui signifie la Voie des Français suit le parcours emprunté en 990 par Sigéric, l’arche vêque de Canterbury, pour se rendre à Rome. En France, la Via Francigena a connu un nouvel élan à partir de 1994 quand elle a été certifiée Itinéraire Cul turel du Conseil de l’Europe. Cette recon naissance a abouti à la création de l’As sociation Européenne des chemins de la Via Francigena (A.E.F.V.) qui est maintenant la structure porteuse de tout l’itinéraire. Seules les collectivités peuvent adhérer à l’association. L’A.E.V.F. compte actuellement un peu plus de 250 membres français dont 22 en Bourgogne-Franche-Comté. Grand Besançon Métropole et le Grand Pon tarlier figurent dans la liste comme les communes de Montfaucon, Ornans,
Saône, Mamirolle, Les Premiers Sapins, Les Fourgs… “La cotisation est propor tionnelle au nombre d’habitants” , précise Emmanuel Duriez qui doit, entre autres missions, fédérer le maximum de com munes traversées.
la Via Francigena, cela implique aussi des moyens financiers et du travail col lectif. La Région Bourgogne-Franche Comté a classé la Via Francigena comme un itinéraire d’excellence. Cela montre l’intérêt que les collectivités portent à ces chemins de grande itinérance” , com plète Émile Ney, le délégué territorial de l’A.E.F.V. Dans le Doubs, la Via Francigena par court 120 km entre Cussey-sur-l’Ognon et Jougne en faisant étape à Besançon, Foucherans, Mouthier-Haute-Pierre, Pontarlier et Jougne. La Via Francigena suit le tracé du G.R. 145 avec quelques variantes comme c’est le cas dans le Doubs où à partir de Mamirolle une déclinaison touristique file sur Ornans et la vallée de la Loue alors que la voie historique suit plus ou moins l’ancien tracé de la R.N. 57 en passant par Nods. “La plupart des pèlerins optent pour la variante touristique qui suit également le G.R. 145” , clarifie le chargé de déve loppement en rappelant aussi que la Via Francigena postule depuis plusieurs années pour entrer au patrimoine mon dial de l’Unesco. “Cette reconnaissance se fait pays par pays. Le dossier est beau coup plus avancé en Italie.” Qu’en est-il des pratiques, de la fréquen tation ? La plupart des pèlerins s’enga gent sur la Via Francigena sur des périodes de 8 à 10 jours. La tendance est au fractionnement en sachant qu’il faudrait entre 3 et 4 mois pour faire le parcours complet entre l’Angleterre et l’Italie. L’outil statistique le plus fiable pour mesurer la fréquentation reste encore lié à la vente des crédentiales, les passeports des pèlerins. “Comme l’année 2025 est une année jubilaire, davantage de pélerins partent à Rome. 1 000 crédentiales ont été vendues cette année au départ de Canterbury. En 2024, cela représentait 15 000 ventes sur l’en semble du parcours. On estime qu’il y a environ 50 000 pèlerins qui font chaque année tout ou partie de la Via Francigena. L’essentiel de la fréquentation se concentre encore sur la partie italienne. En France, cela représente entre 600 et 700 pèle rins.” La Via Francigena s’impose comme un itinéraire international avec des mar cheurs venus du monde entier. L’héber gement est un des maillons essentiels
Jusqu’à présent, l’ani mation de la Via Fran cigena reposait sur beaucoup d’initiatives locales. La densifica tion du réseau va per mettre d’offrir aux pèlerins une vraie unité de service, avec le même balisage, les mêmes actions de pro motion. “Il y a beau coup de projets autour du développement de
“En France, cela représente entre 600 et 700 pèlerins.”
Émile Ney délégué territorial de l’A.E.F.V. et Emmanuel Duriez chargé de développement de la Via Francigena en France travaillent de concert à la promotion de la Via Francigena (photos A.E.V.F.).
Nods
Accueil pèlerin De l’expérience familiale à l’effort d’hospitalité La famille Bernard accueille depuis 2005 des pèlerins de la Via Francigena en leur proposant le gîte et le couvert dans la plus pure tradition des hébergements “donativo”, système basé sur des dons volontaires, sans tarif imposé.
Depuis 2005, les enfants ont grandi et ont fini par quitter la maison. La motivation de partage familiale n’est plus d’actualité. “On a quand même décidé de maintenir cet accueil en sachant la difficulté de trouver parfois des hébergements pèlerins. Quand on est randonneur, on est bien content de trouver un endroit où dormir.” Pierre François et Véronique Bernard accueillent entre 10 et 15 pèlerins chaque année sur une période qui s’étale d’avril à octobre. “On avait un peu plus d’étrangers avant la création d’une variante plus touristique par la vallée de la Loue. Les deux chemins se séparent à Mamirolle. Comme Nods est toujours sur la voie historique, on voit un peu moins de pèlerins qu’avant.” Véronique Bernard observe aussi qu’il y a davantage de personnes d’un certain âge, entre 55 et 70 ans, dans les adeptes de la Via Francigena alors que les jeunes sont moins nombreux à faire étape à Nods. Elle démystifie aussi le mythe de la rencontre riche de multiples apports. “Les échanges sont très réalistes avec des pèlerins qui cherchent surtout des renseignements sur les itinéraires, les solutions d’hé bergement, comment s’approvisionner… Je considère plutôt cela comme un effort d’accueil. Cela nous éduque, nous réaligne.” Une démarche qui n’est pas sans rappeler, l’accueil réservé aux voyageurs sans le sou qui étaient logés dans les granges après avoir mangé un bol de soupe proposé par ceux qui les hébergeaient. n
À l’heure où les notions du bénévolat, d’altruisme pei nent à se pérenniser, pourquoi ouvrir un accueil pèlerin sur la Via Francigena? Pierre-François et Véronique Bernard qui pratiquent activement la randonnée pédestre ont toujours eu la volonté de créer un gîte spirituel sur un chemin de randonnée. “On n’a pas trouvé le site qui s’y prêtait quand on était dans le Cantal d’où nous sommes originaires. Puis nous sommes venus nous installer dans le Haut-Doubs. Au cours d’une randonnée dans le secteur, mon mari est tombé un peu par hasard sur une balise spécifique aux itinéraires pèlerins. En faisant ensuite quelques recherches, on a découvert qu’il s’agissait de la Via Francigena. On a pris contact avec l’association dont le siège est en Italie. On a alors appris qu’ils cherchaient des hébergements pour pouvoir déve lopper cet itinéraire en France” , explique Véronique Bernard. L’occasion de réaliser un projet endormi qui plus est conforme à leurs valeurs. “Pour nous, c’était aussi une expérience à partager en famille.” La famille Bernard accueille des pèlerins de la Via Fran cigena depuis 2005 dans sa ferme réaménagée au centre de Nods. “On n’a pas fait de travaux spécifiques. Le
pèlerin se déplace souvent seul, quelquefois en couple ou en binôme mais rarement en groupe. Quand toute la famille était encore à la maison, on s’organisait pour libérer une chambre d’enfants. Le pèlerin partageait avec nous le repas du soir et le petit-déjeuner. On fonctionne sur le principe du donavito où chacun donne ce qu’il veut.” En 20 ans, Véronique et son mari ont acquis une certaine
expérience de l’accueil pèlerin. 80 % de leurs hôtes avaient déjà fait Compostelle et se décidaient à faire la Via Francigena pour diversifier leurs projets d’itinérance. “Cet itinéraire est bien connu en Italie où il entre dans le pays au col du Grand Saint-Bernard. Si l’offre d’hébergement est insuffisante en France, elle s’organise avant tout sous forme d’accueil familial. En revanche, c’est vraiment une voie solitaire avec une majorité de pèlerins en quête de spiritualité.” Le couple Bernard a déjà effectué le parcours depuis Nods jusqu’en Italie, ce qui explique aussi l’existence de cet accueil pèlerin.
Une majorité de pèlerins en quête de spiritualité.
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