La Presse Pontissalienne 250 - Octobre 2020

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n°250 - Octobre 2020

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INDUSTRIE

Le président de l’U.I.M.M. du Doubs

“L’apprentissage, je n’y vois que des avantages” Président de l’U.I.M.M. du Doubs depuis novembre

dernier, Damien Tournier le directeur de Schrader Pacific à Pontarlier est un fervent défenseur des formations par alternance dont l’offre couvre aujourd’hui toute la gamme des métiers de l’industrie, du C.A.P. à l’ingénieur. Une voie royale encore trop négligée.

L a Presse Pontissalienne : Que fait l’U.I.M.M. du Doubs ? Damien Tournier : L’Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie est une instance nationale qui comprend 77 organisations régionales ou dépar- tementales. C’est une instance repré- sentative du patronat. On essaie de se fédérer ensemble pour apporter des réponses aux salariés. L’U.I.M.M. de Franche-Comté rassemble 580 entre- prises : 340 ont moins de 50 salariés, 160 entre 50 et 250 et on dénombre 80 entreprises de taille intermédiaire avec plus de 250 salariés et un chiffre d’af- faires supérieur à 50 millions d’euros. Le Doubs est scindé en deux : l’U.I.M.M. de Belfort-Montbéliard et la partie au sud, celle dont je suis président et qui compte 215 entreprises pour 11 000 salariés. Nous sommes tous rattachés à l’U.I.M.M. Bourgogne-Franche-Comté. Cette structuration permet de rester assez proche des réalités de chaque territoire. L.P.P. : À chaque étage ses missions ? D.T. : Les accords de branche sont traités à l’échelle nationale. On travaille actuel- lement sur une nouvelle convention collective qui se substituera aux 77 en vigueur actuellement dans la métal- lurgie. Ce chantier est engagé depuis deux ans. Il reprend tous les aspects de la vie de l’entreprise : protection sociale, retraite, conditions de travail. Cette nouvelle convention ouvre bien entendu la porte au dialogue social dans les entreprises pour donner les bonnes réponses au bon moment. L.P.P. : L’union fait la force ! D.T. : Oui. Cela permet par exemple

pagne de promotion “La fabrique de l’avenir” avec laquelle on commence à communiquer. Avec ces spots diffusés sur des chaînes télé, on gagne en visi- bilité. La nouvelle convention s’inscrit aussi dans cette recherche d’attractivité tout en sachant que rien est facile. Quand on parle de suivre l’évolution des métiers, cela ne s’applique pas seu- lement à la robotisation, à l’automa- tisation. Les métiers traditionnels comme l’usinage, la chaudronnerie, le soudage sont toujours bien présents dans l’outil de production. L.P.P. : Pourquoi choisir de travailler dans l’in- dustrie ? D.T. : À la différence d’autres branches, l’industrie qui représente de gros inves- tissements, s’inscrit dans le temps et a besoin de stabilité en termes de pers- pective. Cette démarche permet de pro- poser une meilleure rémunération aux salariés de l’industrie qui gagnent 10 % à 15 % de plus, à compétences égales qu’ailleurs. L.P.P. : La visibilité rime aussi avec ouverture ? D.T. : Tout à fait.Améliorer l’attractivité de l’entreprise implique de s’ouvrir davantage vis-à-vis des écoles, des col- lèges, des lycées. Il faut casser les cli- chés, établir un vrai dialogue avec les enseignants qui méconnaissent souvent nos métiers. Assez paradoxalement, les industriels sont compétents en pro- duction et commercialisation mais ils ne savent pas vendre leurs métiers. Le déficit d’image est latent. On le constate. Cela va prendre du temps d’inviter à venir voir ce que l’on fait dans nos usines. On propose aussi de l’accompagnement au recrutement à Pôle Emploi qui peut accéder à nos ins- tallations pour faire découvrir les métiers de la métallurgie. L.P.P. : Quel intérêt de s’engager sur la voie de l’apprentissage ? D.T. : Je n’y vois que des avantages pour l’apprenti comme pour l’entreprise. Cela reste un vrai exercice d’échange entre le jeune, lemaître d’apprentissage et le centre de formation. L’apprentis- sage offre une formidable proximité avec l’entreprise. Cela crée du lien, cela permet d’enrichir le vivier. Rappelons qu’un apprenti est rémunéré, ce qui permet aussi de soulager le budget “études” des familles. L’apprentissage est source de flexibilité. Depuis deux ans, c’est plus facile de créer des modules de formation adaptés aux conditions locales. Les procédures de validation sont beaucoup plus rapides qu’avant. L.P.P. : L’apprentissage n’est plus considéré comme une voie de garage ? D.T. : Cette image s’efface peu à peu. Les crises nous ont aidés, comme on a pu le constater en 2008. Le fait d’ouvrir

“L’outil de formation doit rester actif”, estime Damien Tournier, le président de l’U.I.M.M. du Doubs.

et l’enseignement.

surent et permettent surtout de main- tenir l’outil de formation. Il faut toujours garder à l’esprit que le point de déclen- chement reste et restera le travail. L.P.P. : Le plan de relance prévoit aussi un assouplissement d’accès à l’apprentissage. De quoi s’agit-il ? D.T. : Au lieu de trois mois, les apprentis ont maintenant 6 mois après le début de leur formation pour signer un contrat d’apprentissage avec une entreprise. À la rentrée 2019, on comptait 1 000 apprentis dans les centres de formation, soit une hausse de 15 %. Cette rentrée avec le contexte économique, 20 % des candidats à l’apprentissage non pas encore signé de contrats. Cela repré- sente une centaine de jeunes qui vont démarrer en cours théoriques. Ils auront jusqu’au 28 février pour trouver une entreprise. L.P.P. : Et s’ils ne trouvent rien ? D.T. : Ils auront alors la possibilité de rejoindre un cycle de formation clas- sique en établissement. L.P.P. : Crise ou pas, il faut continuer à former des apprentis ? D.T. : Oui.N’oublions pas que l’an dernier on courait après lamain-d’œuvre. L’outil de formation doit rester actif. Les entre- preneurs doivent prendre conscience de l’intérêt de former des jeunes pour répondre aux besoins de demain. C’est vrai qu’aujourd’hui, on est un peu à la traîne, en proie au doute, mais il faut garder espoir. n

l’apprentissage aux formations à Bac + 3, Bac + 5 valorise aussi l’alternance. Quand onmonte à ce niveau, pas besoin alors d’attendre cinq ans avant de don- ner du sens à ce que j’apprends. L.P.P. : Quel bénéfice pour l’entreprise ? D.T. : Elle y gagne beaucoup par exemple avec cette capacité d’étonnement du jeune qui va forcément nous interpeller un jour ou l’autre. Cela fait bouger les lignes. La prise en charge de l’apprenti se traduit aussi par un bénéfice péda- gogique acquis par ceux qui le forment. L’entreprise, c’est là que se fait l’inno- vation et c’est aux jeunes d’apporter cette vision même si tout n’est pas facile. L.P.P. : Un apprenti trouve-t-il plus facilement un emploi ? D.T. : Sept apprentis viennent d’arriver au bout de leur cursus chez Schrader Pacific. Quatre sont embauchés, un a décidé de poursuivre ses études et deux seront sur le marché de l’emploi. En général, plus de la moitié ont une pro- position d’embauche. L.P.P. : Quelles sont les contraintes pour l’en- treprise ? D.T. : L’employeur a besoin de suivre l’apprenti dans son parcours au centre de formation. Cela crée là aussi un lien avec le métier. On connaît très bien l’apprenti à l’issue de son parcours. En accueillant des apprentis, on multiplie les échanges avec les centres de for- mation : C.F.A., universités. Ce dialogue participe d’une meilleure mise en adé- quation entre les besoins de l’industrie

L.P.P. : Tout est source d’enrichissement ? D.T. : Oui,même s’il y a encore des efforts à faire sur la mixité. En jouant cette carte, on va toujours plus vite, plus haut, plus loin. Il reste encore beaucoup d’a priori sur la féminisation de nos métiers alors qu’il n’y a plus d’obstacle. À mon sens, l’entrepreneur digne de ce nomest d’abord là pour entreprendre et s’assoit sur ces considérations écu- lées. L.P.P. : Combien avez-vous recruté d’apprentis pour la rentrée ? D.T. : Cela représente 20 contrats d’ap- prentissage à tous les postes. À Pon- tarlier, il y a parfois un souci de mobilité sachant que les jeunes doivent se rendre à Besançon pour se rendre dans les pôles de formation. On est les seuls à fabriquer des valves en France. Pour avoir le personnel adéquat, il faudrait recruter enAllemagne et au Japon. Se pose aussi à Pontarlier l’attractivité de la Suisse voisine. Dans ce contexte, on n’a guère d’autre choix que de se tourner vers l’apprentissage. L.P.P. :Le plan de relance de l’économie propose des aides aux entreprises qui prendront des apprentis. C’est une chance ? D.T. : On prend des gens quand on a du travail et non pas car on nous donne des aides, même si dans la période d’in- certitude actuelle, on ne peut pas refu- ser l’aide. Le rôle de formation de l’ap- prenti revient à l’entreprise avec l’objectif de lui proposer un travail à l’issue de son parcours. Les aides ras-

d’avoir un support d’aide juridique avec une équipe dédiée qui nous apporte des éléments de réponse sur l’interprétation de la loi, dans les accords, dans l’écriture des contrats. L.P.P. : Et la formation ? D.T. : C’est un peu le cœur de notre mission. L’U.I.M.M. est associée à des centres de formation, du C.F.A. aux écoles d’in- génieur. On propose aussi de la formation continue à destination des salariés. L’objectif étant toujours d’accompagner l’évolution des métiers en sachant qu’on a des profils très différents dans l’entre- prise. L.P.P. : La métallurgie souffre toujours d’un déficit d’image ? D.T. : C’est certain. L’U.I.M.M. a lancé il y a quelques années la cam-

“Donner du sens à ce que j’apprends.”

Propos recueillis par F.C.

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