La Presse Pontissalienne 273 - Octobre 2022

30 Mouthe - Région des lacs

La Presse Pontissalienne n°273 - Octobre 2022

NATURE

La brigade d’intervention loup Attaques de loups : les éleveurs à cran

J’ai le sentiment que le loup est en train de gagner la partie”, explique Pierre-Henri Pagnier qui a perdu une génisse tuée par le loup le 12 septembre sur l’alpage du Pré Maître Jean. Le préfet Jean-François Colombet est venu à la rencontre des éleveurs et des élus du Haut-Doubs le 16 septembre dernier.

La tension monte dans les exploitations agricoles du Haut-Doubs entre Rochejean et Chapelle-des-Bois où les attaques de loups se multiplient depuis le mois d’août causant la mort de 10 jeunes bovins et d’une brebis. Le Préfet est allé à la rencontre des éleveurs et des élus pour annoncer l’arrivée de la brigade d’intervention “loup” de Gap et trouver le cadre d’intervention légal le plus adapté à la situation.

“Q uand on évoque le problème, c’est une chose. Quand on le vit, c’est autre chose, explique Pierre-Henri Pagnier, éleveur à Chaux-Neuve qui a découvert le 12 septembre dernier une de ses génisses tuées par les loups dans l’alpage qu’il exploite au Pré Maître Jean. J’ai le sentiment que le loup est en train de gagner la partie. L’heure est grave et c’est main tenant qu’il faut inverser les choses.” Face à la menace, il a décidé de rentrer ses bêtes tous les soirs pour ne plus vivre dans l’an goisse de nouvelles attaques. Une ineptie agricole aumoment où les pluies de septembre ont permis une nouvelle pousse d’herbe sur des terrains où rien n’a poussé en juillet et en août. L’éleveur très remonté mais res pectueux interpelle aussi le Pré fet Jean-François Colombet en demandant à l’État de prendre en charge l’évacuation de la car le 20 septembre Un binôme de lieutenants de louveterie a procédé le 20 sep tembre à 22 h 40 au tir létal d’une louve sur une parcelle où un troupeau avait été prédaté dans la nuit du 18 au 19 sep tembre aux Longevilles-Mont d’Or. Ce tir a été réalisé dans le cadre d’un tir de défense sim ple. Il a été mis en œuvre alors que trois loups étaient observés en situation d’attaque sur le trou peau du G.A.E.C. concerné. n Le premier loup abattu

“Je suis venu ici pour sortir de la technocratie, de la technique. J’ai besoin de cela pour trouver des arguments qui permettront d’avoir des mesures spécifiques. Le sujet du loup est un sujet complexe. Il faut trouver des solutions qui combinent l’intérêt de l’espèce et, en même temps, l’intérêt de la filière agricole. Pour autant, il faut rester stric tement dans la légalité en res pectant l’arrêté ministériel de 2020.” Le Préfet du Doubs tient abso lument à ne pas sortir de cadre légal voulant éviter d’avoir à gérer un “Notre-Dame des loups”.Une situation qui pouvait s’avérer tout simplement ingé rable. Le protocole d’intervention pour protéger les bêtes d’élevage s’ins crit dans le cadre du plan loup élaboré sur les troupeaux ovins dans lesAlpes. Ce plan ne prend pas en compte les spécificités dumassif jurassien qui se carac térise notamment par le mor cellement des parcelles, rendant impossible la surveillance des troupeaux la nuit. “J’ai demandé au Préfet coordinateur de recon naître la non-protégeabilité des espaces agricoles à l’échelle des 13 communes concernées par les attaques, soit 117 exploitations. Cela permettra d’engager une action forte.” Le préfet coordi nateur est celui de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le protocole comprend quatre niveaux d’intervention. D’abord les tirs d’effarouchement des tinés à éloigner les loups. On passe ensuite aux tirs de défense simple à balles réelles qui per met de tirer sur un loup en situa tion d’attaque. Ces tirs peuvent être effectués par l’éleveur ou toute autre personne sous réserve d’être titulaire d’un per mis de chasse. “Nous avons auto risé dix tirs de défense simple mais aucun n’a été réalisé” , reconnaît le Préfet. Les pro loups se sont d’ailleurs mani festés en contrecarrant l’action des louvetiers placés en tir de défense simple sur un troupeau aux Villedieu. “Quand ils ont voulu allumer les phares pour éclairer le loup, une voiture en face a allumé les siens en pro voquant la fuite du prédateur” , rappelle Loïc Scalabrino, éleveur aux Pontets. La mesure étant inefficace, le Préfet du Doubs a demandé l’au torisation de pouvoir procéder au tir de défense renforcé per mettant la présence de plusieurs

casse. “Je suis d’accord avec vous. Aujourd’hui, il n’y a pas de cadre légal mais j’entends la demande. Cela fait partie des spécificités vers lesquelles il faut qu’on avance” , lui répond le représentant de l’État lors de son déplacement dans le Haut

Éviter d’avoir à gérer un “Notre-Dame des loups”.

Doubs le 16 septembre dernier. Le retour du loup dans le massif du Jura a été officialisé en 2020 avec la formation d’une meute sur le secteur du Marchairuz en Suisse voisine. 10 veaux ont été tués en 2021 par les loups sur les alpages suisses. Une seconde meute a aussi été iden tifiée l’été dernier dans le massif du Risoux. Ces deux meutes regroupent aujourd’hui une vingtaine de loups. Il semblerait aussi qu’un groupe de quelques individus se soit installé entre la route des Charbonnières et le Mont d’Or. Les gardes fédé raux estiment que c’est peut être ce troisième groupe qui soit à l’origine des attaques sur les troupeaux français. Fin septembre, le bilan sur le département du Doubs fait état de 12 attaques perpétrées de Rochejean à Chapelle-des-Bois avec 10 génisses tuées, 20 autres blessées et une brebis blessée. À l’échelle du massif jurassien franco-suisse, on comptabilise 20 bovins tués. Bien conscient de la souffrance des éleveurs, Jean-François Colombet se veut pragmatique.

levés en France par tir de défense simple ou renforcé en 2021. Côté suisse, on ne reste pas inactif puisque le Canton de Vaud vient d’obtenir à la mi septembre l’autorisation de tirer trois des six jeunes de la meute du Marchairuz. n F.C.

tireurs sur le même troupeau. Bonne nouvelle pour les éle veurs, il a obtenu des renforts de choix. “Nous attendons la bri gade d’intervention “loup” de Gap. Ce sont des professionnels. Si on tire n’importe quel loup, le problème peut être multiplié par quatre. D’où l’importance J ean-Paul Celet, le préfet réfé rent loup est venu participer à une réunion de concertation autour de la problématique du loup, organisée le 3 octobre à Labergement-Sainte-Marie. “Il faut raisonner à l’échelle du mas sif, avec des instances de coor dination entre les départements du Doubs, du Jura et la Suisse. Le loup ne connaît pas de fron tière. On doit adapter la panoplie des outils de protection à la situa tion du Massif du Jura. Le premier moyen de prévention réside dans la connaissance du comportement des loups. Et cet aspect doit être intégré dans les analyses de vul

d’associer nos louvetiers avec les agents de cette brigade.” En dernier ressort, Jean-Fran çois Colombet n’exclut pas de solliciter toujours auprès du Préfet coordinateur, un tir de prélèvement, ultime étape du processus d’intervention. En France, 100 loups ont été pré

“Le loup ne connaît pas les frontières”

“On veut mettre en place une instance de coordination entre la France et la Suisse”, annonce Jean-Paul Celet, le préfet référent national sur la politique du loup.

nérabilité des fermes.” À l’issue de cette réunion, décision a été prise de confier à l’Agence Régionale de la Biodiversité le

soin de conduire rapidement des expérimentations sur la façon de protéger les troupeaux dans le massif du Jura. n

Neuf génisses et un veau ont été tués par le loup dans le Doubs depuis le mois d’août.

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