La Presse Pontissalienne 228 - Octobre 2018

La Presse Pontissalienne n° 228 - Octobre 2018

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l Réaction Le président des maires ruraux “Un maire sur deux pourrait ne pas se représenter” Président des maires ruraux du Doubs depuis 18 ans, Daniel Cassard n’a jamais vu une telle ambiance chez ses collègues maires dépités par les dernières lois qui les étouffent.

L a Presse Pontissalienne : Vous avez assisté au dernier congrès natio- nal des maires ruraux qui se tenait le 22 septembre dans les Hautes- Alpes. Quelle était l’ambiance ? Daniel Cassard : Notre président natio- nal et les élus présents ont bien fait comprendre que la coupe était plei- ne et qu’ils en ont marre de se faire “emmerder”. Voilà quatre ans qu’on n’a pas arrêté de nous empiler des lois les unes sur les autres, notam- ment cette fameuse loi N.O.T.R.E. qui prévoit le transfert aux intercom- munalités de la compétence eau et

assainissement. Avec les baisses de dotations qui sont venues s’ajouter à toutes ces lois, les maires n’en peu- vent plus.Voici 35 ans que je suis mai- re et 18 ans à la tête de l’association des maires ruraux du Doubs, je n’ai jamais vu une ambiance aussi moro- se entre nous. L.P.P. : Mais la baisse des dotations semble enfin stoppée ? D.C. : Les dotations de solidarité rura- le n’ont pas effacé le déficit de dota- tions cumulé sur les trois dernières années. Le problème n’a pas changé.

Pour l’État, un urbain, ça vaut deux ruraux. Quand Besançon touche 128 euros de dotations, Belmont ou une autre commune rurale touche 64 euros. L.P.P. : Quels messages faites-vous passer au plus haut niveau ? D.C. : On a pris une résolution, certes symbolique, de ne pas transmettre les résultats des prochaines élections européennes à la préfecture. Les résul- tats seront juste mis à disposition des préfectures qui pourront en prendre connaissance et les récupérer aux horaires d’ouverture des mairies. Cet- te action a été décidée afin d’inter- peller l’opinion publique. L.P.P. : De nombreux maires ruraux sem- blent donc vouloir jeter l’éponge ? D.C. : Personnellement, j’aurai 76 ans à la fin du mandat, il est normal que j’arrête. Mais bien d’autres élus plus jeunes m’ont dit qu’ils arrêteraient également. J’ai fait un rapide tour de table récemment au bureau de l’as- sociation des maires ruraux du Doubs. Sur 13 maires, seuls 2 m’ont dit qu’ils repartiraient ! D’habitude, on tour- ne à environ 30 % de non-renouvel- lement. Aux prochaines municipales, je pense qu’on va atteindre 50 % et qu’un maire sur deux ne voudra pas se représenter. C’est sans doute le but recherché par nos gouvernants qui veulent faire des intercommunalités et des métropoles toujours plus grandes. n Propos recueillis par J.-F.H. de la politique de ville qu’on adapte à la campagne.” Il cite par exemple la question des rythmes scolaires à l’époque des neuf demi-journées : une aberration. Idem pour la parité dans les conseils : “Pour trouver quatre élues féminines, on a dû en solliciter une quarantaine !” Il n’est pas contre la mutualisation, dans certaines cir- constances. “On travaille sur la construction d’une caserne de pom- piers intercommunale qui sera basée à Labergement. À cause des baisses constantes de la D.G.F., on a décidé de mutualiser le terrain avec neuf com- munes. Résultat : on s’est fait retoquer par l’État. Quand on veut œuvrer ensemble pour une cause utile, on nous bloque. On est en train de démolir le statut de maire. Si c’est la volonté de l’État, qu’on nous le dise !” Autre exemple, en 2017, le transfert de l’instruction des cartes d’identité au niveau des gros bourgs-centres comme Mouthe ou Pontarlier géné- rait pas mal de retard. “Pour faciliter les choses, on avait décidé d’acheter le boîtier, là aussi, on a essuyé un refus. Je pense qu’on va tout droit vers la disparition programmée des mairies et des maires.” n

Michel Seguin, La Planée

Son premier mandat sera-t-il le der- nier ? Pas si sûr. “Je ne suis pas du gen- re à baisser les bras. J’aime toujours autant les gens et j’ai aussi envie d’ac- complir, de terminer des choses pour la commune avant qu’elle soit gérée par des administratifs.” n “On est les mal aimés”

Daniel Cassard, président des maires ruraux du Doubs, ne se

C onnu pour sa franchise, le mai- re de La Planée qui accomplit son premier mandat d’élu est particulièrement remonté contre la volonté des pouvoirs publics de privilégier sans cesse l’échelon inter- communal au détriment de la com- mune. “Transfert de fiscalité, de com- pétences, subventions aux projets, tout est fait pour favoriser le regroupement qui coûte plus cher sans être plus effi- cace. Que va-t-il advenir de nos employés communaux avec les fusions ?” Michel Seguin constate une augmentation régulière de la fiscalité intercommu- nale sans pour autant qu’elle soit com- pensée par une baisse de l’impôt com- munal. “C’est assez logique car les communes sont aussi engagées dans des projets qu’elles doivent financer par elles-mêmes. Au final, les dindons de la farce seront les habitants.” Il s’interroge aussi sur C@p 25, le nou- veau dispositif d’aide mis en place par le Département qui implique aux com- munes de se projeter sur cinq ans. “C’est très compliqué d’avoir autant de visi- bilité.” En s’engageant dans la vie publique en 2014, sa vision de la fonc- tion de maire ne s’inscrivait pas tout à fait dans cette logique. “On sacrifie la proximité. Toutes les nouvelles lois vont dans le sens de l’intercommuna- lité et moi j’en suis malade. On est les

représentera pas non plus aux prochaines élections.

l Témoignages

Deux maires du haut-Doubs

Daniel Pasquier, Labergement-Sainte-Marie “On est en train de démolir le statut de maire”

“C’ était beaucoup plus intéressant en 1995” , se souvient Daniel Pasquier qui avait déjà tenu les commandes de Laber- gement de 1995 à 2008 avant de pas- ser les rênes à Claude Page pour un mandat et de revenir aux affaires en 2014. “Je plains les jeunes élus qui démarrent et ne sont plus épaulés. On avait des services d’État à notre écou- te pour nous conseiller et nous aider alors qu’aujourd’hui on a besoin de prendre des cabinets d’études. Plus cela va de l’avant, plus on nous reti- re des compétences sous prétexte de la mutualisation des moyens.” Il s’éton- ne aussi qu’on n’utilise pas davanta-

victimes de la technocrati- sation en passant notre temps à passer des conven- tions. Quand on agit au niveau communal, les béné- voles s’engagent ce qui n’est plus le cas à l’échelon supé- rieur. Au niveau du conseil, à part les adjoints, cela devient difficile d’impli- quer les conseillers qui ont le sentiment de voter des choses imposées par la com- munauté de communes donc par l’État. On devient un organisme qui valide des décisions externes sans savoir pourquoi.”

ge l’outil informatique pour instrui- re les permis de construire. Une pro- cédure qu’il assimile à une avalanche de paperasserie. “Si les maires sont restreints aux missions de second

“J’en suis malade” dit-il.

œuvre, la fonction va perdre beaucoup d’at- tractivité. Actuelle- ment à la commune on travaille sur l’eau, sur l’agence postale, c’est concret, hyper- intéressant. On s’in- vestit vraiment au ser- vice de nos citoyens. Plus on transfère des compétences, plus on noie le poisson. On fait

“On fait de la politique de ville qu’on adapte à la campagne.”.

Le maire de La Planée estime que les communes ont perdu beaucoup trop de marges de manœuvre.

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