La Presse Pontissalienne 268 - Mai 2022
4 L’interview du mois
La Presse Pontissalienne n°268 - Mai 2022
POMPIERS
Le chef de corps du S.D.I.S. 25
“Une vraie révolution va s’engager Stéphane Beaudoux est le patron des 3 100 pompiers du Doubs. Crise du
L a Presse Pontissalienne : Combien de pompiers exercent sous votre respon sabilité de chef de corps départemen tal ? Stéphane Beaudoux : Au total, nous sommes 3 100 pompiers et sur ces 3 100, on compte 410 sapeurs-pompiers professionnels, et 105 personnels admi nistratifs et techniques. Le reste, c’est donc 2 600 volontaires en moyenne, un effectif assez stable, et une répar tition entre professionnels et volon taires dans la moyenne nationale, à savoir 80 % de volontaires et 20 % de professionnels. L.P.P. : Êtes-vous confrontés à une crise des vocations concernant les pompiers volon taires ? S.B. : Il n’y a pas de crise des vocations dans le sens où l’effectif se renouvelle correctement, mais on constate une durée d’engagement moins longue qu’avant, clairement. Elle est de 11 ans en moyenne. Les évolutions socié tales, avec une offre de loisirs beaucoup plus importante, ont un impact indé niable sur l’engagement des pompiers volontaires. Il y a aussi beaucoup plus de mobilité professionnelle qu’avant. L.P.P. : La période Covid a eu un impact ? S.B. : Le Covid n’a pas fait de mal en termes d’engagements, mais cette période a permis à certains de découvrir qu’on pouvait ne rien faire et rester en famille. Par ailleurs, dans les casernes sans garde postée, il y a peut être moins d’activités de cohésion qu’avant le Covid. L.P.P. :Y a-t-il encore des pompiers suspendus parce que pas vaccinés, ou pas complète ment ? S.B. : Sur les plus de 3 000 pompiers, il y en a encore 130, tous des volon taires. Et 40 de plus avec ceux qui n’ont pas reçu leur troisième dose. Je précise que ces pompiers sont suspen dus, mais pas radiés. L.P.P. : Qu’est-ce qui explique, au-delà de l’impact du Covid, le turn-over plus important au sein du corps des sapeurs-pompiers volon taires ? S.B. : Le nombre d’interventions a for tement augmenté depuis une dizaine d’années et forcément, ça use les pom piers prématurément. Je l’ai dit, il y a aussi plus d’individualisme dans notre société, plus de loisirs.Mais c’est essentiellement la surcharge d’activité qui décourage certains. L.P.P. : Comment enrayer ce mouvement ? S.B. : Nous sommes en train de travailler il livre sa réflexion pour améliorer les conditions d’exercice de ce service plébiscitépar les usagers. volontariat, augmentation des sollicitations, des violences,
Le contrôleur général Stéphane Beaudoux est à la tête des pompiers du Doubs depuis mai 2017. Il rempile pour un nouveau contrat.
sur une piste dont nous débattrons en mai avec les 71 chefs de centres du département : l’engagement différencié. Aujourd’hui, quand un pompier s’en gage, il le fait pour toutes les missions sans exception. L’engagement diffé rencié, c’est la possibilité de recruter quelqu’un en ne lui confiant que cer taines missions. Cela sous-entend donc moins de formations, et moins d’inter ventions à faire. Et c’est sans doute aussi un moyen de renforcer la fémi nisation des pompiers.Avec cette orien tation que je présenterai dès ce mois demai aux 71 chefs de centre du dépar tement, c’est une vraie révolution qui va être engagée chez les pompiers du Doubs. Nous serions un des tout pre miers S.D.I.S. de France à nous engager dans cette démarche qui doit être expli quée à tous. Le S.D.I.S. du Doubs sera un établissement fer de lance en la matière. L.P.P. : Les pompiers sont prêts à cette révolution culturelle ? S.B. : Nous avons déjà fait quelques expérimentations dans ce sens, notam ment sur notre centre de secours du Mont d’Or aux Hôpitaux-Vieux, un
Bio express l Stéphane Beaudoux est né en 1966 à Saint-Étienne, il est marié et a deux enfants de 27 et 30 ans. l Il est chevalier dans l’ordre de la légion d’honneur et dans l’ordre du mérite. l Avant d’être à la tête du S.D.I.S. 25, il a dirigé les pompiers de Meurthe-et Moselle entre 2011 et 2017 et le S.D.I.S. du Territoire de Belfort entre 2006 et 2011. l Il a été auparavant chef du groupement Loire-Nord, chef de centre à Lons-le-Saunier, à Champagnole et du bureau départemental des affaires financières et juridiques du S.D.I.S. 17.
souvent pas le cas.
Besançon, nous refusons trois candidatures sur quatre, on se prive donc d’une ressource poten tielle qu’on pourrait alors recru ter au sein d’une compagnie de réserve. L.P.P. : La féminisation des pompiers avance-t-elle suffisamment ? S.B. : Nous comptons actuellement 669 pompiers femmes, c’est 24,9 % des effectifs. Mais 6,4 %
secteur très marqué par la pré sence de pompiers volontaires qui sont aussi des travailleurs frontaliers. Pour pallier les besoins, j’ai autorisé qu’il y ait un pompier conducteur incendie et qu’il ne soit affecté qu’à cette tâche. Cette question d’engage ment différencié, c’est un vrai changement de paradigme, je sais que certains sont sceptiques, mais nous comptons bien convaincre. L.P.P. : Avez-vous d’autres pistes pour pallier cette “crise du volontariat” ? S.B. : Le deuxième axe de déve loppement du volontariat serait de créer une compagnie de réserve, avec des pompiers qui ne peuvent pas faute de temps être pompiers volontaires, car peut-être pas assez près d’un centre,mais qui pourraient assu rer certaines missions. Dans les grands centres urbains comme
L.P.P. : Certains citoyens, certains élus locaux également, estiment que les pompiers coûtent cher, voire trop cher (83 euros par habitant et par an). Que leur répondez-vous ? S.B. : Il est vrai que d’année en année le budget du S.D.I.S. (68 millions d’euros cette année) est en augmentation car ce bud get est essentiellement composé d’une masse salariale, donc qui évolue. Les pompiers, c’est avant tout un service de main-d’œuvre. En revanche, je m’inscris en faux contre le fait que ce service coû terait trop cher. Si on compare aux forces de l’ordre, 80 % de notre personnel est volontaire. J’affirme donc que les pompiers sont un des services publics les moins chers de France. D’où l’im portance de préserver ce volon tariat et cet engagement citoyen si précieux.
seulement chez les profession nels. Nous sou haiterions donc recruter plus de femmes. Ces dernières ont encore une cer taine crainte, pensant que c’est très phy sique d’être pompier alors que ce n’est bien
“Nous souhaiterions recruter plus de femmes.”
l Avant d’entrer chez les pompiers, il était conseiller principal d’éducation.
l Titulaire d’une maîtrise de droit public, il est également diplômé des hautes études en affaires intérieures et de sécurité et de l’école nationale des officiers de sapeurs-pompiers.
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