La Presse Pontissalienne 233 - Mars 2019

LE DOSSIER

La Presse Pontissalienne n°233 - Mars 2019

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LA LISTE ROUGE DES ESPÈCES EN DANGER

La haute chaîne du Jura, dernier refuge du Grand Tétras l Oiseaux 280 à 300 individus sur le massif La situation du coq de bruyère dans le Doubs, comme à l’échelle du massif du Jura, continue de se dégrader avec un effet de repli sur les zones les plus élevées. Explications. long terme. Urbanisation, pratiques agricoles, pollution de toutes sortes, réchauffement climatique, les causes du désastre sont multiples et les solutions pour inverser la tendance sont bien compliquées à mettre en place. À l’heure où l’on s’alarme du sort du grand panda ou de l’ours blanc, la montagne du Jura subit elle aussi une régression significative, sans doute unique dans son ampleur, dans sa diversité animale et végétale. Rares sont les espèces de fleurs, d’insectes, d’oiseaux, de mammifères qui ne soient pas menacées à plus ou moins

Particulièrement bien adapté aux grands froids, le Grand Tétras subit désormais le contrecoup du réchauffement climatique.

des services de l’État, l’espèce bénéficiant de différentes pro- tections dont un arrêté minis- tériel de 2009 interdisant tout dérangement intentionnel. L’an dernier, 21 coqs chanteurs ont été identifiés sur les zones de chant des massifs Mont d’or - Risol. Il faut multiplier par 2 ou 3 pour avoir l’effectif global, soit une population qui varie entre 50 et 60 individus dans le Doubs. “En 2013, année record, on avait compté 31 coqs chanteurs. Ce qui signifie que l’on a perdu un tiers de l’effectif en cinq ans. Ces pertes sont seulement le fait des massifs périphériques. On le regrette profondément car cela permettait des échanges entre sites.” Comment expliquer ce déclin qui semble inéluctable même si le sursaut démogra- phique de la population duMont d’or donne de l’espoir. “C’est une question multifactorielle” , sou- ligne Anaïs Mottet. L’habitat propice au Grand Tétras avec des clairières en

du Jura, 79 coqs chanteurs ont été dénombrés en 2018, soit un effectif global qui varie entre 280 et 300 individus. Les solu- tions pour conforter la présence du Grand Tétras dans le Jura passent par des actions concer- tées allant dans le sens de la conservation de l’espèce en pré- servant l’habitat, en limitant le dérangement. Comme ce fut le cas en 2012 avec le travail mené dans le cadre du parcours de la Transju’ écartée des zones sen- sibles. Devra-t-on un jour ima- giner des réintroductions ? “Pour l’instant, on n’est pas du tout engagé dans cette optique. Cela sous-entendrait une autre approche.On réalise que la popu- lation baisse et qu’il faut aborder le sujet. Il y aura toujours des Grands Tétras dans 20 ou 30 ans. Si les actions menées pour sa protection s’avèrent inefficaces, je ne suis pas sûr de tenir lemême langage dans 50 ans. Chacun doit tenir son rôle.” n F.C.

forêt tend à se réduire. L’oiseau est aussi très sensible au déran- gement et le slogan touristique de faire du Jura un terrain d’ex- ploration en toute liberté n’est pas toujours à son avantage. Ce gros coq est aussi une proie pour quelques prédateurs comme la martre voire le lynx. Le réchauf- fement climatique joue-t-il en défaveur de cet oiseau particu- lièrement adapté au grand froid ? Le réchauffement accélère l’expansion du hêtre qui bloque les déplacements duTétras. “Le pic d’éclosion des nichées se pro- duit maintenant avec deux semaines d’avance et ne coïncide plus avec celui des insectes. La redondance des printemps plus humides qu’avant pénalise les poules qui s’alimentent moins bien.” La chargée de mission estime que la gélinotte des bois se porte un peu mieux que le GrandTétras. Les deux espèces constituent des bio-indicateurs d’une forêt riche en termes de biodiversité. À l’échelle dumassif

L a survie de cette espèce emblématique du mas- sif du Jura est un sujet de préoccupation per- manent depuis des décennies. Ce qui a justifié en 1991 la créa- tion d’une entité spécifique à

savoir le Groupe Tétras Jura. Basée aux Bouchoux dans le Haut-Jura, cette association emploie trois salariés et s’occupe donc du Grand Tétras et de la Gélinotte des bois. “Dans le département du Doubs, on

constate que la population de Grand Tétras diminue. 90 % de la population se concentre dans les massifs du Risol et du Mont d’or. Assez paradoxalement, on note même un petit emballement démographique sur ce foyer, contrairement à ce qui se passe sur les massifs périphériques du Laveron, du Larmont où la situa- tion se dégrade” , expliqueAnaïs Mottet chargée de mission au Groupe Tétras Jura. Le suivi des populations de coqs et de gélinottes relève d’un travail partenarial avec l’O.N.F. et l’O.N.C.F.S. Des bénévoles passionnés d’or- nithologie apportent aussi leur concours. Le comptage des Grands Tétras s’effectue lors de la période de reproduction, au printemps, sur les places de chant où tous les coqs se retrou- vent à la parade. Ce spectacle implique d’avoir l’autorisation

Entre 20 et 30 coqs chanteurs identifiés dans le Doubs où l’espèce n’est plus présente que dans deux massifs.

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