La Presse Pontissalienne 227 - Septembre 2018

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 227 - Septembre 2018

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POLITIQUE

La France Insoumise

“Les élites ne peuvent plus continuer à faire comme si le peuple n’existait pas”

L La Presse Pontissalienne : Vous êtes donc officiellement investie par la France Insoumise pour les élections européennes de l’an pro- chain. Avec une réelle chance de devenir députée européenne ? Laurence Lyonnais : Je suis la cin- quième femme de la liste et com- me les listes sont paritaires, je suis donc dans les 10 premiers sur les 79 que compte la liste. Si on se fie aux sondages d’aujourd’hui, c’est raisonnable de penser à être élue. L.P.P. : Vous avez déjà été plusieurs fois candidate à des élections sous plusieurs bannières : le N.P.A., Ensemble, le Front de Gauche, cette fois les Insoumis…Quel- le formation correspond à vos convictions ? L.L. : La France Insoumise, c’est un mouvement, pas un parti. Ce qui veut dire qu’on ne renonce pas à nos appartenances politiques en intégrant la France Insoumise. Le parti Ensemble auquel j’appartiens compte de nombreux militants à la France Insoumise. Quant auN.P.A., je l’ai quitté en 2012 car certains aspects de démocratie interne à ce parti n’ont pas été respectés, et le côté isolationniste du N.P.A. sur certaines questions comme l’écolo- gie et le social ne me convenait plus. Dès 2012, j’ai soutenu Jean-Luc Mélenchon dont le discours basé sur l’intérêt général humain, l’in- ternationalisme, l’interaction entre la question écologique et la ques- tion sociale correspond tout à fait à mes convictions qui n’ont jamais varié. sa vision de l’Europe et juge sans concession les orientations actuelles de l’Union Européenne. Laurence Lyonnais est candidate aux élections européennes de mai 2019. Cinquième femme de la liste France Insoumise, elle est en position éligible. La militante explique

Laurence Lyonnais, 39 ans, seule candidate du Haut-Doubs connue à ce jour pour les Européennes de mai 2019.

Berlin est tombé et cette idée d’Eu- rope comme vecteur de paix, com- me levier économique, environne- mental m’a toujours guidée. Aujourd’hui, en voyant comment a évolué cette idée d’Europe, j’ai le sentiment d’avoir été flouée. Il y a chez moi de la colère, de la frus- tration, de la désillusion et comme je suis convaincue qu’on peut fai- re autrement pour faire avancer cette Europe dans le bon sens, une candidature aux Européennes me paraît légitime. L.P.P. : Comment l’Europe pourrait-elle retrouver le bon chemin ? L.L. : D’abord en sortant des traités européens tels qu’ils sont aujour- d’hui. Ce que je souhaite porter dans cette campagne électorale, c’est d’abord la thématique de la ruralité, de l’écologie, de l’agricul- ture et faire entendre la voix de ces populations périphériques qui sont rejetées parce qu’elles ne vivent pas dans les grands centres urbains. L.P.P. : En quoi l’Europe méprise-t-elle ces populations “périphériques” ? L.L. : Parce que c’est l’application des directives européennes issues des traités qui aboutit au désen- gagement des services publics en milieu rural, à la fermeture des bureaux de Poste, des petites gares, à la libéralisation du marché du courrier, de l’énergie, etc. Depuis le Traité de Lisbonne qui met en avant les métropoles comme territoires d’innovation, il y a beaucoup moins de moyens pour l’équilibre entre les territoires. Tout cela se traduit par un déni démocratique et il suf- fit de discuter avec les élus locaux, toutes tendances confondues, pour voir qu’ils souffrent de la manière brutale dont on applique l’acte 3 de

la décentralisation, une autre consé- quence du Traité de Lisbonne. Les élus locaux se sentent eux aussi exclus et floués. L.P.P. : À propos de ruralité, la France Insoumise a promené sa “caravane rura- le” du côté de Levier le 18 juillet dernier. Quel a été l’accueil ? L.L. : L’idée était de recueillir l’avis des gens par rapport à cette ques- tion de la ruralité. 11 questionnaires ont été remplis, nous avons ren- contré une cinquantaine de per- sonnes qui tous ont mis en avant la perte du lien social. L’idée de cet- te caravane rurale est, en toute humilité, de se remettre au contact des gens, leur donner la parole et les écouter. C’est une manière de faire de la politique en repartant de la base. L.P.P. : Quand démarrerez-vous votre cam- pagne pour les Européennes ? L.L. : On démarrera véritablement vers la fin novembre. On commen- ce en ce moment à répondre aux sollicitations des groupes d’action qui veulent mettre en place des choses sur le terrain, on va les aider à organiser par exemple des réunions publiques et notre préoc- cupation ensuite sera d’aller à la rencontre des citoyens pour les convaincre de s’inscrire sur les listes et d’aller voter. Ces élections seront la seule occasion pour eux de se pro- noncer, le seul moment démocra- tique où l’Union Européenne a ren- dez-vous avec le peuple. Notre liste va d’ailleurs s’appeler “Et mainte- nant le peuple”. Par ailleurs, on s’engage véritablement dans une campagne internationale en nous rapprochant des mouvements simi- laires au nôtre dans les autres pays européens (Podemos, le Sinn Féin,

etc.). L’idée est bien de renvoyer à la face des élites qu’il y a une mobilisation populaire et que ces élites ne peuvent plus continuer long- temps à faire com- me si le peuple n’existait pas. L.P.P. : À entendre votre leader Jean-Luc Mélen- chon qui dit vouloir fai-

d’une agriculture de proximité et de territoire, et non pas une agri- culture de filière. Ce genre de pro- position constitue un levier écolo- gique majeur. Pour des raisons notamment écologiques, il est impé- ratif de ne plus encourager les concurrences délétères entre pays. L.P.P. : Autre question qui risque d’ali- menter la campagne de ces Européennes : les migrants. Faut-il tous les accueillir ? L.L. : Nous avons une position fon- damentalement humaniste sur cet- te question. On ne peut pas accep- ter qu’aux frontières de l’Europe des gens se noient ou meurent de froid en traversant lesAlpes. Il faut remettre les choses en perspective et se rappeler par exemple lamaniè- re dont on a accueilli les réfugiés espagnols à une autre époque. Si on laisse tomber les migrants, demain pourquoi on ne laisserait pas tomber d’autres catégories com- me les jeunes à la rue, les S.D.F. Ce qu’a fait à ce propos Jean-Louis Fousseret à Besançon est inad- missible. On n’est plus capable de régler des soucis sur le plan huma- nitaire, alors on les règle sur le champ sécuritaire ! L.P.P. : Sur votre lancée des Européennes, vous songez sans doute à vous présen- ter à d’autres élections plus locales. Pour- quoi pas les Municipales à Pontarlier ? L.L. : Si on fait un bon score aux Européennes et que je suis élue, la question ne se posera pas ! (rires). Dans tous les cas, je continuerai à militer et que ce soit moi ou quel- qu’un d’autre, il y aura certaine- ment une liste France Insoumise aux Municipales à Pontarlier. Et dans d’autres communes du Haut- Doubs. n Propos recueillis par J.-F.H.

Bio express Laurence Lyonnais est née à Lons-le-Saunier il y a 39 ans, de parents agriculteurs. l

“Une liste France Insoumise aux

Elle réside dans

l

le Haut-Doubs depuis 2004.

Municipales à Pontarlier.”

l Elle est chargée de développement local à la Communauté de communes Frasne-Drugeon. Elle a été candidate aux législatives de 2007 dans le Haut-Doubs, aux Européennes en 2009 et en 2014 et aux Régionales en 2010 en tant que tête de liste. Ses passions : l’écologie, la nature, le monde rural. l l

re de ces Européennes “un référendum anti-Macron”, vous donnez aussi une dimension nationale à ces élections ! L.L. : L’autre dimension de ces élec- tions en effet est de savoir si les Français ont envie de doter Emma- nuel Macron d’une belle équipe de députés européens. Ce que M. Macron nous a montré depuis un an, c’est que de l’avis de la popula- tion, il s’en fiche complètement. Il fait ce qu’il veut, on l’a notamment vu avec les ordonnances. La démis- sion récente de Nicolas Hulot est un autre signe fort qui signifie que ce n’est pas dans cette Europe-là, dans cette mise en concurrence ultra-libérale que les solutions éco- logiques viables sont possibles. Et Emmanuel Macron continue à défendre cette Europe-là. Dans ce contexte, il sera impossible de lut- ter contre la crise climatique. L.P.P. : Que prône concrètement la Fran- ce Insoumise en matière d’écologie ? L.L. : Un exemple : la réforme de la P.A.C. Notre A.O.P. comté est en négociation d’exception pour pou- voir réglementer sa production. Combien de temps on va pouvoir maintenir ce système dans cette Europe ultra-libérale ? De notre côté, nous prônons la relocalisation

L.P.P. : Pourquoi cet- te nouvelle candida- ture ? L.L. : C’est en cohé- rence avec mon parcours de mili- tante. Dès 2004, j’étais à l’origine de la création d’un mouvement A.T.T.A.C. ici à Pontarlier, j’ai mili- té en 2005 pour le non au Traité de Lisbonne. Mes convictions remon- tent plus loin enco- re. J’étais à l’éco- le quand leMur de

“M. Macron se fiche

complètement de l’avis de la population.”

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