La Presse Pontissalienne 281 - Juin 2023
28 Frasne - Levier
La Presse Pontissalienne n°281 - Juin 2023
PETITE ENFANCE Rapport sur les crèches “On peut créer des places en crèche, mais derrière, les formations ne suivent pas” À la suite de la publication du rapport de l’inspection générale des affaires sociales sur les crèches, l’U.D.A.F. du Doubs (Union départementale des associations familiales) réitère son appel à réformer le système d’accueil de la petite enfance. Éclairages avec Lucie Troutet, responsable de la vie associative à l’U.D.A.F. et Gil Grosperrin, directeur de la fédération des Familles rurales dans le Doubs qui gère notamment la micro-crèche Boule de neige à Frasne.
Même si les places en crèche manquent, il ne faut pas oublier le qualitatif au profit du quantitatif.
L a Presse Pontissalienne : Comment avez vous reçu ce rapport ? Avez-vous été sur pris ? Lucie Troutet : Le rapport fait écho à un certain nombre de revendications que l’on défend depuis plusieurs années, notamment en termes de modes de garde. Il n’y a pas uniquement les crèches, il y a aussi les assistantes mater nelles qui constituent encore le premier mode d’accueil formel. Les crèches accueillent seulement 18 % des enfants. L’U.D.A.F. intervient dans la défense des besoins des familles, et ce rapport fait écho à ce qui a déjà été défendu par rapport à la problématique du finan cement de l’accompagnement des per sonnes vulnérables. On l’a vu avec l’af faire Orpéa. Le champ de la dépendance,
au même titre que d’autres champs comme celui de la Petite enfance, ne doit pas reposer que sur des questions de rendement au bénéfice des action naires. L.P.P. : L’U.D.A.F. appelle à réformer le système global d’accueil de la petite enfance. De quelle manière? L.T. : Il faut revoir le format des modes de garde, on prône pour l’augmentation de l’indemnisation du congé parental, qui est l’un des plus bas d’Europe. On milite pour le maintien de 75 % du salaire. 86 % des parents ont envie de rester au moins jusqu’aux 6 mois de l’enfant. Deux tiers des mères utilisent déjà des solutions informelles pour pro longer leur congé maternité.
L.P.P. : Cette réforme du congé parental a-t-elle des chances de voir le jour ? L.T. : On a bon espoir. L’année dernière, la France aurait dû revoir cette indem nisation, sommée par la Commission européenne. Logiquement, ça devrait bouger dans les mois à venir. Nous mili tons aussi pour repenser la conciliation des temps entre vie professionnelle et vie parentale. Cela permettrait de répon dre à la nécessité de recrutement des professionnels de la petite enfance et de la problématique d’attractivité du métier. Si les parents peuvent être plus présents auprès de leurs enfants, auto matiquement, il y aura moins de tensions pour les modes de garde.
mêmes, on fait par exemple de plus en plus de médiation familiale. G.G. : Avec la société qui évolue, les for mations du personnel aussi. On accueille l’enfant dans son histoire de vie avec ses parents. Cela demande beaucoup de temps, d’accompagnement, d’écoute. Au-delà du simple accueil, on met en place des cafés sur la parentalité, par exemple. Il s’agit de doter les parents d’un arsenal pour vivre la parentalité le mieux possible. Cet environnement doit être davantage soutenu et accepté. n Propos recueillis par L.P. Face à ces constats, le rapport a déve loppé un certain nombre de recomman dations sur, entre autres, l’amélioration du bâti, le financement et la qualité de l’accueil, les ressources humaines et la formation professionnelle ou encore la gouvernance du secteur de la petite enfance. n Un rapport électrochoc À la suite du décès d’un enfant dans une crèche à Lyon en juin 2022, le minis tère chargé des solidarités a saisi l’ins pection générale des affaires sociales (I.G.A.S.) afin d’évaluer la qualité de l’accueil et la prévention des maltrai tances dans les établissements d’accueil des jeunes enfants. L’I.G.A.S. a publié son rapport le 11 avril dernier, qualifié d’électrochoc par l’U.N.A.F. (Union natio nale des associations familiales). Sur les 36 établissements et les 18 000 pro fessionnels de la petite enfance inter rogés, des cas de maltraitance et d’in sultes ont été rapportés. Le rapport souligne qu’à côté de crèches “de grande qualité, portées par une réflexion pédagogique approfondie” , on trouve aussi “des établissements de qualité très dégradée” , ce qui peut entraî ner “des carences dans la sécurisation affective et dans l’éveil” des tout-petits. Enfants oubliés sur les toilettes ou laissés dans leurs couches souillées, enfants privés de siestes faute de lits, enfants humiliés à qui l’on dit “tu chouines pour rien” …
d’attribution des financements de la C.A.F. afin que les gestionnaires puissent se consacrer au bien-être des enfants plutôt qu’à leur taux de remplissage. Concrètement, cela veut dire quoi ? Gil Grosperrin : L’un des principaux par tenaires et soutien est la Caisse d’allo cations familiales. Actuellement, les crèches sont financées soit par la P.S.U. (prestation de service unique) soit par la P.A.J.E. (prestation accueil jeunes enfants). La P.S.U. permet un tarif régle menté, le même pour toutes les crèches. Avec la P.A.J.E., le gestionnaire ou pres tataire peut décider d’un tarif. La P.S.U. est un système que l’on défend car il s’adapte aux ressources des familles et est accessible le plus possible. Mais il induit des contraintes financières. Avec l’inflation, les budgets augmentent, les factures s’alourdissent car on ne peut pas toucher aux tarifs. L.P.P. : La fédération des familles rurales, adhérente de l’U.D.A.F., gère une trentaine de crèches. Que pensez-vous du rapport ? G.G. : Nous avons pris acte du contenu et il met en valeur un certain nombre d’éléments sur lesquels on travaille déjà comme la formation du personnel et les difficultés de recrutement, l'épuisement du personnel. Le gouvernement a annoncé la création de 200000 places en crèche. C’est bien mais tout n’est pas quantitatif. Il ne faut pas oublier le projet de l’enfant, la formation et la qualification du personnel, l’attractivité du métier aussi. Les salaires ne sont pas forcément à la hauteur de la res ponsabilité. On peut créer des places supplémentaires mais derrière, les for mations ne suivent pas. L.P.P. : Quelles solutions peuvent être apportées localement ? G.G. : On croit à l’intelligence collective. On travaille déjà à l’amélioration de l’accueil. Un schéma départemental de la petite enfance est en cours d’élabo ration, piloté par la C.A.F. et le Dépar tement. La feuille de route se précise. La première réunion a lieu en juin et de ce premier tour de table collectif, on souhaite trouver les premières pistes d’actions pour sortir de ce rapport géné raliste qui ne reflète pas la réalité du terrain. L.T. : Globalement, la branche Famille est mise à mal ces 10-15 dernières années, avec des prestations qui dimi nuent. Les besoins ne sont plus les
L.P.P. : L’U.D.A.F. souhaite revoir les modalités
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