La Presse Pontissalienne 252 - Décembre 2020

MOUTHE - RÉGION DES LACS 30

La Presse Pontissalienne n°252 - Décembre 2020

HISTOIRE

20 ans de retard Métabief, la station hivernale en sursis

Jamais aucun site touristique du Doubs n’a suscité autant de controverses. Après trente glorieuses années de développement, la station du Haut-Doubs commence à montrer des fragilités structurelles qui ne feront que s’amplifier au fur et à mesure du réchauffement climatique. Elle survivra grâce à l’intervention du Département qui comblera chaque année le déficit récurrent et les annuités. Obsession du tout neige ? Immobilisme des acteurs locaux ? Mutation du parc d’hébergement ? Échec du plan de relance de 1998 ? Retour sur l’histoire chaotique d’une station qui vient (enfin) d’opérer un virage à 180° vers le quatre-saisons.

A ujourd’hui plus de doute, l’ave- nir des stations de moyenne montagne semble bien compro- mis, du moins pour celles qui persisteraient à croire au modèle tout- neige, sans doute le plus rentable quand toutes les conditions sont réunies. Un tiers des 570 stations de ski créées en France entre 1930 et 1970 a disparu. Avec le réchauffement climatique, la stagnation des marchés, les perspec- tives de développement contrariées, tout laisse à penser que d’autres sta- tions mettront la clef sous la porte dans les 20 ans à venir. Qu’en sera-t- il de Métabief ? Les choses avaient pourtant bien com- mencé en 1953 à la création de la sta- tion par Maurice Lagier qui dévelop- pera le site avec son fils Jacques. Neige abondante, pagotins neufs et accueil- lants pour la clientèle, tous les indi- cateurs sont au vert pendant les trente glorieuses des sports d’hiver dans le massif jurassien. La donne commence à changer à partir des années quatre- vingt avec des exercices tendus qui nécessitent déjà l’intervention du Département. Lequel finira par repren- dre la station en 1990. Ce changement se traduit par des actions concrètes avec la mise en place de la Société d’Économie Mixte, de nou- velles remontées mécaniques, les pre- miers canons à neige et surtout l’or- ganisation des premiers championnats du monde de V.T.T. en 1993. Personne

n’a oublié le succès populaire de cet événement. Un état de grâce de courte durée avec des premières tensions entre la collectivité et les acteurs locaux. Face à ce blocage, en 1998, le Dépar- tement étudie trois scénarios : la vente de la station à un privé, la fermeture avec démantèlement des infrastruc- tures et la poursuite de l’activité mais avec un vaste projet d’investissement et de modernisation dans une logique territoriale organisée à l’échelle du Haut-Doubs. “Le Département verse chaque année entre 1,5 et 2,5 millions d’euros pour combler le déficit de fonc- tionnement et financer la dette. D’où l’idée de lancer une réflexion globale sur l’avenir touristique du Haut-Doubs qui s’inscrit dans le cadre de l’étude Setel. 6 000 courriers ont été envoyés à tous les acteurs du tourisme. On a

cyclisme, pêche, nautisme, randonnée pédestre, savoir-faire, produits du terroir. monuments historiques… Pour moi, c’est l'étude la plus complète qui ait jamais été menée dans le Haut-Doubs”, résume Michel Morel qui était alors président du S.I.V.O.M. du Mont d’Or et du lac Saint-Point. L’étude Setel associe l’État, la Région et le Département qui étaient prêts à mettre en œuvre un plan de relance complet à hauteur de 300 millions de francs. Une manne qui impose bien sûr que chacun apporte des garanties : engagement de la mobilisation des financements par les institutions, créa- tion de la com’com duMont d’Or et des Deux Lacs, organisation et feuille de route par les acteurs socioprofession- nels. Si les institutions et élus locaux ont tenu leurs engagements, le contrat n’a malheureusement pas abouti à cause de socioprofessionnels qui ont botté en touche sans donner des gages de confiance. Conséquences : l’État et la Région ont alors repris leur argent pour l’investir sur le contrat de station des Rousses. “On discutait également avec le maire de Pontarlier de l’époque André Cuinet sur l’idée d’un office de tourisme Haut-Doubs avec une porte d’entrée sur Pontarlier. Cette proposition qui a suscité pas mal de critiques s’est concrétisée seulement vingt ans plus tard”, regrette encore Michel Morel. D’autres plans de relance annoncés

reçu près de 3 000 réponses. Les gens n’étaient pas si exi- geants. Ils deman- daient avant tout un projet de développe- ment qui soit en phase avec les enjeux envi- ronnementaux. Le rap- port d’étude est sorti en 1997. Il comprenait tout une série de fiches-actions autour du ski alpin et de l’en- semble des loisirs de plein air : eau,

Des socioprofes- sionnels qui ont botté en touche.

“C’est l’étude de développement touristique la plus aboutie qui ait jamais été réalisée sur la Haut-Doubs”, estime Michel Morel en évoquant l’étude Setel.

ventes de forfaits à la journée n’ont jamais compensé. Si le soutien du Département a permis d’éviter le pire, c’est finalement la Suisse et le marché immobilier lié aux frontaliers qui sau- vera le site et, à défaut de lui donner une dynamique touristique, aura évité le scénario de la friche touristique et de l’abandon d’un parc d’hébergement devenu invendable sur les marchés touristiques. Le tourisme neige n’est plus la seule solution pour l’avenir du territoire. Cela représente environ 80 millions de chiffre d’affaires sur 2 milliards générés à l’échelle du Pays du Haut- Doubs. Avec 900 emplois sur 27 000 actifs, il ne représente que 3,8 % des actifs. “C’est malheureusement le secteur qui coûte le plus aux collectivités et qui rapporte le moins. C’est autant d’in- vestissements en moins dans les infra- structures et services à la population sur un territoire en forte croissance démographique. On manque de places d’accueil en petite enfance, de foyers pour accueillir les seniors, de logements sociaux, de maisons de santé”, déplore Michel Morel qui voit plutôt d’un bon œil le virage à 180° pris récemment par le syndicat mixte du Mont d’Or qui a renoncé aux 24 millions d’inves- tissements prévus sur Métabief pour des projets plus raisonnables dans une vraie dynamique de tourisme 4 sai- sons. n F.C.

par Claude Girard en 2002 puis par son successeur avec le projet de grand syndicat mixte d’équipement touris- tique du Haut-Doubs et le fonds d’in- vestissement touristique ont également échoué. Pour mémoire, Claude Girard avait alors proposé la réalisation d’un téléphérique géant entre Malbuisson et le sommet du Morond. En 1998, un chiffrage de toutes les dépenses effec- tuées par le Département sur la station avait abouti à un coût de 150 millions de francs. Depuis lors, une somme sensiblement identique a été dépensée, de l’ordre de 25 millions d’euros. Sans pour autant que Métabief renoue avec la rentabilité qui fut la sienne de 1965 à 1984. Avec le recul des marchés, l’augmentation de la concurrence, l’arrêt des investis- sements, la débanalisation du parc d’hébergement, les difficultés de com- mercialisation aggravées ensuite par le manque de neige, Métabief, struc- turellement affaiblie, passe de la 20 ème à la 60 ème place au classement des sta- tions françaises. Les 50millions d’euros investis depuis 30 ans n’auront permis que d’entretenir une activité neige pour une population de proximité. Dans ces circonstances, impossible d’appli- quer la règle des retombées six fois supérieures aux investissements. Les 2 000 logements de Métabief loués à 50 % dans les années quatre-vingt sont tombés à 5 %. Soit des millions d’euros de recettes en moins que des

Métabief a connu une période faste et rentable de 1965 à 1984 (photo archive C. Girard).

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