La Presse Pontissalienne 233 - Mars 2019

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n°233 - Mars 2019

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Le Haut-Doubs n’a plus la main verte l Flore Des espèces en danger critique 41 espèces de plantes sont menacées d’extinction en Franche-Comté. Un plan de sauvegarde de la saxifrage œil-de-bouc est mené à Bannans, Malpas, aux Pontets. Suffira-t-il ?

Production des plants de saxifrage par Cédric Bouvier du Jardin botanique de l’Université de Franche-Comté et de la Ville de Besançon. (photo : Julien Guyonneau - C.B.N.F.C.- O.R.I.).

P our la première fois, le risque de disparition de l’ensemble de la flore vasculaire en France (métropolitaine) a été évalué grâce à une collaboration asso- ciant le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature

(U.I.C.N.) la Fédération et le réseau des Conservatoires bota- niques nationaux (C.B.N.), l’Agence française pour la bio- diversité (A.F.B.). Une quaran- taine de botanistes experts, dont une dizaine du C.B.N. de Franche-Comté à Besançon, ont été mobilisés. Ils ont synthétisé

près de 30 millions de données floristiques et édité une base scientifique inédite que constitue cette liste rouge. Cette dernière “doit aider à réorienter les stra- tégies de préservation de la bio- diversité à l’échelle nationale et locale.” Cette évaluation inédite est sans appel : 742 plantes sont menacées sur 4 982 en France. “Cette particularité confère à la France une responsabilité sup- plémentaire dans la lutte contre l’effondrement de la biodiversité” dit l’étude. Les principales menaces : “la surfertilisation des sols, les herbicides, le labour profond, l’urbanisation, le drai- nage des marais et des tour- bières. 18 % des plantes humides sont menacées ou quasi mena- cées” explique Justine Amiotte- Suchet pour le conservatoire botanique de Franche-Comté. Et d’ajouter : “il faut une prise de conscience collective.” Le C.B.N. veut informer et donner des pistes comme se renseigner sur la provenance des plantes dans les produits pharmaceu- tiques, se renseigner sur le caractère envahissant des plantes exotiques que l’on peut installer dans son jardin, favo- riser la biodiversité avec, par exemple, un mur en pierre. La Franche-Comté, et le Haut- Doubs en particulier, sont tou- chés par ces disparitions de plantes (lire par ailleurs). Un plan de réintroduction de la saxifrage œil-de-bouc, plante

qui n’existe en France que dans le massif jurassien, est mené. On connaissait au début du siè-

était d’environ 1 000 individus avant le lancement du projet. Lancé en 2017, le grand projet de réintroduction de l’espèce en milieu naturel a été très positif. De nouveaux sites ont été asso- ciés : Malpas, Les Pontets et un autre site aux Rousses. Un suivi est mené sur ces sites. En 2023 : 5 nouveaux sites seront ajoutés au projet pour un chiffre total de 10 000 saxifrages replan- tées. n E.Ch.

Bannans et une aux Amburnex (côté Suisse du massif). La régression de cette plante est principalement due au drai- nage des tourbières, à la modi- fication du niveau des lacs, au captage d’eau potable, à la pol- lution…Un plan national d’ac- tion pour préserver la saxifrage œil-de-bouc est lancé. Objectif : réintroduire 10 000 individus d’ici à 2027. Pour avoir un ordre de grandeur, la population de saxifrage œil-de-bouc à Bannans

cle dernier près de 20 stations dans le massif jurassien, et les populations n’ont cessé de régres- ser, jusqu’en 2007, où il n’exis- tait alors plus que deux stations connues : une à

À Bannans il y a encore quelques saxifrages.

Repères L’heure du bilan Les espèces menacées près de chez nous

l La minuartie dressée Degré de vulnérabilité défini par la liste rouge : disparu (R.E.). Ne cherchez pas cette petite plante aux abords des tourbières franc-comtoises, vous ne la trouverez plus. La minuartie dressée fait partie de ces espèces considérées aujourd’hui comme “disparues” de France. Si la destruction de son habitat naturel (les tourbières) est bien sûr la conséquence principale de sa disparition, la minuartie dressée a probablement été la victime malheureuse d’une autre menace : les collection- neurs qui l’ont cueillie pour enrichir leurs herbiers. l Gesse de Bauhin Elle est en danger. On la retrouve sur le plateau de Frasne, de Chapelle d’Huin, Sombacour au nord, à Boujailles/Courvières/Cuvier au sud. Elle n’existe quasiment plus que dans des milieux relictuels (talus, bord de route, bord de parcelle, espaces agricoles et forestiers non intensifiés… ). Il s’agit d’un symbole de la biodiversité “ordi- naire”. l Le nénuphar nain Degré de vulnérabilité défini par la liste rouge : vulnérable (V.U.). Le nénuphar nain présente un aspect similaire à celui du nénuphar jaune, en modèle réduit. Il est en voie de disparition dans le Jura, où il ne se maintient plus que dans quelques lacs, comme ceux de l’Abbaye (Jura) et de Malpas (Doubs). Sa préservation passe donc avant tout par le contrôle de la qualité de l’eau à l’échelle des bassins versants, une tâche qui semble encore aujourd’hui complexe à mettre en œuvre.

l La saxifrage de Gizia Degré de vulnérabilité défini par la liste rouge : en danger critique d’extinction (C.R.). Le village de Gizia dans le Jura est le seul à accueillir cette plante aux fleurs blanc-jaunâtre et à l’odeur mus- quée, endémique des corniches qui surplombent ce village. Pour la préserver, elle bénéficie d’un plan de conservation régional essentiellement basé, à l’heure actuelle, sur la conservation de ses graines à long terme. l L’étoile des marais Degré de vulnérabilité défini par la liste rouge : en danger (E.N.). Malgré son nom spectaculaire, l’étoile des marais ne brille pas de mille feux. Dans le Doubs, elle pousse dans les fameux marais du bassin du Drugeon, entre Frasne et Houtaud, et ceux du Pays Horloger, autour du Bélieu. Les travaux de restauration hydrauliques réalisés par les gestionnaires de tourbières ces dernières années, notamment dans le cadre du programme Life “Tourbières du Jura”, devraient lui être bénéfiques. l La spiranthe d’été Degré de vulnérabilité défini par la liste rouge : vulnérable (V.U.). Cette orchidée des prairies humides plus ou moins tourbeuses a connu une très forte régression au cours des cinquantes der- nières années, notamment dans la partie nord de son aire de répartition. On ne la retrouve aujourd’hui plus que dans quatre stations dans le Doubs (à Bremondans, Chevigney-lès-Vercel, Épenouse et Hautepierre-le-Châtelet)

La gesse de Bauhin.

La situation en Franche-Comté 41 espèces menacées d’extinction 6 en “danger critique” 10 en danger l 25 en situation vulnérable Les chiffres en France l 6 070 espèces de plantes vasculaires recensées l 421 plantes menacées d’extinction (9 %) l 321 plantes quasiment menacées (12 %) l 63 plantes endémiques menacées d’extinction l 22 plantes disparues de France dont deux qui n’ont jamais été revues ailleurs dans le monde l l l 2 ont disparu l

La saxifrage œil-de-bouc.

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