La Presse Pontissalienne 228 - Octobre 2018
SPECIAL HABITAT
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“NOUS SOMMES EN TRAIN DE FAIRE du logement social un business” Présidente de l’ordre des architectes de Bourgogne-Franche-Comté, Véronique Ratel proteste contre la loi Élan qui réduit le rôle des architectes dans la construction de logements sociaux. Une évolution qui peut conduire à déstabiliser le tissu économique local de la construction.
L ’ a Presse Pontissalienne : Les architectes protestent contre la loi Élan qui remet en cau- se leur rôle dans la construc- tion de logements sociaux. Quel est le problème au fond ? Véronique Ratel : Le problème est que cette loi permet aux offices H.L.M. de passer outre la loi M.O.P. (de 1985) qui régit les relations entre le maître d’ouvrage et l’architecte. En résumé, un office H.L.M. qui a un projet de construction de logements peut limi- ter les missions de l’architecte en ne lui confiant par exemple que le dépôt de permis de construire. Cela signi- fie que la maîtrise du chantier que l’ar- chitecte assurait pour contrôler le res- pect du projet et de son bon déroulement est remise en cause. Nous sommes en train de faire du logement social un business. C’est d’autant plus regrettable que le loge- ment était aussi un champ de
L.P.P. : Où en est la mobilisation et espérez-vous un assouplissement de la loi ? V.R. : Un collectif a été créé qui ne réunit pas uniquement des architectes, mais aussi des offices H.L.M., des étudiants en architecture, des P.M.E., la F.F.B. (Fédération Française du Bâti- ment). Tous ont compris l’impact de la loi. Les architectes ont déposé des propositions d’amendement qui ont pratiquement toutes été rejetées. L.P.P. : Cette loi réduit également le pouvoir des architectes des bâti- ments de France. Leur avis devien- dra consultatif pour les collectivi- tés. Ce changement porte-t-il atteinte à la préservation du patri- moine ? V.R. : Actuellement, il y a une obliga- tion à suivre l’avis de l’architecte des bâtiments de France. Dans la loi Élan, cet avis devient consultatif. Cela signi-
recherche pour les architectes dont les études visent à améliorer ce sec- teur. L.P.P. : Les architectes sont écar- tés des projets au bénéfice de qui ? V.R. : Aujourd’hui, il y a des appels d’offres lorsqu’il s’agit de construire des logements sociaux. Le concours d’architecte est obligatoire pour tous les programmes de plus de 30 loge- ments. Les offices H.L.M. organisent ce concours, attribuent le projet à un architecte. Ensuite, un appel d’offres est lancé en corps d’État séparés pour le réaliser. Désormais, la loi Élan permet à un office H.L.M. de confier le projet à un major du B.T.P. dans le cadre d’un marché de conception- réalisation, et de passer outre la pro- cédure classique. Le risque de cela est aussi de déstabiliser le tissu éco- nomique local de la construction.
Véronique Ratel : “Si la France est fière de son patrimoine, c’est précisément parce que nous avons su le préserver jusque-là.”
fie que rien n’empêchera un maire d’autoriser l’installation d’une anten- ne-relais sur une église classée. Même chose pour un bâtiment qui est pré- servé malgré son état parce qu’il a une valeur patrimoniale, il pourra être détruit. À l’évidence, cette loi dépos- sède l’A.B.F. de son pouvoir d’aler- te. Or, si la France est fière de son
patrimoine, c’est précisément parce que nous avons su le préserver jusque- là. L.P.P. : La loi Élan concerne-t-elle les particuliers ? V.R. : Non, même les particuliers qui font de la promotion immobilière ne sont pas concernés par cette loi. n
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