La Presse Pontissalienne 269 - Juin 2022

4 L’interview du mois

La Presse Pontissalienne n°269 - Juin 2022

SANTÉ

Le directeur du Centre Hospitalier Intercommunal de Haute Comté

“Les difficultés s’accroîtront sans doute à la fin de l’été”

L a Presse Pontissalienne : Qu’en est-il des fermetures de lits dans les E.H.P.A.D. du Haut-Doubs et à l’hôpital de Pontarlier ? Olivier Volle : Nous avons dû procéder au gel de 20 lits à l’E.H.P.A.D. du Larmont en raison de huit postes vacants parmi les infirmières, au gel de cinq lits en psy chiatrie pour les mêmes raisons et enfin au gel de quatre lits en soins de suite et de rééducation (S.S.R.) à Mouthe en rai son de tensions sur les personnels infir miers et aides-soignants.

Olivier Volle revient sur la situation tendue des établissements de santé dont il a la charge. Avec le déficit actuel des postes de soignants, des lits sont fermés. Le point sur la situation.

L.P.P. : Le service des urgences est-il menacé à Pontarlier au même titre que la troisième ligne du S.M.U.R. à Besan çon ? O.V. : Non, actuellement les effectifs mêmes s’ils sont en tension en raison de congés maternité chez les médecins, et de diffi cultés de recrutement chez les infirmières per mettent de maintenir le service. Les difficultés s’accroîtront à la fin de l’été avec des départs de médecin sans qu’il soit possible aujourd’hui d’en évaluer l’impact.

“Les médecins étrangers nous donnent entière satisfaction.”

À l’hôpital de Mouthe, il manque quasiment dix postes équivalents temps.

Olivier Volle, directeur du Centre Hospitalier Intercommunal de Haute Comté.

Des suppressions… et une surpression Le cri d’alerte du C.O.D.E.S. 25

Zoom Certificats de décès : pénurie de médecins

Le Collectif de défense de la santé du Doubs dénonce la fermeture de nombreux lits, principalement en médecine interne et en soins de suite et de réadapta tion. Dans le même temps, il alerte sur la difficulté croissante de recruter du personnel soignant.

partie du service de cardiologie. Ce dernier ferme. Vous vous retrouvez en “gastro”. Il faut réapprendre tous les protocoles, c’est la panique totale. Les infir mières sont baladées de service en service. Elles n’ont plus le temps de nouer un relationnel avec les patients. Et quand on nous dit on ferme les S.S.R. car on n’a pas de médecins nous, on répond que c’est aux agences de santé de faire de meilleures pla nifications. Ce n’est pas un pro blème de médecins mais de pla nification !” Selon le collectif qui s’intéresse autant à l’hôpital, qu’à la psy

chiatrie et au médico-social (E.H.P.A.D.), ces destructions de lits sont des décisions poli tiques, prises par l’A.R.S. qui dépend de la Haute autorité de la santé, le “Préfet” sanitaire, qui ont pour but de diminuer le coût de la santé. D’autres secteurs sont touchés. “Ce que l’on vit à l’hôpital on le vit aussi à l’Éducation nationale” complète Antoine Morelli, psy chiatre, lui aussi adhérent du collectif. “C’est une destruction des services publics.” Et une des truction de l’indispensable cohé sion des soignants. “L’unité, la qualité des liens et de l’expérience

commune d’une équipe diminue. Le plaisir au travail baisse et les risques d’erreurs augmentent. Avant, ceux qui dirigeaient l’équipe infirmière étaient des surveillants qui accompagnaient le personnel dans les soins au quotidien. Aujourd’hui, ce sont des cadres envahis par la gestion et l'administratif qui n’arrivent plus à tenir compte de la qualité des soins.Avant le Covid, les ser vices d’urgence étaient déjà en grève depuis deux ans. De nom breux chefs de service soutenaient le mouvement. Et on ne peut pas dire que ce sont forcément des gauchistes !” n

pour les signer Difficultés à soigner les vivants, difficulté à s’occuper des morts. Pour la méde cine générale, le constat est rude. Depuis quelques années, selon si l’on meurt à domicile, ou dans un établis sement non médicalisé, c’est le méde cin traitant ou de garde qui signe le certificat de décès, obligatoire pour une prise en charge par les pompes funèbres. Pour un décès sur la voie publique, c’est un médecin désigné qui intervient. Très souvent, c’est le médecin de famille qui se déplace. De nombreuses communes peinent à trouver la perle rare pour signer l’acte (payé environ 100 euros)…parce que les cabinets ne répondent pas, ou parce que le professionnel est en inter vention. Les services de police sont d’ailleurs parfois obligés de patienter avant que le médecin n’arrive. Dans le Doubs, le Préfet réquisitionne deux médecins-pompiers pour pallier cette carence. n

A lors que le gouvernement n’a eu de cesse de piloter la crise sanitaire en fonc tion du risque de saturation hos pitalière, il a paru surprenant que, en même temps, des lits soient massivement fermés à l’hôpital public selon le C.O.D.E.S. 25 (Collectif de défense de la santé du Doubs), qui indique que “lors du premier quinquennat Macron, 17 900 lits d’hôpitaux ont été fermés dans le pays, dont 5 700 en 2020, en pleine pandémie de Covid.” À la clinique Saint-Vincent de Besançon, depuis le début de la crise sanitaire, un service de 30 lits de Soins de suite et de réa daptation (S.S.R.) n’a toujours pas été rouvert. “C’est le résultat d’une politique de gouverne ments, de gauche et de droite depuis 1983” estime Colette Rueff, infirmière à la retraite et membre du C.O.D.E.S. 25. “Cela a commencé par l’instauration

du numerus clausus qui avait pour but de diminuer le nombre de médecins. Et par la suite on n’a pas embauché assez d’infir mières. Aujourd’hui tout le monde court après des infir mières car il y a eu des démis sions en masse. 310 agents, sur un effectif total de 5 000, ont démissionné de l’hôpital Minjoz en un an, alors que certains soi gnants sont suspendus, sans

salaire depuis le 15 septembre der nier.” Résultat, le décou ragement de l’en semble du person nel est latent. L’exemple donné par Annie Morelli, psychologue à la retraite elle aussi membre du C.O.D.E.S. 25 est parlant. “Pendant 5 ans, vous faites

Ils dénoncent une diminution de la cohésion.

Antoine Morelli, Colette Rueff et Annie Morelli, membres du C.O.D.E.S. 25.

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