La Presse Pontissalienne 285 - Octobre 2023

26 Le dossier

La Presse Pontissalienne n°285 - Octobre 2023

remettre à plat la situation. Patrick Goursolle “On va étouffer le marché en posant des quotas immobiliers” Avec plus de 30 années d’expérience dans l’immobilier, l Doubs

Patrick Goursolle a déjà vécu plusieurs crises immobilières. Il y voit plutôt un mal nécessaire pour remettre à plat le marché tout en s’inquiétant quand même des contraintes imposées par les S.C.O.T. et autres documents d’urbanisme. Entretien.

L.P.P. : Quid du marché du neuf à Pontarlier ? P.G. : Il est en baisse mais c’est assez logique car il arrive à saturation. Mal gré tout, on arrive à vendre. On est encore dans une région privilégiée comme dans toutes les zones fronta lières que ce soit avec la Suisse, l’Al lemagne, la Belgique… P.G. : On nous annonce l’arrivée de 15000 nouveaux habitants dans les 10 ou 15 ans à venir. Où vont-ils aller habiter? L’impact environnemental sera important s’ils doivent s’éloigner de la frontière pour se loger faute de disponibilités foncières ou de restric tions. Peut-on bloquer la construction de maisons individuelles alors que la demande va dans ce sens? L.P.P. : Comment se portent les agences Plaza Immobilier ? P.G. : On gère trois agences à Pontarlier, Morteau et Champagnole, soit un effec tif global de 18 personnes. On enregistre une baisse de 10 % du chiffre d’affaires par rapport à l’an dernier. On s’en sort car on a développé une méthode axée sur une analyse de marché très fine et sur l’accompagnement du client. On agrandit actuellement les locaux de l’agence de Pontarlier pour pouvoir accueillir cinq à six nouveaux conseil lers d’ici fin 2024. n Propos recueillis par F.C. L.P.P. : Comment voyez-vous l’avenir de l’im mobilier dans le Haut-Doubs ?

L a Presse Pontissalienne : Les prix du neuf s’envolent dans le Haut-Doubs ? Patrick Goursolle : Effectivement, on a beaucoup de mal à maintenir les prix de marché avec des coûts de construc tion qui ont progressé de 25 à 30 %. On aurait grand besoin de retrouver un équilibre au niveau des matériaux et des artisans. L.P.P. : Les orientations pour limiter la consom mation du foncier bâti vous inquiètent ? P.G. : La politique des S.C.O.T. (schémas de cohérence territoriale) et des P.L.U.I. (plans locaux d’urbanisme intercom munaux) tend à privilégier les collectifs au détriment des maisons individuelles alors que cela ne correspond pas aux attentes des frontaliers. C’est très com pliqué de vendre du collectif à la cam pagne. Si l’on poursuit dans cette logique, on va étouffer le marché en posant des quotas immobiliers. Toutes les com munes du Haut-Doubs n’ont pas adhéré aux P.L.U.I. Le principe de combler les dents creuses fonctionne bien en zone urbaine où l’on trouve des friches indus trielles ou des vastes espaces inoccupés. C’est moins évident en milieu rural. On est peut-être en train de creuser le

fossé entre la ville et la campagne. Jusqu’à présent dans un lotissement, on arrivait à faire un mixte en le pavillonnaire et le collectif. L.P.P. : Subissez-vous aussi des retards sur la réalisation des projets ? P.G. : Comme tous les promoteurs. Les entreprises du bâtiment sont dépassées par les chantiers. Trois raisons à cela : manque de main-d’œuvre, surcharge de travail et envolée des coûts. Les retards sont liés à une accumulation de facteurs.

L.P.P. : Le ralentissement du marché vous inquiète ? P.G. : Il y a toujours eu des crises dans l’immo bilier. Pendant la guerre d’Irak, avec les sub primes… Pour autant, les crises ont renforcé cette certitude : la pierre reste une valeur sûre. Il y aura toujours des successions, des divorces, des familles à loger. Le coup de frein actuel va permettre de

“La pierre reste une valeur sûre.”

Patrick Goursolle s’interroge sur les risques inhérents aux documents d’urbanisme de vouloir privilégier le collectif au détriment du pavillon naire sur le secteur frontalier encore demandeur de maison individuelle.

l Commentaire Le président de la F.F.B. du Doubs “Une partie de la profession risque d’aller dans le mur”

L’heure n’est pas vraiment à l’optimisme en cette rentrée dans les métiers du bâtiment. Le point avec Dominique Viprey, le président de la F.F.B. du Doubs.

la fin du premier semestre 2023, c’est l’énorme diminution du nombre d’appels d’offres que ce soit venant du public que pour des chantiers privés. Personnel lement, je n’en ai eu aucun au cours de l’été et je n’en ai télé chargé qu’un seul depuis ce mois de septembre. L.P.P. : Pas vraiment optimiste alors ? D.V. : Les perspectives sont en effet très inquiétantes pour 2024. Dans nos différentes pro fessions du bâtiment, un secteur est particulièrement exposé aux difficultés, c’est l’habitat: construction de maisons indi viduelles et promotion immo bilière. C’est dur à dire mais pour ces métiers, en ce moment, il n’y a quasiment plus de bou lot! Je connais certains ven deurs de maisons individuelles qui n’ont pas vendu une seule maison depuis mars. Certains qui en vendaient une cinquan taine par an en ont vendu à peine deux ou trois en 2023. Par ricochet, ce sont toutes les pro fessions liées à la construction qui risquent de souffrir beau coup.

en France. On a chuté à tout juste 200 000. Il faut impérati vement que le gouvernement s’empare de cette question et lance un vaste plan de relance de la profession avec des aides plus fortes et de vrais pro grammes de construction et de rénovation à grande échelle. Mais il reste le gros problème du foncier. On sera sans doute obligé de revenir sur des dispo sitifs comme le Zéro artificiali sation. Des prix de terrains à plus de 200000 euros au-delà du plateau de Valdahon, ce n’est pas viable! L.P.P. : Dans ce tableau peu réjouissant, y a-t-il des pans de la profession qui tirent leur épingle du jeu ? D.V. : Peut-être les professionnels orientés dans la construction de bâtiments tertiaires. Un décret oblige désormais les pro priétaires de bâtiments de plus de 1000 m² à engager des tra vaux d’amélioration énergétique. Les entreprises travaillant dans l’isolation, l’électricité, le chauf fage-ventilation peuvent avoir de meilleures perspectives. n Propos recueillis par J.-F.H.

L.P.P. : Avec quelles conséquences ? D.V. : Une partie de la profession risque tout simplement d’aller dans le mur. Comme le marché de la maison individuelle est en berne, certains artisans vont se tourner vers le tertiaire et l’in dustrie, ce qui va créer une bagarre avec les opérateurs déjà présents sur ces marchés et entraîner une chute des prix. Ce scénario est très mauvais.

L a Presse Pontissalienne : Com ment les professionnels du bâtiment abordent-ils cette rentrée ?

relativement bien garnis. Mais cela concerne des commandes prises entre fin 2022 et début 2023. Ce qu’on constate depuis

Dominique Viprey : Globalement, pour l’instant, les carnets de commandes des entreprises jusqu’à la fin de l’année sont

Sur ce point, cela fait six mois que le président natio nal de la F.F.B. tire la sonnette d’alarme. L.P.P. : Quelle est la solution vu que le pro blème vient en partie des taux d’intérêt trop hauts et du fait que l’accès à la propriété est devenu inacces sible pour beaucoup ? D.V. : On sait que pour que les choses aillent bien, il faudrait construire 500 000 logements par an

“Des terrains à plus de 200 000 euros, ce n’est pas viable !”

Dominique Viprey préside l’antenne départemen tale de la Fédé ration Fran çaise du Bâtiment (photo F.F.B.).

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