La Presse Pontissalienne 279 - Avril 2023

6 L’ÉVÉNEMENT L’ÉTAT PRÉOCCUPANT

La Presse Pontissalienne n°279 - Avril 2023

DE NOS RIVIÈRES

Alors qu’Emmanuel Macron a présenté fin mars son plan Eau, visant à améliorer la gestion de l’eau, dans le Département, élus, citoyens et pêcheurs se mobilisent pour une prise de conscience collective sur l’état désastreux des rivières. Et dénoncent une inaction politique.

(photo T. Poulleau - Fédération de pêche du Doubs)

l Conseil départemental Politique Remous autour de la question de l’eau

La question de l’eau - raréfaction de la ressource et la pollution des rivières - revêt un enjeu crucial pour l’avenir tant au niveau local que national. Au Département, le groupe de la minorité Doubs social, écologique et solidaire a demandé la création d’une mission d’information et d’éva luation (M.I.E.) sur la pollution de l’eau. La majorité a répondu par sa politique de l’eau. Éclairages.

des expertises plus poussées et complé mentaires. “Les nitrates sont 2 à 6 fois supérieurs aux valeurs naturelles sans tendance à la réduction. Certains produits phytosanitaires sont fréquemment détectés alors même qu’ils sont interdits depuis des années. On a l’impression d’avancer sur un tapis qui recule.” Le Département agit donc pour la res source en eau. Mais les actions ne suf fisent pas à étancher la soif des élus de Doubs social, écologique et solidaire. “La pollution de l’eau reste taboue” , regrettent les élus du groupe minoritaire. Ils réi tèrent leur appel à un “courage collégial des élus pour investir beaucoup d’argent pour des résultats qui se verront dans 6 ou 7 mandats.” Ils travaillent aussi l’idée d’une convention citoyenne sur la pol lution de l’eau et les solutions à apporter. n L.P. Lors de la séance du Conseil départemental du 20 mars dernier, la demande de création d’une mission d’information et d’évaluation sur la pollution de l’eau demandée par les élus du groupe Doubs social, écologique et solidaire a été rejetée.

de l’eau” , plaide l’élu. Pourtant, dès le début, la majorité, par la voix de Béatrix Loizon, 4 ème vice-pré sidente, a posé le contexte : “Aujourd’hui, nos rivières souffrent, impactées par la pollution et la raréfaction de la ressource. Nous ne voilons pas la face, nous sommes transparents et réactifs avec une politique de l’eau volontariste.” Entre 2016 et 2022, plus de 42,5 millions d’euros d’aides ont été versés, soit 6,1 millions par an. Parmi les projets soutenus, 284 concernaient la modernisation de bâtiments d’élevage et 232 la récupération des eaux pluviales dans des exploitations agricoles. En outre, 28 millions d’euros ont été alloués pour l’assainissement et l’eau potable. Le Département a aussi apporté son concours financier à la restauration des milieux aquatiques, aux Espaces naturels sensibles et de la biodiversité et aux deux E.P.A.G.E. ainsi que l’E.P.T.B. (Éta blissement public territorial de bassin) Saône et Doubs. À noter aussi, le plan Rivières Karstiques 2027 vise à accélérer certaines actions, comme celle portant sur la qualité environnementale des fro mageries, afin de maintenir le potentiel de production tout en réduisant son impact sur le milieu. Quant aux pollu tions, “77 % des masses d’eau n’atteignent pas le bon état écologique, selon des cri tères européens” , a relevé Béatrix Loizon qui précise que le Département réalise

I l y avait de quoi nager en eaux trou bles lors de la séance du Conseil départemental du 20 mars. En amont, les élus du Doubs social éco logique et solidaire avaient expliqué demander une M.I.E. sur la pollution de l’eau. Le jour J, la présidente du Dépar tement Christine Bouquin, dans son dis cours introductif, transforme cette demande de M.I.E., qui porte désormais sur la politique de l’eau. “Madame Bou quin a réinventé le titre de la M.I.E., la ficelle est grossière” , soupire Raphaël Krucien, de Doubs social écologique et solidaire. Une M.I.E., régie par le règle ment intérieur de l’assemblée départe mentale, est composée de huit élus dont deux de la minorité, avec président et rapporteur. L’épisode de mortalité pis cicole à Goumois en décembre dernier avant la reproduction a été un symbole fort de l’effondrement de la biodiversité, et l'élément déclencheur de cette demande de M.I.E. “On pourrait tenter de rediriger les aides. Le Département a des leviers financiers pour une approche différente. On souhaite redéfinir les prio

reconnais que j’ai cru que peut-être il y aurait une chance, les déclarations en commission étaient plutôt positives.” S’il reconnaît que les faits avancés lors de la présentation de la politique de l’eau sont vrais, il juge qu’ils ne sont pas le reflet de la situation réelle. “Scientifi quement, cela a été montré que l’assai nissement et les produits phytosanitaires sont responsables de pollution. Mais c’est l’agriculture la part la plus importante. Il faut arrêter de se mentir. Il faut réduire le bétail dans le Doubs, ça signifie que les revenus liés à la production de comté vont s’effondrer, les agriculteurs vont voir demain leurs ressources fondre. C’est tout un pan de l’économie locale qui tombe. Personne n’a envie de voir les agri culteurs au bord du gouffre. Mais la réalité écologique est terrible. Il faut anti ciper politiquement, on évitera d’aller dans le mur climatique. Pas mal d’agri culteurs prennent conscience de la situa tion. Il faut à leur tour que les politiques locaux prennent conscience collectivement. Et la M.I.E. était un moyen. Certains n’ont pas conscience des problématiques

rités dans l’attribution des subventions, ce qu’on appelle l’éco-conditionnalité” , poursuit Raphaël Krucien. Après plus de deux heures d’exposé à quatre voix sur la politique de l’eau départementale, à grand renfort de chif fres au point de noyer l’assistance, la M.I.E. a été, sans surprise, rejetée. “Dès le départ, on s’y attendait, reconnaît

Raphaël Krucien. On a assisté à une des plus grosses séances de green washing assez mémora ble. J’ai trouvé ça scan daleux. Pourtant, on avait expliqué en com mission le bien-fondé de la demande, que l’ensem ble des élus puissent prendre conscience de la ressource en eau, c’est un domaine assez technique. L’idée était de rentrer en discussion avec la majo rité, pas de les embêter, et de se mettre au travail. Peut-être par naïveté, je

“La pollution de l’eau reste taboue.”

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