La Presse Pontissalienne 279 - Avril 2023
12 Pontarlier
La Presse Pontissalienne n°279 - Avril 2023
JUSTICE
Le meurtre de Jeanine Dessay
La perpétuité pour l’assassin de Jeanine Dessay Soupçonné d’avoir tué Jeanine Dessay à Pontarlier il y a tout juste quatre ans, le suspect Béchir Tabarki a reconnu les faits. Et a été condamné à la perpétuité, avec période de sûreté de 22 ans.
L a barbe fournie, le dos légèrement voûté dans son pull marinière, le quadragénaire fait profil bas en entrant dans le box des accusés. L’air un peu perdu, mais tranquille. À son arrivée, le silence se fait, l’atmosphère plus pesante. Il est encadré par quatre policiers du P.R.E.J., le pôle de rattache ment des extractions judiciaires. Le tirage au sort du jury populaire étant effectué, cet instant de solennité laisse place aux propos introductifs du président
de la cour d’assises qui résume les faits, puis donne la parole à l’accusé : “Oui, je reconnais être l’auteur de ces coups avoue Béchir Tabarki, avant d’ajouter: je ne sais toujours pas comment j’ai fait pour arriver dans ce centre commercial, ce que j’ai fait dans ses toilettes et ce que j’ai fait après…” La parole est ensuite donnée aux premiers témoins. Et c’est le capitaine de police David Szwarzfeld, alors chef de la sûreté urbaine du commissariat de Pontarlier,
L’enquête s’accélérera dans l’après-midi même quand le commandant de police Armand Trousseau recevra un appel de la mairie lui signalant qu’un agent muni cipal avait été victime de l’approche d’une personne au comportement suspect. “M. Béchir est arrivé dans l’après-midi au théâtre Blier, est entré dans la porte des toilettes femmes. Intriguée par ce bruit alors que le théâtre était fermé, la dame chargée de l’entretien est venue voir et, poliment, cet homme lui demande où se trouve la rue Jeanne d’Arc où il loge à l’hôtel. Il revient une seconde fois lui demander, prétextant qu’il n’avait pas compris. Puis, alors qu’elle est partie net toyer les loges du théâtre, elle entend à nouveau un bruit et se retrouve pour la troisième fois devant cet homme qui tente de se cacher dans les rangées du théâtre. Elle lui demande alors de partir et apeu rée, quitte le théâtre par une porte de secours. Elle contacte alors la police muni cipale” , et les événements s’imbriquent clairement.
à l’intérieur des toilettes… Elle demande pour la seconde fois si tout va bien et voit alors la porte s’ouvrir. En face d’elle, un homme sort impassible, tranquille, comme quelqu’un qui venait de faire pipi, puis elle aperçoit une femme à quatre pattes, prend peur, se sauve et va chercher des secours…” La victime est sortie des toilettes, a rampé jusqu’à l’entrée des W.-C. Et s’y
qui retrace avec une précision chirurgicale et sans aucune note devant lui, le déroulé de la funeste journée du 15 avril 2019. Le policier fut un des premiers sur les lieux du crime. “Le 15 avril 2019 à 11 h 45, on a été sollicités par Police Secours pour une intervention au Géant Casino de Pon tarlier” démarre le policier. Les premiers témoignages des agents de sécurité étaient glaçants : “Une femme aurait été égorgée dans les toilettes…” Le capitaine Szwarzfeld ne négligera pas le moindre détail, le moindre horaire, dans son récit. De l’entrée de M. Tabarki dans les toilettes femmes du Casino à 11 h 06 jusqu’à sa sortie à 11 h 42, il décor tique tous les ressorts du drame. Le poli cier relate les témoignages d’un premier témoin, une cliente de Casino venue aux toilettes et qui entendra comme des bruits de lutte dans la cabine du fond. Elle demandera alors si tout va bien… sans réponse. Elle entendra ensuite une res piration suffocante. “Elle va alors se pen cher sous la cloison et va voir quatre pieds
“C’est un véritable massacre, il ne lui a laissé aucune chance.”
Au pied des magistrats, des cartons contenant les pièces à conviction, notamment le fameux couteau avec lequel Béchir Tabarki
est écroulée. Malgré les “très lourds efforts des médecins arrivés rapidement sur place, Jeanine Dessay va mourir à 12h27.” Les médecins urgentistes confie ront aux enquêteurs : “C’est un véritable massacre, il ne lui a laissé aucune chance.” Rapidement, les enquêteurs trouveront deux paires de lunettes, dont celles de l’accusé, dans cette cabine de toilette de moins d’1 m² de surface.
commettra son crime.
ÉVÉNEMENT Mercredi 19 avril Soirée hommage à Jeanine Dessay
envie de la suivre dans son tra vail quotidien en profitant de l’arrivée des petites caméras numériques” , note François Royet, le réalisateur. Lui qui pensait terminer son film en un an va vite comprendre qu’on ne vit pas au même rythme que les autres au pays des sans-abri. “Avec Jeanine Des say qui me servait de trait d’union, j’ai découvert que tout prend du temps avec les S.D.F.” , poursuit le cinéaste qui mettra six ans pour boucler son projet. L’infirmière et le réalisateur ont partagé pas mal de projections en commun. L’un comme l’autre appréciait beaucoup le résultat. “Je conçois mes films comme des expériences avec l’idée d’emmener le téléspectateur sur mon épaule et que cela devienne pour lui aussi une expérience.” François Royet n’a pas manqué d’être impressionné par Jeanine Dessay notamment par sa capa cité à gérer des situations parfois très conflictuelles avec des sans
Le ciné-club Jacques Becker organise le mercredi 19 avril à 20 heures au théâtre Blier une projection du film : “Des nouvelles d’ici-bas”. Le réalisateur François Royet qui sera présent avait suivi pendant cinq ans Jeanine Dessay dans son travail quotidien au contact des sans-abri. L’occasion de rendre hommage à cette infirmière atypique.
François Royet, le réalisateur du film sera présent à cette soirée en hommage à Jeanine Dessay.
S on souvenir hante encore la mémoire de tous ceux qui l’ont côtoyée. Sophie Bres ciani à l’initiative de cette soirée hommage a fait sa connaissance en arrivant à Pon tarlier il y a une vingtaine d’an nées. “J’avais alors 23 ans. Je venais prendre la direction du service jeunesse-enseignement politique de la Ville. On s’est ren contré dans le cadre de l’Obser vatoire de la Sécurité. Jeanine était infirmière de santé publique. Elle intervenait dans les écoles pour faire de la pré vention sur les addictions. Elle m’a été d’un grand soutien moral et je peux même dire que c’était un vrai guide.”
La date de cette soirée hommage fixée quelques jours après le procès de celui qui a mortelle ment poignardé Jeanine Dessay n’a rien d’une coïncidence. Cet assassinat a soulevé une très forte émotion à Pontarlier. Par
sud-ouest où elle avait refait sa vie. Elle n’était que de passage à Pontarlier le jour où elle a été tuée en plein bonheur” , resitue Sophie Bresciani. Ce film ou documentaire ne pou vait être qu’atypique en raison de la personnalité du réalisateur, de Jeanine Dessay et du public qu’elle accompagnait. “J’avais demandé à la rencontrer en sachant qu’elle travaillait beau coup pour les sans-abri. À l’époque, je prévoyais de faire une fiction sur un morceau de rue, mais je manquais d’infor mations. Je pensais donc la voir en tant que personne ressources. À force de l’écouter, j’ai aban donné la fiction pour quelque chose de plus réaliste. J’avais
abri sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue. “Elle vouvoyait toujours les gens et restait tou jours droite dans ses bottes quelles que soient les circons tances. Je trouve qu’elle était très professionnelle et toujours dans
une attitude purement citoyenne. Par rapport à cet assassinat, elle s’est retrouvée comme on dit au mauvais endroit, au mauvais moment. Je suis vraiment content qu’on puisse lui rendre cet hommage.” n
son action, son humilité, sa dis crétion et sa détermination, Jeanine Dessay qui ne manquait pas de caractère s’imposait comme une figure pontissa lienne. “Arrivée en retraite, elle était retournée vivre dans son
“Elle s’est retrouvée au mauvais endroit, au mauvais moment.”
Ciné-club Jacques Becker Séance spéciale à 20 heures le 19 avril au théâtre Blier Soirée hommage à Jeanine Dessay Des Nouvelles d’ici-bas de François Royet
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