La Presse Pontissalienne 231 - Janvier 2019

DOSSIER I

La Presse Pontissalienne n°231 - Janvier 2019

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l Lycée Toussaint-Louverture Tournage “Non au harcèlement !”

A ssise à son bureau, Émilie écrit une lettre dans laquel- le elle raconte son histoire, celle d’une collégienne vic- time depuis des mois de cyber-harcèlement. L’auteur de ses tourments n’est autre que son ex-petit copain qui “balance” des images d’el- le sur les réseaux sociaux. Puis Émi- lie se lève, prépare ses affaires pour se rendre à l’école. En chemin, elle bifurque tout d’un coup en courant à perdre haleine sur la voie ferrée. Fin du clip. Ici, les acteurs et techniciens sont des élèves de l’établissement. Ils agissent sur les conseils d’Emmanuel Chagrot et Romain Daddi, les deux animateurs du ciné-club Jacques-Becker. “Ce pro- jet concerne les délégués de classe en première année C.A.P. et Bac Pro et deux élèves en terminale qui travaillent sur le thème de l’éducation à la santé” , explique Fatima Lamkaddam, C.P.E. du ciné-club Jacques- Becker s’inscrit dans le cadre d’un concours national. Des élèves participent à la réalisation d’un film de 2 minutes de sensibilisation au harcèlement. Cette action menée avec l’aide

“C’est une préoccupation de tous les instants” l Trois questions à… Daniel Vandenhende, proviseur de Toussaint-Louverture, explique comment le harcèlement est géré au sein de son établissement.

L a Presse Pontissalienne : Êtes-vous souvent confronté à des problèmes de harcèlement ? Daniel Vandenhende : Je pense qu’on est plutôt au stade embryonnaire du phé- nomène et que ces situations sont trai- tées immédiatement avec toute l’équi- pe de vie scolaire : assistante sociale, C.P.E., référent des forces de l’ordre… L.P.P. : Serait-il pertinent d’interdire les por- tables comme cela se fait dans les collèges ? D.V. : Non, cela n’empêcherait pas de prolonger les situations de harcèle- ment sur les réseaux sociaux. Je rap- pelle qu’on n’a pas le droit d’utiliser les portables dans les lieux pédago- giques comme les salles de classe et les ateliers. En l’interdisant, on per- dait aussi une part d’auto-formation. L.P.P. : Comment traitez-vous les situations sensibles ? D.V. : Il faut se méfier des effets per- vers de la surmédiatisation où tout devient harcèlement aux yeux des parents. Beaucoup de situations ne correspondent pas à la définition du harcèlement. Quand on a un cas sen-

Les élèves ont participé à la réalisation de ce clip de 2 minutes sur le harcèlement scolaire.

qui fait partie de l’équipe d’encadre- ment. Aumême titre que Marion Egon- neau, assistante d’éducation et Valé- rie Ligier, professeur-documentaliste et coordinatrice de cette action pré- ventive. Le groupe a travaillé sur le projet pen- dant six semaines du 19 novembre au

de plusieurs partenaires financiers : le rectorat, la Région Bourgogne-Franche- Comté et l’État.” En 2017, une enquête a été effectuée de façon anonyme auprès des élèves qui revendiquaient une amélioration du climat scolaire. “Cette attente est devenue un des axes du projet d’éta- blissement 2017. Sans parler de vio- lence, l’enquête signalait surtout des actes d’incivilité. À partir de là, on a réfléchi à différentes actions comme de proposer aux délégués de classe d’être des ambassadeurs et de participer ensui- te à la création de ce clip.” Tous les participants ont été sensibi- lisés à la thématique du harcèlement scolaire avant de s’initier aux secrets de l’écriture et de la réalisation ciné- matographique. n F.C.

“À chaque signalement, on intervient le plus vite

21 décembre, soit six séances de trois heures avec l’équipe éducative et le ciné-club. Le film sera présenté à un jury académique qui le sélec- tionnera ou pas pour la finale nationale où le meilleur projet se verra décerner le prix du concours “Non au harcè- lement”. “On a le soutien

Surtout des actes d’incivilité.

possible”, annonce le proviseur Daniel Vandenhende.

sible, on met tout en œuvre pour libé- rer la parole des victimes, des témoins. D’une façon plus globale et quoti- dienne, on baigne dans la préven- tion. n Recueilli par F.C.

l Mouthe

Climat scolaire

Bien dans son collège, bien dans sa peau Le collège de Mouthe gère une dizaine de cas de harcèlement par an sur un effectif de 430 élèves. Un taux relativement faible qui s’explique sans doute par l’attention portée à l’amélioration du climat scolaire.

“Quand il y a besoin d’une aide psychologique, on oriente alors l’élève concerné vers le disposi- tif Rés’ado à Pontarlier ou vers la psychologue installée à Mouthe. D’autre part, le harce- leur se voit notifier une sanc- tion qui prend généralement la forme d’une exclusion tempo- raire sans aller jusqu’au conseil de discipline.” Les élèves de 6 ème sont sensi- bilisés très vite au harcèlement. À partir de novembre, ils ren- contrent par demi-classe un groupe comprenant l’infirmiè- re, la psychologue, un ensei- gnant et le C.P.E. “Une des pre- mières choses qu’on leur apprend, c’est d’avoir le réflexe de contacter les adultes. L’échan- ge s’articule en deux séances d’une heure.” À la fin, chacun fait un petit compte rendu en utilisant des mots-clefs et des dessins pour matérialiser le harcèlement. Ils reviennent aus- si sur ce thème pendant l’heu- re de vie scolaire animée chaque semaine par leur professeur principal en présence ou pas du C.P.E. ou de l’infirmière. Le col- lège de Mouthe adhère au pro- jet académique axé sur l’amé- lioration du climat scolaire. “Avec ce dispositif, on nous met à disposition une personne qui nous accompagne. À nous de

M ême si, écono- mie frontalière oblige, le collè- ge de Mouthe a vu son effectif s’envoler ces dernières années, il reste néanmoins un établis- sement à taille humaine. “Cet- te proximité est sans doute un atout par rapport au harcèle- ment” , estime le principal Pas- cal Morel sans chercher à occul- ter le phénomène. Le périmètre de rattachement du collège de Mouthe s’étend sur toute la ban- de frontalière : de la Ferrière- sous-Jougne à Chapelle-des- Bois avec un petit crochet autour du lac de Remoray. Un terri- toire comme partout irrigué par les réseaux sociaux donc poten- tiellement ouvert au cyber-har- cèlement. “On sait très bien que les élèves communiquent entre eux sur Facebook, Instagram, Snapchat… Chaque année, il y a une vingtaine de situations sensibles où l’on doit intervenir auprès des parents. Il s’agit sou-

vent de moqueries, de tensions entre les élèves. Une dizaine de cas de harcèlement est identi- fiée. Plus de 50 % nous sont signalés par les témoins, 30 % sont repérés par les adultes et le reste est le fait des victimes qui viennent d’elles-mêmes.” À son échelle, le principal consta- te que les garçons sont plus ver-

Après deux séances de prévention sur le harcèlement, chaque élève restitue sa vision de la thématique en l’exprimant sous forme de mots- clefs, dessins ou moyens de lutte.

mener des actions pour amé- liorer les relations, l’ambiance. Cette année, les élèves et les ensei- gnants ont participé à la concep- tion de la carte de vœux du col- lège avec un logo portant les valeurs qu’on devrait retrouver au collège. Tout le monde a vali- dé la devise : Bien-être, respect, persévérance et entraide.” Pour l’anecdote, les profs ont mis la priorité sur la persévé- rance et les élèves sur le bien- être. Pascal Morel attache beau- coup d’importance à ce projet global qui permet, selon lui, d’obtenir de bonnes relations entre toutes les personnes adultes et mineurs évoluant au sein du collège. n

sés dans le har- cèlement direct alors que les filles agiraient plutôt sur les réseaux. Simple observation. Chaque situa- tion de harcè- lement au col- lège de la Source à Mouthe donne lieu à des entre- tiens séparés avec les familles de la victime et de l’auteur.

Avoir le réflexe

de contacter les adultes.

F.C.

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