La Presse Pontissalienne 286 - Novembre 2023

Société 35

La Presse Pontissalienne n°286 - Novembre 2023

ÉDUCATION NATIONALE Le rectorat déjà audité Au moins 10 % des élèves seraient victimes de harcèlement Et même 15 % dans le second degré. Les enquêtes internes de certains établissements donnent des chiffres encore supérieurs. Comment

L e rectorat de Besançon s’est doté d’un arsenal pour tenter de juguler ce phénomène qui toucherait donc au moins 2 000 enfants sur les 20000 élèves que comptent les établissements de l’académie. Deux référents acadé miques sont aujourd’hui dédiés à cette question, qui supervisent le travail de quatre référents dans chacun des qua tre départements francs-comtois qui accompagnent le premier et le second degré. “Les cas de harcèlement sont très divers. Ils peuvent se régler, et c’est le cas la plupart du temps, au sein même de l’établissement. Si la situation est plus complexe, un référent dépar temental se saisira de la question, et si c’est encore plus grave ou compliqué, c’est le référent académique qui inter viendra” résume Sandrine Bermond qui est un des deux référents acadé miques au sein du rectorat de Besan çon. Si le harcèlement scolaire existe de tout temps, longtemps on n’a pas eu de mot pour le décrire. Pareillement, le harcèlement n’est pas propre à l’école. C’est un phénomène de groupe qui existe dans d’autres cercles: le milieu familial, un groupe d’amis, dans le champ professionnel. En milieu sco laire, ce n’est que depuis 2012 avec les premières directives que cette ques tion est prise à bras-le-corps. On en parle également davantage depuis que le champ du cyber-harcèlement est venu aggraver le phénomène. “Avec l’arrivée des réseaux sociaux, il n’y a pas plus de harcèlement, mais le cyber harcèlement est juste une prolongation douloureuse de ce qui a pris source dans une situation de face-à-face. La médiatisation du harcèlement fait aussi qu’on a l’impression que le phénomène est en augmentation, ce n’est pas for cément le cas” tempère Sandrine Ber mond. Il a fallu attendre 2015 pour que les protocoles au sein de l’Éducation natio nale soient écrits noir sur blanc et “aujourd’hui, chaque école, chaque col lège, chaque lycée a une équipe de 6 personnes formées sur cette question. Le protocole a été encore renforcé via le programme P.H.A.R.E. qui prévoit 100 % de prévention, 100 % de détection et 100 % de prise en charge” , ce qui n’empêche pas qu’il reste encore des trous dans la raquette. “L’idée est de détecter les situations le plus tôt possible et ne pas attendre qu’il y ait répétition. La seule chose efficace, c’est la parole précoce.” Une détection jamais évidente, avec des situations parfois invisibles l’Éducation nationale gère la question localement ?

Le harcèlement scolaire toucherait au moins 10 % des élèves.

commandant un audit dans chacun d’eux. “L’audit a déjà été réalisé au sein du rectorat de Besançon confie Guillaume Rivoire, le responsable de communication. L’ensemble des cas

treraient une tendance à la baisse du nombre de cas de harcèlement. Après le récent drame du jeune Nicolas à Poissy, le ministre de l’Éducation a remis la pression sur les rectorats en

des adultes. “D’où l’intérêt à apprendre par la formation à détecter les moindres signaux faibles” note la référente aca démique qui relève, paradoxalement, que les statistiques du rectorat mon

qui ont été remontés au rectorat cette année a été examiné.” Aucun dysfonc tionnement n’aurait été signalé par cette inspection générale. n J.-F.H.

SYNDICAT

Plan de lutte contre le harcèlement scolaire “Sans moyens supplémentaires, le plan du gouvernement n’est qu’une opération de communication”

reconnaître un enfant harcelé, un harceleur. J’enseigne depuis 20 ans, j’ai eu ma pre mière formation début octobre qui présentait le projet P.H.A.R.E. (plan global de pré vention et de traitement des situations de harcèlement entre élèves), tout ça pour nous dire qu’on aura les billes pour l’appliquer l’année pro chaine. Et puis, une formation, ça coûte cher, il faut des rem plaçants, or, il n’y en a plus. Je veux bien qu’on annonce des formations, mais il faut donner les moyens. L.P.P. : Que pensez-vous des cours d’empathie qui ont été annoncés ? A.L. : Déjà, il n’y a aucune for mation prévue et c’est en plus du programme scolaire. Depuis dix ans, on fait une fixation sur les matières fon damentales, les maths et le

français au détriment de toutes les autres matières, pourtant tout aussi fonda mentales. Une étude aux États-Unis a montré que ce qui crée chez les enfants la notion d’empathie, les com pétences dans la gestion des émotions pour ne pas rentrer dans la violence, ce sont les arts visuels, des matières délaissées jugées inutiles et non prioritaires. Alors qu’elles permettent de construire les notions essentielles d’empa thie et d’altruisme. Il faut don ner les moyens d’avoir de vrais cours d’arts pour la construc tion de l’enfant de manière générale. Ça peut sembler une évidence mais pas pour ceux qui décident. Le plan n’est pas ambitieux, on n’est pas dans la construction et une vision de l’école émancipatrice. n Propos recueillis par L.P.

Amélie Lapprand est enseignante en école primaire et représentante du syndicat Snuipp-F.S.U. Doubs. Si elle n’est pas foncièrement contre le plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l’école, elle dénonce encore et toujours des manques de moyens.

L a Presse Pontissalienne : En tant qu’enseignante et syn dicaliste, que pensez-vous du plan de lutte contre le harcèlement scolaire, annoncé par le gouvernement ? Amélie Lapprand : Le harcèle ment, c’est quelque chose qu’on observe et connaît depuis tou jours. Ce sont des comporte ments récurrents pour lesquels nous sommes déjà mobilisés avec les cours d’éducation morale et civique, le travail de réflexion sur la violence, etc. Mais la lutte contre le har cèlement scolaire, c’est du long terme, pas du coup par coup. Et ce qu’annonce le ministère,

seul enseignant spécialisé sur la difficulté d’apprentissage dans le Doubs, un enseignant spécialisé sur la gestion du comportement, et on sait qu’un harceleur peut être déviant sur les comportements. Il manque 6 psychologues sco laires dans le Doubs, une de leur mission est la prévention mais ils n’en font plus car ils n’ont plus le temps, ils sont trop peu nombreux. Aucun enseignant n’est contre le plan, mais la mise en œuvre pose problème. Les enseignants n’ont jamais eu de formation sur le proto cole à mettre en place pour

s’il n’y a pas de moyens sup plémentaires, ce n’est qu’une opération de communication. J’ai l’impression qu’il y a tou jours une sur-réaction à une actualité malheureuse avec les drames que l’on connaît. On met un pansement sur une jambe de bois. L.P.P. : Qu’entendez-vous par moyens supplémentaires, concrètement ? A.L. : Il faut du personnel qualifié en plus des enseignants, qui est formé sur la question. Le personnel Rased (réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté), ne compte qu’un

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