La Presse Pontissalienne 233 - Mars 2019

DOSSIER I

La Presse Pontissalienne n°233 - Mars 2019

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Tout va bien pour le lynx l Félin 100 à 150 individus dans le massif du Jura Lentement mais sûrement le lynx boréal conforte sa présence dans le massif jurassien même si la partie n’est jamais gagnée. Une colonisation naturelle qui tend à s’étendre en direction des Vosges et vers les Alpes du nord. état des lieux.

Avec le hevreuil,

le chamois représente l’une de proies principales du lynx. (photo A. Guerin).

A rrivé de Suisse dans les années 80, le lynx est désormais présent dans une bonne partie des massifs forestiers jurassiens.

français. À l’échelle franco-suisse, cela représenterait aussi une population de 100 à 150 indivi- dus”, explique Delphine Che- nesseau, ingénieur à l’Office National de la Chasse et de la

“Rappelons qu’il s’agit d’une espèce qui vit exclusivement en milieu forestier. Au niveau des effectifs, on estime qu’il y a entre 100 et 150 lynx en France dont 80 % dans le massif jurassien

Évolution des superficies de présence régulière du lynx dans les différents massifs français (source O.N.C.F.S., réseau loup-lynx)

Après capture, les chevreuils sont équipés d’émetteurs ou de G.P.S. puis relâ- chés dans la nature (photo F.D.C. 39). On dénombre entre 100 et 150 lynx sur le massif du Jura français. (photo M. Maril- lier F.D.C. 39).

des bénévoles naturalistes. Fort de 350 correspondants, ce réseau se charge de collecter tous les indices : témoignages humains, photos, empreintes, cadavres de proies.Tout est consigné sur des fiches traitées ensuite au niveau national. “Pour le lynx, la resti- tution, c’est une cartographie basée sur des mailles de 100 km 2 de présence régulière ou occa- sionnelle.” L’aire de présence détectée du lynx en France s’étend en 2017 sur une 8 700 km 2 , soit la superficie maximale enregistrée depuis le début du suivi de l’espèce en France initié en 1982. n teur doit récupérer au mini- mum trois indices : crotte, urine et sang pour procéder à une identification génétique. “Quand on arrive à avoir des indices de présence de l’espèce deux hivers consécutifs avec de la génétique, on peut alors définir une Zone de Présence Permanente.” Une Z.P.P. existe dans le massif du Jura, celle dite du Marchairuz. Elle s’étend sur le Mont Tendre, la vallée de Joux, en débordant sur la frontière française. Riche en chevreuils, chamois, cerfs, cette Z.P.P. pourrait largement accueillir une meute. On compte actuellement 430 loups en France et toute la repro- duction reste localisée sur l’arc alpin. n

vers Gérardmer. À la différence du loup, le lynx étend son terri- toire lentement, de proche en proche toujours en restant inféodé aumilieu forestier. “Dans le Jura, la population se porte bien même si l’espèce reste sen- sible comme en témoigne lamor- talité sur les routes. Contraire- ment au loup, le nombre de petits lynx par portée se limite souvent à un ou deux individus avec un taux de mortalité de 50 % la pre- mière année.” Responsable natio- nal de la photo-identification du lynx, Delphine Chenesseau anime aussi le réseau loup - lynx qui fédère des professionnels et

Faune Sauvage et animatrice du réseau loup - lynx. En France, il existe un autre noyau de popu- lation dans le massif vosgien qui peine à se développer. On trouve aussi des lynx dans les Alpes duNord, une nouvelle aire de présence issue de l’extension de la population jurassienne. Le noyau vosgien provient d’intro- ductions effectuées dans les années 90. Il y a très peu d’échanges avec le Jura. Une opération est en cours en Alle- magne dans la forêt du Palatinat où il est prévu de relâcher une vingtaine d’individus en cinq ans. L’un d’eux a déjà été repéré

Les interactions lynx-proies-chasseurs

l Repère

C e sujet fait l’objet d’un programme d’étude porté par les fédérations de chasse de l’Ain, du Jura et de Haute-Savoie avec l’O.N.C.F.S., le C.N.R.S. et le Kora qui regroupe plusieurs projets de recherches pour la conservation et la gestion des carnivores en Suisse. “On est avant tout dans une démarche scientifique” , insiste Jean-Baptiste Fanjul animateur du programme. Espèces soumises à des plans de chasse, le chevreuil et le chamois représentent aussi 70 % à 80 % des proies du lynx. D’où l’idée d’améliorer les connaissances sur ces relations proies/prédateurs. Le programme lancé en 2017 s’articule en cinq axes de recherche : dynamiques sociales, la pression de prédation et de chasse, démographie des populations de che- vreuils et de chamois, impact de la prédation et de la chasse sur l’utilisation de l’habitat et sur le système ongulés/environnement. Le programme s’appuie sur trois sites d’étude dans le Jura, l’Ain et la Haute-Savoie. “Le site jurassien s’inscrit dans

Loup y es-tu ?

le triangle Foncine-le-Bas-Syam et Entre-deux- Monts, soit un territoire de 250 km 2 .” La capture des ongulés est une action clé du pro- gramme. L’objectif étant de suivre de façon constante, et sur le long terme, 30 chevreuils et autant de chamois. Les animaux capturés sont équipés d’émetteurs ou de colliers G.P.S. quand les conditions d’âge et de poids sont réunies. Les proies sont suivies trois fois par semaine pour vérifier leurs localisations et identifier au besoin les causes de mortalité. Des relevés de végétation sont aussi effectués régulièrement. Tous les outils de contrôle sont utilisés notamment les pièges photographiques sachant que le motif du pelage d’un lynx est spécifique à chaque individu. L’impact de la chasse est analysé à partir des carnets où les chasseurs consignent un ensemble de données. “Il est prévu de poser des colliers G.P.S. sur le lynx. On attend l’autorisation de l’État pour capturer un animal” , poursuit l’animateur du programme. n

A ussi attendu par les naturalistes que redouté par certains éleveurs, le loup a déjà été signalé plusieurs fois dans le Jura. “Il s’agit pour l’instant de jeunes subadultes contraints de quitter les meutes. Ils partent au printemps, à l’époque de la reproduction, ou à l’automne pour laisser la place aux lou- veteaux qui intègrent la meute. Ces jeunes loups qui ont une grande plasticité au niveau de l’habitat peuvent parcourir entre 30 et 40 km par jour” , rappelle Delphine Chenesseau

animatrice du réseau Loup - Lynx. Ces loups de passage font parfois parler d’eux comme celui de Chapelle- d’Huin, croqueur de moutons

en 2011, ou cet autre individu percuté par une voiture vers Chaffois en mars 2018. L’animal fait l’objet d’un suivi intensif par le réseau Loup - Lynx. Chaque collec-

Z.P.P. du Marchairuz

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