La Presse Pontissalienne 262 - Novembre 2021

Le portrait 39

La Presse Pontissalienne n°262 - Novembre 2021

RECHERCHE

Ingénieur, docteur et chercheur à la fois

Échographie d’un Professeur de génie Léandre Pourcelot est l’inventeur des dispositifs d’échographie-Doppler. C’est aussi le premier au monde à avoir mis au point un appareil capable

La commercialisation de l’appareil sera réalisée par la sociétéDelalande Électronique, créée en 1968 en col- laboration avec Léandre Pourcelot qui comprend rapidement que recherche et industrie doivent coha- biter pour progresser. Des entre- prises tentent de le débaucher “pour une grosse somme d’argent, raconte son frère. Léandre a refusé… car l’argent ne l’intéresse pas. L’Australie a même tenté de le faire venir mais il a répondu qu’il était Français, qu’il resterait en France.” Thérèse Planiol, première femme professeur agrégé de médecine en France et chercheuse de renommée internationale sur le cerveau, mesure la valeur et l’éthique de Léandre. Elle demande au Franc- Comtois de le rejoindre - en 1968 - dans son équipe de biophysique et médecine nucléaire à l’hôpital de Tours. Ingénieur, Léandre reprend des études de médecine : il étudie la nuit, travaille la journée. “Je vivais à cette époque aux crochets de mon épouse,Danièle, originaire également d’Orchamps. Quand j’ai repris des études de médecine, je passais pour un hurluberlu” se souvient-il. En 1977, il met au point le Doppler couleur. De 1979 à 1982, avec son équipe, il collabore avec le C.N.E.S. (Centre national d’études spatiales) et Matra sur le premier appareil au monde d’échographie-Doppler pour l’étude du système cardiovas- culaire des astronautes russes, puis américains. “Personne ne voulait prendre le risque de développer des capteurs capables d’aller dans l’es- pace” déclare Léandre qui se lance. L’appareil part à bord de la station orbitale soviétique lors du vol du cosmonaute français Jean-Loup Chrétien (1982). Sa découverte a débouché sur la création de l’entre- prise Vermon qui emploie aujourd’hui 230 personnes ! Pour les missions spatiales de longue durée de mars 1995 et 1996, son équipe met au point un appareil de

Bio express Il naît 7 septembre 1940 au hameau des Ravières, à Orchamps- Vennes. Marié, deux enfants Après le lycée à Besançon il part en école d’ingénieur à Lyon- En 1964, il réalise alors le premier appareil européen à effet Doppler - ultrasonore. En 1976, il est le pionnier pour la focalisation électronique des sondes d’échographie et la mise au point du Doppler couleur. Il montre l’intérêt de l’échographie à balayage électronique pour visualiser le fœtus in utero. De 1979 à 1982, avec son équipe, il met au point le premier appareil d’échographie Doppler pour l’étude du système cardiovasculaire des astronautes. Il crée et développe plusieurs entreprises. ll publie un livre sur son père Paul, soldat de la guerre 1914-1918 Septembre 2021, il est décoré du titre de Commandeur national de l’Ordre du mérite.

d’étudier le système cardiovasculaire des astronautes. Parcours d’un gamin d’Orchamps-Vennes devenu un grand ponte de la santé, désormais établi à Tours.

I l a gardé de son Haut-Doubs natal le tempérament d’un bat- tant, la modestie d’un paysan. Avec une profonde humilité, Léandre Pourcelot (81 ans) avoue à demi-mot que son parcours pro- fessionnel détonne. Lui-même peine à expliquer comment l’enfant qui conduisait les chevaux de trait de ses parents dans la forêt d’Or- champs-Vennes pour y débarder du bois est devenu l’un des plus grands chercheurs français à l’ori- gine de découvertes mondiales en matière de santé. “Léandre a obtenu l’ensemble de ses examens du pre- mier coup… sauf son permis de conduire” ironise son grand frère Émile âgé de 88 ans, admiratif. Dans la banlieue deTours où Léan- dre Pourcelot réside depuis cin- quante ans, cet “expatrié” désigné

les études” témoigne cet Oricam- pien né le 7 septembre 1940 aux Ravières, un hameau d’Orchamps- Vennes. Quatrième enfant d’une famille de dix, Léandre se rend à l’école avec ses frères et sœurs où les niveaux sont mélangés. Il suit les cours des plus grands, se fait rapi- dement remarquer pour ses faci- lités d’apprentissage.Comme dans toutes les familles de cultivateurs du Haut-Doubs de l’époque, son père et sa mère feront de leurs enfants un curé, un “intello”, les autres des “paysans”. Léandre, c’est sûr, poursuivra les études. Après le lycéeVictor-Hugo àBesan- çon, direction Lyon. “Je remercie mes frères et sœurs de m’avoir per- mis d’étudier…Certains sont restés à la ferme pour payer mes études” témoigne l’octogénaire.À l’époque, il n’existe pas de bourses d’études mais Léandre a de l’énergie à revendre. Il travaille comme garçon de café et garde des enfants pour payer ses études. En 1963, sa thèse le fait étudier sur le difficile sujet de la mesure du flux sanguin dans les vaisseaux, qui le mène à la création du pre- mier appareil européen à effet Doppler ultrasonore pour l’étude de la circulation sanguine. “Lorsque je demandais encore récemment à mes étudiants depuis combien de temps ce genre de technique existait, il me répondait des centaines d’an- nées ! C’est il y a 50 ans… À l’époque, on cherchait une méthode non invasive pour étudier le corps humain. Les ultrasons s’y prêtaient bien” explique l’ingénieur.

Léandre Pourcelot, un ingénieur- docteur aux 10 000 vies.

mesure de la densité osseuse par ultrasons. Un appareil commercia- lisé qui pourra, sur la terre ferme, améliorer le diagnostic et le traite- ment de l’ostéoporose. Léandre Pourcelot devient directeur de l’unité de recherche Inserm 316 “Le système nerveux du fœtus à l’enfant” de 1988 à 2003. Il aide éga- lement au développement des recherches sur l’autisme et le retard mental. “Je me suis battu comme un lion pour que l’autisme soit reconnu comme une maladie !” Altruiste, Léandre co-fonde la Fon- dationThérèse et René Planiol pour l’étude du cerveau, “qui a pour objec- tif scientifique et médical d’aider à la formation de jeunes chercheurs et à la poursuite de recherches dans le domaine de l’exploration cérébrale, explique-t-il. Grâce à ce travail, nous avons déjà financé une trentaine de bourses pour des jeunes médecins.” Il a également œuvré en faveur de la loi Veil. Connaissant la situation sanitaire terrible des femmes qui avaient des complications suite à des avortements clandestins, le Pro- fesseur a collaboré avec lesmédecins du centre-I.V.G. pour les aider dans la prise en charge des patientes et le diagnosticmédical avant ou après l’interruption volontaire de gros- sesse. C’est un humaniste. Même retraité, le médecin n’arrête

jamais. Ses découvertes ont permis la création de près de 400 emplois dans la région deTours. Son regret : “voir que les métiers manuels sont délaissés en France” ou encore que la recherche française ne s’appuie pas assez sur l’industrie. Le 31 octobre dernier, il était de retour à Orchamps-Vennes pour fêter avec ses proches sa médaille de Commandeur en toute simplicité. L’occasion de retrouver la terre de ses aïeux et de son papa à qui il vient de consacrer un livre intitulé “La grande guerre à 18 ans, témoi- gnage de Paul” aux éditions Blin- kline. Lemédecin amis lamain sur le carnet de son soldat de père qu’il publie intégralement. Membre de l’Académie des Arts et belles lettres de Touraine, le Haut- Doubien d’origine a édité plusieurs poèmes qui ne pèsent pas lourd par rapport aux 200 publications scien- tifiques qui lui ont valu d’obtenir le Prix national de l’Académie de médecine (1981), de l’Académie des sciences (1983), du Rayonnement français (1986), lamédailleAmpère S.E.E. (1997), d’être honoré pour ses travaux en obstétrique (2003). La liste est encore longue. Autant de prix que Léandre n’étale pas… à l’inverse d’un morceau de comté sur un morceau de pain. E.Ch.

Commandeur de l’Or- dre national duMérite en septembre dernier est fier de ses racines comtoises. Drôle de parcours pour ce titulaire d’un Bac + 17 (vous avez bien lu) qui aurait pu devenir célèbre en signant footballeur professionnel à 18 ans quand le club de Lyon le repère alors qu’il suit des études d’in- génieur en électro- nique à l’institut national des sciences appliquées (I.N.S.A.), en 1963. “En 1963, le sport-études n’existait pas alors j’ai poursuivi

Il se bat pour l’autisme, et pour l’I.V.G.

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