La Presse Pontissalienne 252 - Décembre 2020

38 LA PAGE DU FRONTALIER

La Presse Pontissalienne n°252 - Décembre 2020

NEUCHÂTEL

L’ampleur de la deuxième vague Les cantons romands encore durement touchés par le Covid

Nos voisins qui avaient été relativement épargnés par la première vague connaissent une seconde vague violente. Ils n’ont pas adopté les mêmes restrictions que nous. Reportage au cœur du centre de coordination de la crise Covid vers Neuchâtel.

Thierry Michel est le chef d’état-major cantonal de conduite pour la gestion de crise. Ici dans la cellule de coordination basée à Colombier.

D ans les hôpitaux du can- ton de Neuchâtel, on commence, à peine à souffler. Au pic de l’épi- démie fin octobre, chaque jour plus de 300 habitants du canton étaient diagnostiqués positifs au Covid-19 et les hôpitaux ont dépassé le taux de saturation avec 167 patients hospitalisés dans les établissements de soins du canton au pic de l’épidémie, le 14 novembre dernier. Il a fallu armer comme en France de nou- veaux lits de réanimation. “En temps normal, nous n’avons que 6 lits de réanimation sur l’en- semble des établissements, c’est- à-dire les hôpitaux publics de Neuchâtel et de La Chaux-de- Fonds et les établissements pri- vés. Nous sommes progressive- ment montés à 8, puis 12, 14, 20 et jusqu’à 29 lits de soins inten- sifs fin novembre.Mais on consi- dère qu’à partir de 20 lits il devient difficile de garantir un niveau de prestations normal. C’est la raison pour laquelle nous avons dû transféré des patients dans d’autres cantons moins touchés” expose Thierry

Michel, le chef de l’état-major cantonal de conduite pour la gestion de crise (E.M.C.C.), pilote de la coordination de la lutte anti-Covid dans le canton. Dans les deux hôpitaux du canton, toutes les opérations “électives” c’est-à-dire sur rendez-vous, ont été déprogrammées et décalées. Ces dernières semaines, 40 % de la patientèle des hôpitaux étaient des cas Covid. C’est au premier étage d’un bâti- ment de la sécurité civile et mili- taire basé à Colombier que tra- vaille ce poste de commandement qui coordonne

la cellule communication de l’O.R.C.C.A.N. (Organisation de gestion de crise et de catastrophe du canton de Neuchâtel). Au plus fort de la crise, 42 personnes réunissaient leurs forces dans la coordination des actions. La force de la deuxième vague de l’automne dans les cantons romands en particulier, dont celui de Neuchâtel qui figure parmi les quatre cantons suisses les plus touchés, reste en partie inexpliquée. “On enregistre plus de cas qu’au printemps car on a d’abord plus de moyens pour tester et détecter les cas positifs. Mais nous n’avons à ce jour aucune explication scientifique fiable car les mesures prises dans les cantons romands étaient un peu plus strictes que dans les cantons alémaniques. Peut-être est-ce lié au mode de vie des Romands qui sont peut- être plus enclins aux contacts, aux temps conviviaux, que dans les autres cantons suisses ? Il n’en reste pas moins que la Suisse romande a été une des régions les plus touchées d’Eu- rope pour cette deuxième vague”

le canton de Neuchâtel, comme tous les autres cantons suisses d’ailleurs, n’a décrété aucun confinement. Les riverains n’ont jamais eu besoin d’une attesta- tion pour se déplacer. “Ce n’est pas dans notre façon de fonc- tionner” estiment les responsa- bles. En revanche, les réunions familiales dans le domaine privé étaient limitées à 5 personnes. Les magasins, eux, sont tous restés ouverts lors de la deuxième vague, mais les éta- blissements publics, ainsi que les activités sportives et cultu- relles et les restaurants étaient restés fermés.

note Thierry Michel. Sur le plan de la morbidité, le canton de Neuchâtel dénombrait (au 25 novembre) 154 décès liés au Covid sur une population totale de 182 000 habitants. “Nous comptons tous les cas : dans les hôpitaux, les E.H.P.A.D. et les personnes décédées à domi- cile qu’on a estimé comme posi- tives” précise Pierre-Louis Rochaix. En Suisse, chaque canton a les mains libres pour organiser sa lutte anti-Covid. C’est une spé- cificité par rapport à la France où les mesures sanitaires tom- bent d’en haut.Autre différence :

Ces derniers devaient rouvrir avant le 10 décembre. Tout comme les stations de ski suisses que les autorités avaient bien l’intention d’autoriser à ouvrir dès que la neige sera au ren- dez-vous. Les stations de ski du Valais étaient déjà ouvertes. Mais comme en France, cette crise sanitaire inédite aura appris aux autorités que “la seule chose qui est certaine, c’est l’incertitude. Ce qui est vrai un jour ne l’est parfois plus le len- demain…C’est la particularité de cette crise inédite en tous points” conclut ThierryMichel. n J.-F.H.

l’ensemble des acteurs de la lutte anti-Covid depuis le prin- temps. “Nous nous sommes réunis pour la première fois le 30 janvier et depuis ce jour, nous n’avons pas arrêté de sié- ger” complète Pierre-Louis Rochaix, chef de

40 % de la patientèle des hôpitaux étaient des cas Covid.

VALLÉE DE JOUX

Une curiosité scientifique Tchernobyl irradie toujours au Mont Tendre

Les militaires suisses ont identifié du Césium 137 en survolant le secteur de la vallée de Joux dans le cadre d’une campagne de mesure de radioactivité organisée du 9 au 13 novembre derniers. Une découverte fortuite, à très faible concentration et heureusement sans danger.

L’équipe en charge de la mission a sur- volé à bord d’un hélicoptère Super Puma une zone le long de l’arc léma- nique, soit 187 communes situées dans un quadrilatère allant deVevey à Nyon et de Moudon au Brassus. Le plan de vol ne prévoyait pas d’effectuer des mesures au-dessus du Mont Tendre, sachant que cela était programmé sur une prochaine campagne. “En raison de la météo brumeuse, les vols d’entraî- nement de nuit ont dû être annulés. La région entre Nyon et la frontière fran- çaise n’a pas pu être couverte. En tentant de nous glisser sous la couche de brouil- lard pour atteindre notre zone demesure prévue, nous avons survolé les crêtes du Mont Tendre et notre système a déclenché une alarme. Il s’agissait d’une identification automatique du césium 137. Nous avons donc procédé à une vérification de cette alarme en survolant à plusieurs reprises la crête du Mont Tendre” , explique le chef de la mission Stéphane Maillard du centre N.B.C.- D.E.M.U.N.E.X. À chaque passage, l’équipement de radiométrie ultrasensible installé dans l’hélicoptère Super Puma des forces aériennes confirme l’identification du césium 137. “La concentration du Cs- 137 reste néanmoins très en dessous de nos seuils de quantification et elle est inférieure aux niveaux de référence. Son influence sur les niveaux de radia-

tion ambiants est très faible” , poursuit le chef de mission en indiquant qu’une contre-vérification sur le terrain sera réalisée quand les conditions météo- rologiques seront plus favorables. À ce niveau de concentration, cette détection de césium 137 relève surtout de curiosité scientifique et d’une bonne opportunité pour exercer des spécia- listes. “Il n’y a ni risque sanitaire, ni urgence quelconque” , rassure Stéphane Maillard. Comment expliquer la pré- sence de ce Cs-137 ? L’hypothèse la plus probable reste celle de l’accident nucléaire de Tchernobyl survenu en avril 1986. Le césium137 est un produit de la fission nucléaire et l’accident de la centrale soviétique en a dispersé une grande quantité. Cette radioactivité a été déposée sur le sol au gré des pré- cipitations en des quantités localement très variables. “Depuis 1986, environ la moitié du Cs-137 s’est désintégrée par décroissance radioactive et la conta- mination évolue aussi en fonction de la nature et de l’utilisation des sols. Sa découverte à l’aide de nos équipements de reconnaissance radiologique qui sont de fabrication française reste for- tuite mais possible”, remarque le chef demission en rappelant aussi que Fran- çais et Suisses s'entraînent régulière- ment ensemble. La radioactivité n’a pas de frontière… n F.C.

C e type d’opération est effectué par le centre de compétences N.B.C.-D.E.M.U.N.E.X. qui est le service spécialisé de l’armée suisse dans toutes les affaires liées aux

risques nucléaires, biologiques et chi- miques. Il organise chaque année dans le cadre de l’entraînement de ces spé- cialistes une campagne annuelle de vols de mesure de la radioactivité sur

différents secteurs. L’objectif étant de couvrir l’ensemble du territoire suisse pour être en capacité de se préparer face à des incidents radiologiques de toutes sortes.

À l’intérieur de l'hélicoptère, les opérateurs de radiométrie contrôlent l’enregistre-

ment des données.

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