La Presse Pontissalienne 275 - Décembre 2022
L’événement 7
La Presse Pontissalienne n°275 - Décembre 2022
l Tourbières Station de recherche “Entre 2009 et 2021, on a gagné + 0,7 °C” Les données mesurées sur la station de recherche implantée depuis 2008 dans la tourbière de Frasne montrent que le climat du Haut-Doubs se réchauffe plus vite qu’ailleurs. Les chiffres sont éloquents.
n’est pas en retard grâce à l’E.P.A.G.E. Haut-DoubsHaute Loue qui fait un travail exceptionnel, reconnu au niveau euro péen.” Le chercheur bisontin explique que cette dynamique est favorable à l’agriculture car plus propice à la pousse d’herbe. “Il faudrait aussi que les pouvoirs publics aient le courage de s’engager rapidement dans ce mouvement. Plus on s’y prépare tôt, plus on a de chance de s’en sortir.” Si l’élévation des températures est plus forte en altitude, elle s’inscrit néanmoins dans un climat plus froid qu’en plaine. Ce qui signifie, in fine , que la hausse restera plus supportable dans le Haut-Doubs qu’autour du bassin méditerranéen. Pas question d’être trop alarmistemais la pru dence s’impose quand on voit où se sont produits les incendies de forêts cet été. Les rigueurs de l’hiver jurassien ne seront bientôt plus une réalité. “La moyenne des températures de janvier à mars entre 2009 et 2013 était de -1,5 °C. Depuis 2014, on a basculé dans une moyenne positive et cette tendance semble inexorable. Même en restaurant les zones humides, on sait qu’il n’y aura pas d’amélioration significative pour les 20 ans à venir. Il fera de plus en plus chaud partout.” n F.C. Un projet est à l’étude pour créer une station scientifique internationale. La structure abriterait de l’hébergement ainsi qu’un laboratoire. “Frasne deviendrait la capitale européenne de recherche sur les tourbières”, annonce Daniel Gilbert. Une station d’accueil internationale à Frasne ?
“Frasne fait partie des 5 % des communes françaises les plus impactées par le changement climatique”, annonce Daniel Gilbert (photo V. Rouire).
C ette tourbière fait l’objet depuis 2008 d’un monitoring pluridis ciplinaire intégrant trois thèmes d’investigation : la météo et la physique du sol, l’hydrologie et la carac térisation écologique-biochimique. “On a rajouté en 2018 une station de mesure appelée aussi “tour à flux” qui permet de mesurer les quantités de C02 et deméthane
qui rentrent et sortent de la tourbière. Cela permet de faire des bilans carbone” , explique Daniel Gilbert qui dirige le labo ratoire Chrono-Environnement de l’Uni versité de Franche-Comté. La station de Frasne fait partie d’un réseau intégrant trois autres sites ins trumentés en France pour y observer et modéliser les flux de carbone entre l’at
février-mars pour constater que le gain de température atteint alors 2,7 °C en 12 ans. “On a probablement gagné près de 5 °C depuis l’an 2000.” La vitesse du réchauffement hivernal dans le Haut Doubs est spectaculaire. Ce qui n’est pas sans conséquence, notamment au niveau de l’eau dans les sols qui s’évapore beau coup plus vite qu’avant. L’assec de la vallée du Doubs entreArçon et Ville-du Pont se banalise chaque été. En forêt, ce manque d’eau fragilise les résineux encore plus sensibles aux attaques des scolytes. Les récoltes fourragères tendent aussi à diminuer même si l’altitude joue encore un effet protecteur sur le Haut-Doubs. Que faire ? Aucune hésitation pour Daniel Gilbert : “Cela passe par la restauration des tour bières et des zones humides. Il faudrait même accélérer les travaux. Le Haut Doubs, la vallée du Drugeon notamment, entendu” , poursuit le Pontissalien en mon trant ce relevé de température à 24 °C enre gistré le 1 er janvier 2022 au bord du lac Saint-Point. Plusieurs facteurs interagissent pour expli quer le réchauffement actuel et ses consé quences. Le dégagement deméthane affecte la couche d’ozone en provoquant alors le réchauffement des océans et la fonte des glaciers. La montée des eaux modifie les courants marins et aériens. “Ces change ments bouleversent les échanges entre les masses d’air chaudes et froides qui provo quent les catastrophes naturelles : sécheresses, inondations, tornades, incendies qui ali mentent de plus en plus souvent la une des journaux. La montée des eaux va recouvrir des surfaces habitées et des zones agricoles obligeant desmillions d’habitants ou réfugiés climatiques à se déplacer à l’intérieur des terres. Comment allons-nous faire toujours plus nombreux, avec de moins en moins de ressources ?” interroge-t-il.
mosphère et le sol. La tourbière de Frasne est l’une deux à bénéficier d’un tel équi pement. Les travaux de restauration entrepris depuis plusieurs décennies maintenant permettent de se rapprocher d’un système de plus en plus naturel. “On travaille avec l’E.P.A.G.E. et la com munauté de communes Frasne-Drugeon pour que cette tourbière devienne un site européen de recherche. Les mesures effec tuées depuis une quinzaine d’années don nent des indications précises sur l’évolution du climat à Frasne. Le verdict est sans appel : entre 2009 et 2021, on a gagné 0,7 °C. C’est énorme quand on sait que la température mondiale a augmenté d’1,2 °C depuis la révolution industrielle. Frasne fait partie des 5 % des communes françaises les plus impactées par le chan gement climatique” , annonce Daniel Gil bert. Le chercheur a concentré ses ana lyses uniquement sur lesmois de janvier
La tourbière de Frasne est équipée depuis 2018 d’une tour à flux qui per met de mesu rer les quanti tés de CO2 et de méthane qui rentrent et sortent de la tourbière (photo D. Gilbert).
l Pontarlier Un lanceur d’alerte La théorie du réchauffement naturel Pur autodidacte qui s’intéresse à tout, David Miaille annonce depuis plus de 35 ans ce qui est en train de se passer, sans
vraiment être entendu. Pour lui, l’homme ne fait
“O O n va être la sixième civilisation à disparaître de la surface de la terre. On nous parle souvent de dérèglement climatique alors que je pense que nous n’avons fait qu’accélérer un pro cessus naturel cyclique planétaire lié aux déplacements des champs magnétiques et des continents. Ces mouvements sont à l’ori gine des tremblements de terre, des séche resses, la fonte des glaciers, de la montée des eaux” , explique David Miaille. Installé depuis quinze ans à Pontarlier, il s’intéresse depuis plus longtemps encore à ces phénomènes climatiques inquiétants. “J’en parle en famille depuis que j’ai 15 ans mais personne ne me croyait. Avec l’arrivée des réseaux sociaux, j’ai communiqué sur Facebook. Je faisais partie de 25 groupes d’échange sur le climat. C’est comme cela que je suis devenu lanceur d’alerte même si aujourd’hui j’ai tout arrêté faute d’être qu’accélérer un processus natu rel cyclique de réchauffement.
Grâce aux aides du plan de relance, l’association des Amis de la Réserve du lac de Remoray a pu financer la création d’un laboratoire pédagogique utilisé par les chercheurs ou à disposition du grand public par le biais d’animations.
David Miaille estime que la situation va devenir très vite préoccupante et pourrait remettre en cause l’avenir de l’humanité d’ici la fin du siècle. “La nature est plus forte que tout. On n’aura pas d’autre choix que de s’adapter mais comment on va faire pour nourrir tout le monde ? Expli quez-moi !” n
“Personne ne me croyait…”
Après plus de 30 ans de travail dans la réserve, Bruno Tissot déplore la disparition des espèces spécifiques au profit d’espèces plus communes. Un crève-cœur pour ce conservateur qui observe
aussi cette migration géogra phique : “On n’arrête pas de voir arriver des espèces du sud qui remontent en montagne pour fuir le réchauffement climatique.” n F.C.
Très pessimiste, David Miaille s’interroge
aujourd’hui sur les solutions qui permettront de trouver une issue à la survie de l’Homme.
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