La Presse Pontissalienne 285 - Octobre 2023
28 Le dossier
La Presse Pontissalienne n°285 - Octobre 2023
l Banques Crédit Agricole Franche-Comté “Les crédits immobiliers ont chuté de 40 % par rapport à l’année dernière” Le ralentissement du marché de l’immobilier est largement confirmé par les banques régionales. L’éclairage de Sylvie Rodier, la directrice des crédits et de l’immobilier au Crédit Agricole Franche-Comté.
La spécialiste estime qu’on “ne peut pas parler de crise de l’immobilier car la demande reste très soutenue.” (photo C.A.F.C.).
L a Presse Pontissalienne : Com ment se porte le marché du cré dit immobilier dans notre région ? Sylvie Rodier : Comme dans de nombreuses régions, le marché de l’immobilier a fortement ralenti sur les derniers mois. La hausse des taux d’intérêt, les contraintes H.C.S.F. (encadre ment des normes d’endettement par le Haut Conseil à la Stabilité Financière) toujours restrictives, le pouvoir d’achat affecté par l’inflation, et les contraintes envi ronnementales pesant sur les transactions et la location, ont conduit les acquéreurs à revoir leur projet, ou à les reporter. Parallèlement, les vendeurs, encouragés par la raréfaction des biens à louer et à vendre, tardent à revoir à la baisse le prix de leur bien. On estime la baisse des prix sur les derniers mois de l’ordre de 7 %, mais avec une forte disparité sur le terri toire franc-comtois, et selon la qualité des biens. Selon nos sources nationales, le marché progresserait sur un an de 3,3 %, mais le marché franc-comtois, toujours en retrait par rapport au niveau national, ne progres serait en 2023 que d’1,3 %. L.P.P. : Des secteurs comme le Haut Doubs résistent-ils un peu mieux ? S.R. : Oui, dans notre région, la
Franche-Comté se mobilise for tement pour être un acteur majeur de cette transformation. L.P.P. : Quel est le volume global des prêts accordés par le Crédit Agricole Franche-Comté. S.R. : Nous avons conservé notre part contributive de l’ordre de 30 % dans les montants accordés. L.P.P. : L’accès à l’emprunt est-il encore possible pour les primo-demandeurs ou pour les personnes sans apport ? S.R. : L’accès est toujours possible pour les primo-demandeurs et est encouragé par l’État même, mais la condition d’apport est un incontournable aujourd’hui. Des dérogations existent et sont autorisées à la marge par la réglementation. L.P.P. : Les taux d’intérêt ont-ils atteint leur point haut selon vous ? S.R. : L’inflation reste à des niveaux qui ne satisfont pas la B.C.E., la liquidité restera encore tendue, et en conséquence les taux d’intérêt devraient encore poursuivre leur remontée mais de façon très mesurée et beau coup plus lente. L.P.P. : Avec la hausse des taux, devenir propriétaire est-il toujours un “bon plan”? S.R. : Le patrimoine immobilier tient toujours une place impor
tante Dans le patrimoine des Français et reste sur la durée l’un des deux premiers place ments les plus rentables. Le ren dement moyen de l’immobilier sur 10 ans est de l’ordre de 7 % annuel, tout immobilier confondu (professionnel, locatif…). Par ail leurs, même si les prix au m² peuvent paraître élevés compte tenu de leur croissance depuis deux ans, ils restent cohérents compte tenu des surcoûts liés aux exigences environnemen tales et climatiques. L.P.P. : Peut-on dès lors parler de crise de l’immobilier ? S.R. : Pour l’heure, on ne peut pas parler de crise de l’immobi lier car même si les prix baissent légèrement, la demande sur le territoire national et franc-com tois reste très soutenue avec tou jours des niveaux d’offres de logement inférieurs aux demandes. Ce phénomène s’am plifiera encore avec l’interdiction à la location puis à la vente de passoires thermiques et progres sivement des logements avec D.P.E. G, F, et E. L.P.P. : Comment se présente la fin d’an née 2023 ? S.R. : Le marché restera très attentiste et donc les crédits habitat resteront en retrait. Néanmoins, le financement des
zone frontalière et les secteurs du Haut-Doubs restent très pri sés et attractifs, et les transac tions se poursuivent à valeur équivalente même si on constate une durée plus longue de concré tisation. À noter que les pro grammes neufs sur les zones frontalières du Haut-Doubs se vendent rapidement et restent en nombre insuffisants à la demande. L.P.P. : Quelle a été l’évolution des crédits immobiliers depuis un an ? S.R. : Les crédits immobiliers ont chuté de 40 % par rapport à l’an née dernière qui était une année record. Le premier facteur de ralentissement a été la remontée des taux, qui ont triplé, même si par rapport à l’inflation ils restent cohérents et mesurés, mais sa brutalité a surpris et la capacité d’emprunt en ressort fortement affectée. L’encadre ment du crédit par les normes H.C.S.F. oblige à plus d’apport sur les projets, excluant une par tie des acquéreurs et notamment primo-accédants qui démarrent dans la vie. Enfin, l’accompa gnement de la transition éner gétique, et la responsabilité du banquier dans cette démarche, accroissent les coûts d’acquisi tion, mais de nombreuses mesures d’accompagnement existent et le Crédit Agricole
travaux de rénovations énergé tiques augmentera, mais les montants sont nettement infé rieurs aux acquisitions et constructions. L.P.P. : Entrevoyez-vous des signes positifs ? S.R. : Le ralentissement de la
hausse des taux, la pénurie de biens, le zéro artificialisation des sols raréfiant le foncier et les exigences en matière d’ac compagnement à la transition énergétique sont des facteurs bien réels d’un avenir certain et porteur pour l’immobilier. n Propos recueillis par J.-F.H.
l Finances publiques Les droits de mutation
D ans ce qu’on a coutume d’appeler les “frais de notaire”, une bonne part est destinée au Trésor public. Les droits de mutation font partie de ces frais et représentent une part importante du budget des Conseils départementaux à qui l’État reverse cet impôt indirect. Sur chaque transaction immobilière, les Départe ments touchent ainsi 4,5 % du montant de la vente. “Pour le Conseil départemental du Doubs, les droits de mutation représentaient 91 millions d’euros de recettes dans notre budget. Cette année, le montant de ces droits va passer à 77 millions, soit une baisse de 15 % de cette recette. Il est clair que la crise immobilière fragilise nos finances” explique Olivier Billot, vice-président du Département du Doubs en charge des finances. C’est donc un manque à gagner de 14 millions d’euros pour les finances départementales. Non négligeable quand on sait que ces fameux droits de mutation représentent la troisième ressource du Département après la fraction de T.V.A. reversée par l’État et qui remplace la taxe d’habitation, et après la taxe spéciale sur les conventions d’assurances (T.S.C.A.). Cette baisse des droits de mutation est mécaniquement liée à la diminution non seulement des volumes de ventes dans l’immobilier (- 7,1 % sur un an à juin 2023), mais également à la contraction des prix de vente, “un phénomène qu’on a constaté depuis mars” ajoute Olivier Billot qui estime déjà que les premières orientations du budget 2024 qui sera voté par les élus départementaux à la fin de l’année, tablent sur une nouvelle baisse des droits de mutation (71 millions d’euros prévus). “Car on n’attend pas un retournement du marché de l’immobilier au moins avant le second semestre 2024” estime le vice-président du Département. Conséquence de cette baisse des recettes : tous les services du Département seront appelés à “faire une revue précise de leurs dépenses pour voir là où on pourra faire des économies. Seule solution si on veut maintenir un haut niveau d’inves tissement, ce qui est notre objectif” poursuit Olivier Billot qui table sur donc sur une nouvelle baisse de 15 à 20 % des droits de mutation pour 2024. n J.-F.H. immobilières sont une manne financière stratégique pour le Conseil départemental du Doubs. Ils seront en baisse de 15 % cette année à cause de la crise de l’immobilier. Un manque à gagner de 14 millions d’euros pour le Département Les droits de mutation liés aux transactions
l Chantiers - 20 % pour la région L’écroulement du nombre de permis de construire
Dans notre département, le nombre d’autorisations de construire a chuté de 26 % en un an. La vente de loge ments neufs a subi une dégringolade encore plus forte.
Comté entre juillet 2022 et fin juin 2023, la baisse est de 5 %. Moins mauvais qu’au niveau national où elle est de 12 %. Là encore, de fortes disparités existent entre les dépar tements de la région: elle est de - 29 % en Haute-Saône et de - 24 % en Saône-et-Loire, tandis que le Doubs limite encore la casse avec un “petit” - 4,4 %. On constate aussi que le recul des autorisations de mise en chantier dans la région B.F.C. est plus impor tant pour la maison individuelle (- 30 %) que pour le collectif (- 22 %). Dans le Doubs, la tendance est la même : - 30 % pour l’individuel et - 21 % pour le collectif, avec un total de logements autorisés de 2 628 sur la période juillet 2022 à fin juin 2023. Pour les mises en chantier cette fois, le net recul de l’individuel (- 18 %) en région B.F.C., est presque inté gralement compensé par une aug mentation sur le collectif (+ 14 %). Dans le Doubs, la tendance est la même (-17 % sur l’individuel et +14 % sur le collectif), avec un total de mises en chantier de 2407 sur la période juillet 2022-fin juin 2023. n
départements de la région font bien pire encore avec une dégringolade de - 40 % dans l’Yonne et en Côte d’Or. Les mises en chantier, elles, sont également orientées à la baisse, mais une baisse forcément moins importante pour l’instant à cause du décalage temporel entre les per mis de construire et le lancement des travaux, mais qui devrait natu rellement s’aggraver dans les mois à venir. 9800 logements ont été commencés en Bourgogne-Franche
L es dernières statistiques de la D.R.E.A.L. Bourgogne Franche-Comté ont de quoi effrayer les acteurs de l’immobilier neuf. De juillet 2022 à fin juin 2023, 10 440 logements ont été autorisés en B.F.C. C’est une baisse de - 27 % par rapport à la même période de
l’année précédente. Ces chiffres sont encore plus marqués qu’au niveau national où le recul, également élevé, n’est cependant “que” de - 20 %. Au sein de la région, la baisse est variable d’un département à l’autre. Avec - 26,1 %, le Doubs se situe dans la moyenne régionale. D’autres
La baisse est générale en France, encore plus marquée dans nos régions de l’Est (source F.F.B.).
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