La Presse Pontissalienne 235 - Mai 2019

DOSSIER I

La Presse Pontissalienne n°235 - Mai 2019

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“Nous ne rendrons pas un seul euro à l’Union européenne à l’issue du programme” l Interview Patrick Ayache, le M. Europe de la Région

Vice-président de la Région Bourgogne-Franche-Comté, c’est lui qui est en charge de l’action européenne et internationale, et donc des dossiers de financement européen. Depuis 2015, ce sont les Régions qui gèrent les fonds européens.

L a Presse Pontissalienne : Les fonds européens sont-ils bien distribués dans notre région ? Patrick Ayache : De manière générale, je suis satisfait de la manière dont les dossiers ont été gérés. En revanche, ce que je déplore, c’est la grande com- plexité pour la mise en œuvre de ces dossiers de subventions. On subit aujourd’hui des règles qui sont héritées de la mauvaise gestion par certains États-membres lors de la précédente programmation, si bien que les règles sont devenues beaucoup plus lourdes, compliquées, voire déconcertantes. Le travail à fournir pour obtenir une aide financière de l’Europe est désormais colossal. Le niveau de lourdeur et de complexité est peut-être dix fois plus important que pour obtenir une sub- vention en France de la part d’une col- lectivité territoriale. Les aides euro- péennes, ce n’est même plus une usine à gaz, c’est une usine thermonucléaire ! C’est la raison pour laquelle j’avais il y a 18 mois émis quelques inquiétudes sur la consommation des fonds euro- péens. Mais les choses vont mieux dés- ormais. Je reste optimiste pour la fin de cette programmation 2014-2020. L.P.P. : Où en est la consommation des crédits européens pour notre région à un an et demi de la fin de ce programme 2014-2020 ? P.A. : Le programme F.E.D.E.R.-F.S.E. Franche-Comté Massif du Jura affiche 53,87 % de consommation. Le pro- gramme Interreg franco-suisse quant à lui est à 60,43 %. Concernant les pro- grammes de développement rural F.E.A.D.E.R., nous sommes à 63,88 % pour le territoire de l’ex-Franche- Comté. Si on tient compte des dossiers en cours (et dont l’argent n’est pas encore consommé), nous sommes sur la bonne trajectoire pour tenir notre engagement de ne pas rendre un seul euro à l’Union européenne à l’issue du programme 2014-2020. L.P.P. : En volume d’argent, ça donne quoi ? P.A. : Sur cette même période de pro- grammation 2014-2020, la Région Bourgogne-Franche-Comté a eu à gérer 1,5 milliard d’euros de crédits euro- péens et nous en sommes à 910millions d’euros programmés. Ces sommes sont gigantesques. Il faut se dire qu’avec 1,5 milliard d’euros, l’Europe nous donne l’équivalent d’une année de notre budget régional. L.P.P. : Pourquoi les porteurs de projet ont l’im- pression que ça ne marche pas ? P.A. : Du fait de cette lourdeur admi- nistrative que je déplore et sans doute aussi parce que la subvention euro- péenne est celle qui est payée en der- nier, après que toutes les autres aides publiques ont été versées. L’Union européenne a l’obligation d’être le der- nier payeur dans un dossier. Mais il est clair que, même pour les projets

surveillance des frontières, l’Europe aura moins d’argent pour le F.E.D.E.R. et la P.A.C. notamment. Et ce sont des baisses significatives de l’ordre de 10 % pour le F.E.D.E.R. et 5 % pour la P.A.C. qui sont annoncées. Le Conseil euro- péen, c’est-à-dire les États-membres, tranchera fin 2019-début 2020. Il est évident que nous, les Régions, nous allons nous opposer à ces propositions de baisse et défendre nos intérêts auprès de l’État français qui attribuera la répartition entre les Régions. C’est un combat difficile que nous avons commencé à mener et tout va se jouer cette année. Mais il faut bien se dire, à quelques semaines des élections, qu’il n’y aurait plus d’agriculture sans l’Eu- rope, et que pour le développement de nos territoires, l’Europe reste le seul endroit où il y a encore de l’argent. C’est pourquoi je me bats tous les jours pour défendre les intérêts de notre région. n Propos recueillis par J.-F.H.

les plus modestes, les règles d’attri- bution restent très compliquées. L.P.P. : Une aide européenne pour un porteur de projet, c’est donc un peu la cerise sur le gâteau ! P.A. : Non, c’est plus que ça, car les taux de financement par l’Europe peuvent atteindre des niveaux très élevés, et parfois couvrir plus de 60 % du coût global. Il y a eu plusieurs projets exem- plaires comme ça dans notre région récemment. Le projet Silmach à Besan- çon a par exemple reçu plus de 5 mil- lions d’euros de l’Europe. Pour les por- teurs de projet, les fonds européens sont bien souvent le levier indispen- sable. L.P.P. : Il y a quand même un gros point noir, ce sont les programmes baptisés Leader qui concernent les tout petits projets en milieu rural. Plus de 1 000 dossiers seraient en attente…Qu’est-ce qui explique ces retards ? P.A. : C’est en effet un caillou dans la chaussure. L’enveloppe Leader n’est pas la principale puisqu’elle représente 53 millions d’euros au total. Mais comme les autres fonds, Leader était géré jusqu’en 2014 par l’État et son agence de paiement n’avait pas anticipé le passage de l’État aux Régions, avec un logiciel baptisé Osiris qui amultiplié les problèmes. De notre côté, on avait probablement sous-estimé les effectifs pour gérer ces dossiers Leader. C’est la raison pour laquelle on va passer de six à douze agents prochainement, dédiés à ces dossiers. Les retards se sont accumulés et par conséquent, on a obtenu de pouvoir prolonger de deux

Le Bisontin Patrick Ayache est l’élu chargé des fonds européens à la Région Bourgogne-Franche-Comté.

ans la période de pro- grammation qui s’éta- lera donc jusqu’en 2022. On va donc faire notre maximumpour tout pro- grammer. L.P.P. : Quels conseils donne- riez-vous à un porteur de pro- jet sans services techniques pour déposer un dossier d’aide européenne ? P.A. : Soit il se débrouille seul et là, il risque fort de passer à côté. Soit il fait appel à la “fabrique à projets” que nous avons créée il y a dix-huit mois au sein du Conseil régio- nal Bourgogne-Franche- Comté. C’est un service dédié aux petits porteurs de projets et qui prouve toute son utilité. L.P.P. : Que sait-on de la pro- chaine programmation des fonds européens 2021-2027 ? P.A. : On sait déjà que du fait des efforts consentis sur certains dossiers comme la sécurité ou la

“Ce n’est plus une usine à gaz, c’est une usine thermo- nucléaire !”

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