La Presse Pontissalienne 259 - Août 2021

36 Dossier Spécial été

ÉDITION SPÉCIALE ÉTÉ - Août 2021

JOUGNE

Revalorisation

Le bourg veut retrouver son caractère médiéval

La nouvelle municipalité est décidée à faire des efforts pour redonner à la commune son cachet ancien. Une première étape vers le statut de station classée.

mandes de la commune. À Jougne, la priorité est, pour l’instant, portée sur des réfections de voirie et sur la mise en conformité de la mairie, ce qui sous-entend aussi des travaux importants. Jougne fait partie des com- munes classées touristiques. Une pre- mière étape vers le statut de station classée. “On compte bien ressortir d’ici la fin du mandat le projet de réhabili- tation qui avait été mis de côté. Le mode de financement a évolué. Auparavant, on avait droit à 300 000 euros tous les trois ans et maintenant les aides sont accordées au fur et à mesure de la réa- lisation des projets” , poursuit Michel Morel qui était vice-président de l’as- sociation des petites cités comtoises de caractère jusqu’en 2020. n F.C.

P our l’instant assez remontée contre les communes suisses qui projettent d’installer un parc éolien sur les crêtes du Bel Cos- ter dominant le village et toute la vallée de la Jougnena, la municipalité de Jougne argumente sur ce dossier de la préservation des paysages, de la pro- tection de la biodiversité, des ressources naturelles et du patrimoine architec- tural de la commune. “Jougne fait partie des petites cités de caractère depuis la fin des années quatre-vingt-dix. C’est une belle promotion ouvrant droit à des supports médiatiques, des guides,

des plans de visite. Ce classement permet aussi de bénéficier d’aides de la Région pouvant aller jusqu’à 33 % et de l’État

sur des programmes de réhabilitation. On avait déjà lancé un projet ambitieux en associant la valorisation du patri- moine et la qualité de vie des habitants mais cela n’a pas abouti au mandat précédent” , regrette lemaireMichel Morel qui à l’époque n’était plus aux com-

“C’est une belle promotion pour la commune.”

“L’adhésion aux petites cités de caractère donne droit à des aides incitatives sur des travaux de réhabilitation du patrimoine, indique Michel Morel, le maire de Jougne.

S ituée en contrebas du village, au bord de la Jougnena, la chapelle Saint-Maurice se dresse dans l’enclos du cimetière. Elle témoigne de l’existence d’un prieuré érigé par les bénédictins de l’abbaye de Sainte-Mau- rice d’Agaune, fondé dans le Valais sur le lieu du martyr de saint Maurice. Le prieuré devient une halte entre le Valais et la Bourgogne pour les moines fran- chissant les montagnes du Jura par le col de Jougne. Une abbaye fut fondée en 515. Aujourd’hui, seule la chapelle subsiste. C’est l’un des plus vieux monuments de l’art roman en Franche-Comté. La déclivité du terrain explique la dissy- métrie de l’édifice, enterré au nord mais bien dégagé au sud. Le bâtiment visible a été rebâti sur une crypte carolingienne. L’écroulement d’une partie de la voûte à la fin du Moyen-Âge a entraîné la reconstruction de deux travées et les murs extérieurs ont été étayés par de puissants contreforts. À l’intérieur, le vaisseau est constitué d’une nef unique à quatre travées, très sobre, avec une voûte en berceau brisé. Les chapiteaux historiés ou à personnages témoignent aussi du premier décor roman dans la région. La toiture en tavaillons a été rénovée en 2012. Le cimetière qui entoure la chapelle est mentionné dans le cadastre de 1839 et a été agrandi en 1866. Il comporte quelques tombes originales. n l La chapelle Saint-Maurice

HISTOIRE

Patrimoine

Sept phases de constructionmises à jour dans les fortifications

La géologie et l’histoire se sont donné rendez- vous à Jougne. Étudiant bisontin, Valentin Metral a mis en évidence les différentes phases d’évolu- tion de ce bourg castral dans le cadre de son master en archéologie du bâti. Éclairages.

B ien connu des étudiants en géologie, le “décro- chement de Pontarlier” a ouvert une belle voie de passage à travers la mon- tagne jurassienne. C’est à son extrémité sud, près de la frontière suisse, que prend place le bourg médiéval de Jougne perché à 800 m d’al- titude sur un éperon rocheux dominant la vallée de la Jou- gnena. “Ce bourg se situe sur un axe de communication antique majeur qui assurait la liaison entre la Gaule et l’Italie, axe qui sera plus tard utilisé par les moines médié- vaux entre Dijon et Agaune” , indique Valentin Metral dans un article publié dans une revue archéologique. Jougne s’inscrit d’ailleurs dans un dispositif de contrôle et de défense de la cluse où l’on retrouve Pontarlier et

le château de Joux. L’histoire de Jougne est liée à la mai- son de Chalon qui amultiplié les acquisitions de droits et domaines dans le Haut- Doubs, en 1266 notamment avec le bourg de Jougne et son péage. Le trafic inter- national se développa entre les marchands italiens, fla- mands et champenois. En 1475, les troupes confé- dérées suisses envahissent le bourg lui infligeant de nombreux dégâts. Au début du XVI ème siècle, la seigneurie de Jougne passe des Chalon d’Arlay à la famille Nassau. Les modifications des réseaux commerciaux entraî- nent une diminution des échanges internationaux, compensée par une augmen- tation du trafic régional. Les troupes de Saxe-Weimar rui- nent à nouveau totalement

P our visiter cet espace hors du temps, passage obligé par le secré- tariat de mairie ou l’hôtel de la Couronne tout proche qui sont déposi- taires des clefs et vous les mettront à disposition. Ceux qui aiment l’insolite, le vécu, ne seront pas déçus en pénétrant dans ce qui s’apparente plus à un joyeux capharnaüm qu’à un musée. Éviter de refermer tout de suite la porte si vous ne voulez pas vous retrouvez plongé dans le noir… Viser donc la porte du fond où un écriteau indique la lumière. On trouve de tout dans ce bric-à-brac poussiéreux, œuvre d’un habitant du village, Paul Parriaux. Après son décès, sa collection a été vendue à la munici- palité qui l’a acquise en 1927 pour la somme de 27 000 francs. Ce curieux musée occupe la place de l’ancienne classe des garçons. Plus orienté sur la faune que la flore locale, le cabinet de l Le musée animalier

Document d’archive exceptionnel, la perspective cavalière du bourg de Jougne datée de 1595 permet de visualiser le site dans son environnement (photo V. Metral).

Les mises en scène surprennent le visiteur.

détruite en 1847 lors de la construction de la R.N. 57 menant vers la Suisse. L’enceinte est essentielle- ment conservée à l’est et au sud le plus souvent en mau- vais état. L’étude menée par Valentin Metral à travers les archives et l’analyse du bâti a révélé sept phases de construction successives, montrant des reprises, des modernisations et un entre- tien continu des lieux jusqu’à la fin de l’époque moderne. Jougne reste en effet un des rares exemples de l’utilisa- tion d’un bourg dans la défense du territoire national français au XVIII ème siècle. n

le village, son château et son enceinte en 1639. “L’impor- tance de Jougne dans l’éco- nomie locale disparaît avec l’abolition définitive du péage en 1782. Le bourg conserve néanmoins jusqu’au XIX ème sa fonction de place forte en contrôlant l’une des princi- pales voies d’accès à la Suisse.” La perspective cavalière du Jougne datée de l’année 1595 est une archive assez excep- tionnelle qui montre l’orga- nisation interne du bourg. La surface intra-muros du bourg est de 3,2 hectares. Une grande partie des rem- parts a disparu et la moitié ouest de la muraille a été

curiosité de Jougne s’aventure vers d’au- tres horizons en présentant des mâchoires de requin, un singe, des fusils de chasse. Il fait une large place aux mises en scène en montrant des écu- reuils violonistes, jouant aux cartes, allant à la chasse… Cette collection hétéroclite est restée dans son jus. À sa création, elle repré- sentait un des premiers musées ouverts au public dans le Haut-Doubs. Cette vision anthropisée du règne animal peut surprendre. C’est néanmoins une belle source d’inspiration pour les enfants tou- jours plus à l’aise dans ce genre de décor pour le moins détonant. n

Vue de la partie est de l’enceinte dont la partie inférieure est datée de la fin du XIII ème - début XIV ème (photo V. Metral).

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