La Presse Pontissalienne 297 - Octobre 2024

22 Le dossier

La Presse Pontissalienne n°297 - Octobre 2024

l Centre hospitalier de Novillars

Docteur Edgar Tissot

“On a du mal à répondre à l’augmentation des demandes de soins” Le centre hospitalier de Novillars, outre l’hôpital à Novillars à côté de Besançon, gère plus de 25 sites de consultations sur le territoire, dont le Haut-Doubs, avec des Centres médico-psychologiques, et des centres de guidance infantile. Le Docteur Edgar Tissot, pharmacien hospitalier, président de la commission médicale d’établissement du centre hospitalier de Novillars (C.H.N.) et président de la commission santé mentale du Doubs, dresse un état des lieux de la santé mentale dans le Doubs.

Le docteur Edgar Tissot, pharmacien hospitalier et président de la commission médicale d'établisse ment du C.H.N.

L a Presse Pontissalienne : Depuis plus de 20 ans, vous travaillez dans le domaine de la psychiatrie et de la santé mentale. Quel regard por tez-vous sur l’évolution de la santé mentale et sa prise en charge ? Edgar Tissot : Il y a une augmen tation de la demande en soins. La crise Covid a été un accélé rateur de cette augmentation. Les équipes du C.H.N. ont pris en soin, en 2023, 10 000 per sonnes sur tout le département (hors aire urbaine, centre-ville de Besançon et la vallée d’Or nans). Le C.H.N. couvre à peu près un bassin de population de 350 000 habitants. Et cette file active, ce chiffre de 10 000 personnes, a augmenté de 30 % ces cinq dernières années. Il y a une augmentation de la demande de soins pour deux raisons : les gens vont moins bien. Et le Covid a permis, s’il y a bien eu un effet positif, de dés tigmatiser la santé mentale. C’est-à-dire que les gens en par lent plus facilement, ce qui per met d’aller plus facilement au soin. Le revers de la médaille, c’est qu’on a du mal à répondre à cette augmentation. Bien que le Doubs soit de loin mieux loti

que certains autres territoires.

tous les partenaires (40 parte naires ont signé le C.T.S., N.D.L.R.). L’ensemble des par tenaires a permis de lever 45 mil lions d’euros dont deux tiers sont des crédits reconductibles. 40 fiches actions ont été élaborées, 70 actions dont 85 % sont en cours ou achevées. C’est une belle réussite car on a su se mobiliser, on a été capables de hiérarchiser les besoins. Personne n’a essayé de tirer la couverture à lui. C’est un vrai exercice de démocratie en santé. Les usagers sont asso ciés, les familles de patients éga lement, les G.E.M. (Groupes d’En traide Mutuelle). Concrètement, nous avons renforcé les C.M.P. adultes et enfants du C.H.N., créé de nouvelles équipes mobiles et renforcé celles qui existent. Par exemple, nous avons eu il y a quelques jours le financement d’une équipe mobile adolescents sur le Haut-Doubs. Car on doit être capable d’offrir le même niveau d’accès au soin sur tout le territoire. Au début du projet territorial, un diagnostic a été posé : des dispositifs n’existaient que sur le Grand Besançon, comme l’équipe mobile des per sonnes âgées, ou celle Psychiatrie

déstigmatisation de l’altération de la santé mentale. C’est une très bonne chose. Mais nous avons une vigilance. Quand la santé mentale s’altère, cela conduit à des troubles psychia triques. Les troubles psychia triques ne sont pas que des gens violents et dangereux, ce n’est pas que des cas de troubles à l’or dre public. Cela peut être des troubles du comportement ali mentaire, la dépression, la bipo larité, la schizophrénie, etc. L.P.P. : Vous êtes également président de la commission santé mentale du Doubs et participez donc au Contrat territorial de santé mentale 2020-2025. Que ressort-il de ce C.T.S. ? E.T. : C’est une belle réussite, le

L.P.P. : Quelles sont les raisons de cette difficulté à répondre à tous les besoins ? E.T. : Il existe un déficit de psy chiatres à l’échelon national. Ce métier a du mal à attirer les jeunes médecins. Globalement, le système de santé est sous ten sion, la psychiatrie était déjà sous tension, tension qui ne s’at ténue pas. Du fait du manque de médecins, les délais pour un rendez-vous sont longs. Dans un C.M.P. (centre médico-psycholo gique), pour un suivi standard, c’est un rendez-vous tous les trois mois. Hors urgences, le délai pour voir un psychiatre est de trois mois, 6 à 9 mois pour un psycho logue. Le remboursement des séances chez le psychologue est une très bonne chose même si l’expérimentation a été mal menée nationalement. Il devrait être facile maintenant d’accéder à une séance de psychologue rem boursée. L.P.P. : L’objectif du projet médical 2022 2026 du C.H.N. est la déstigmatisation de la santé mentale, ce que l’on peut observer aujourd’hui… E.T. : Il y a effectivement une réelle

précarité. Elles ne pouvaient intervenir partout, maintenant c’est le cas. Par ailleurs, nous avons com mencé à travailler le projet 2025 2030 et les défis à relever face à la contrainte paradoxale d’aug mentation de la demande sous une contrainte de ressources humaines. L.P.P. : Quels sont ces défis ? E.T. : Les perspectives et enjeux sont de faire connaître l’existant aux médecins, usagers, aux pro fessionnels du médico-sanitaire. Il s’agit ensuite de graduer l’ac compagnement pour que le niveau de soin soit adapté aux besoins. On doit garantir un accès de premier niveau avant d’ima giner une prise en charge ultra spécialisée qui s’adresse à peu de malades. Il faut qu’on soit capable d’une prise en charge de base, or les délais de prise de rendez-vous sont longs. Il est également question d’intégration

des nouveaux métiers et de nou velles compétences comme les infirmiers de pratique avancée. L’un des défis est la prévention détection précoce qui permet de diminuer le risque de dévelop pement de troubles psychia triques. Le vieillissement de la population est aussi un enjeu car les troubles psychiatriques à l’âge adulte évo luent et apparaissent des troubles spécifiques chez la personne âgée, notamment la dépression. Le troisième concerne l’héber gement qui n’est pas toujours simple pour les personnes souf frant de troubles psychiatriques, de même que l’accès à l’emploi. Et puis, il faut continuer de tra vailler sur la déstigmatisation. Beaucoup de nouvelles choses ont été mises en place. Malgré ça, les professionnels ont le sen timent de ne pas toujours répon dre aux besoins de la popula tion. n Propos recueillis par L.P.

Contrat territo rial santé men tale du Doubs est d’ailleurs montré en exem ple au niveau national. Ce n’est pas un énième outil technocratique mais un outil qui se traduit par la mobilisation de

“Le Covid a permis de déstigmatiser la santé mentale.”

l Communication Semaines d’information en santé mentale Des animations au service de la santé mentale

Le Pays du Haut-Doubs participe cette année à la campagne nationale d’information en santé mentale qui se tient du 7 au 20 octobre. Diverses actions sont prévues dont l’animation du stand “Salut comment, vas-tu ?” le 10 octobre sur la foire de la Saint-Luc.

psychique ? Comment prendre soin de sa santé mentale ? Les semaines d’in formation en santé mentale sont l’occa sion de répondre à toutes ces questions. Le C.L.S. en partenariat avec les acteurs locaux proposera plusieurs rencontres autour de la santé mentale sur le ter ritoire du Pays du Haut-Doubs. Le spec tacle “Nous” sera présenté le lundi 7 octo bre à 19 heures à l’Espace Rives du Doubs à Doubs. Humeurs, hallucinations, euphorie et désespoir, cette expression artistique pleine de contraste s’adresse à un public averti. “Le spectacle sera suivi d’un échange avec un professionnel de santé” , ajoute Sophie Girardet. Autre rendez-vous organisé le même jour avec la Rencontre Phar’andole qui se tiendra à la fruitière de Saint-Gorgon-Main à 19 h 45. Cette action s’adresse surtout aux agriculteurs qui pourront venir échanger avec des professionnels de la M.S.A. sur le mal-être en milieu agricole et sur les étapes de la crise suicidaire : repérer les signes, lutter contre les idées reçues et orienter vers les ressources locales. L’intégralité du programme des S.I.M.S. pour le Doubs est accessible sur la page Facebook Collectif S.I.S.M. 25. n

santé, Marie Nézet, intervient sur le Pays Horloger. Renouvelé en octobre 2023 pour cinq ans, le nouveau C.L.S. a été rédigé à la suite du diagnostic territorial réalisé par l’Observatoire Régionale de la Santé et des réflexions menées par les groupes de travail des acteurs de terrain. “Cet outil de coordination des actions de santé sur le territoire comprend six orientations prioritaires dont un sur le déploiement du volet santé mentale et accompagne ment des populations vulnérables” , pré cise Sophie Girardet. La mission se décline ensuite en trois fiches actions : déploiement du volet santé mentale, organisation de formation de premiers secours en santé mentale, déploiement d’un parcours d’accompagnement des publics précaires. La semaine d’information sur la santé mentale se déroule du 7 au 20 octobre. Qu’est-ce que la santé mentale ? De quoi parle-t-on quand on parle de santé men tale ? De dépression, d’anxiété, de trou bles bipolaires, de schizophrénie ? Est ce que cela concerne tout le monde ? C’est quoi une maladie psychique ? Est ce que l’on peut guérir d’une maladie

L ieu d’échanges par excellence, la foire de la Saint-Luc se prête donc particulièrement bien à cette action “Salut, comment vas-tu ?” “Ce stand est utilisé depuis plusieurs années à Besançon dans le cadre des précédentes Semaines d’infor mation en santé mentale. Cette action offre la possibilité aux gens de s’exprimer sur la santé mentale. Ils discutent autour d’un café avec des professionnels du soin, des associations de famille et des per sonnes concernées par le sujet” , explique Sophie Girardet, chargée de mission Contrat Local de Santé au Syndicat mixte Pays du Haut-Doubs. Syndicat qui regroupe les cinq com’com : Altitude 800, Frasne-Drugeon, Lacs et Montagnes du Haut-Doubs, Grand Pontarlier et Montbenoît. Le contrat local de Santé englobe quant à lui le Pays du Haut Doubs et le Pays Horloger, soit huit com munautés de communes qui regroupent 110 000 habitants. Une autre animatrice

“Le contrat local de santé intègre six orientations prioritaires dont une consacrée au déploiement du volet santé mentale”, note Sophie Girardet, animatrice santé au Pays du Haut-Doubs.

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