La Presse Pontissalienne 225 - Septembre 2018

JURA VOISIN 28

La Presse Pontissalienne n° 225 - Juillet 2018

FONCINE-LE-HAUT Stratégie Le miracle économique foncinier Après avoir traversé une sévère crise industrielle dans les années soixante-dix, cette commune jurassienne a peu à peu retrouvé sa vitalité économique et démographique sous l’impulsion de Gilbert Blondeau et des élus qui l’ont accompagné au cours de ses six mandats de maire en partageant avec lui la même ambition pour Foncine-le-Haut. un petit bout de Jura à part À quelques encablures de Mouthe et de la Suisse, dans le département du Jura, Foncine-le-Haut, avec ses commerces, ses services, son agriculture et ses entreprises fait encore preuve d’un dynamisme assez étonnant dans le contexte frontalier. Enquête. ESCAPADE À 15 km de Mouthe Foncine-le-Haut,

INDUSTRIE 105 salariés en France Machines Pagès, leader mondial de l’étiquetage dans le moule Cette entreprise fondée en 1984 par Daniel Pagès s’est spécialisée dans la fabrication de systèmes robotisés pour les secteurs de l’agro-alimentaire, de la cosmétique et du médical. Elle exporte désormais son savoir-faire dans le monde entier.

À ceux qui se désespèrent de l’inexorable déclin industriel du Haut-Doubs frontalier voué aux gémonies de n’être plus qu’un territoire dortoir au riche pou- voir d’achat, un petit tour à Foncine- le-Haut s’impose. L’occasion de décou- vrir un bourg-centre vivant, animé toute la journée loin du rythme pen- dulaire des “cités frontalières”. À 15 km de Mouthe et de la route qui conduit à la Vallée de Joux, la com- mune compte aussi des travailleurs frontaliers. “C’est une aubaine mais on ne mise pas tout sur la Suisse. On a plutôt besoin d’avoir un socle de population qui travaille localement” , confie le maire Gilbert Blondeau. Arrivé au conseil municipal en 1971, il a assisté à la disparition des acti- vités industrielles historiques enméca-

nique, horlogerie, tournerie comme Jouef et Micro-rubis. Celles-là mêmes qui avaient redonné une impulsion au bourg après la guerre. Conséquence de la crise industrielle, de nombreux salariés partent vivre sur les bassins d’emploi de Champagnole, Morez, Montbéliard. La population chute à 723 habitants alors qu’on comptait jusqu’à 2 000 Fonciniers au début du XX ème siècle. Point de passage et de séjour, Fonci- ne-le-Haut a toujours été un centre dynamique grâce à diverses activités : diamant, tournerie, horlogerie, hôtel- lerie, restauration, agriculture, bois… Élu maire en 1983, Gilbert Blondeau, plutôt que la résignation, passe à l’ac- tion. La fermeture des entreprises libère des locaux et le village dispose encore d’un potentiel de main-d’œuvre qualifiée, héritage du passé, qui ne demande qu’à travailler. “On a cher- ché à retrouver des solutions de repri- se d’activités en ciblant des niches industrielles pour éviter la grande pro- duction sachant que nous n’avions pas forcément le profil adéquat ne serait- ce qu’avec notre situation géographique relativement excentrée loin des grands axes.” Pour engager cette politique de recon- quête industrielle, la commune va uti- liser sa botte secrète : le crédit-bail. Elle acquiert les friches industrielles et les met à disposition des nouvelles entreprises. En 1984, la commune accompagne Daniel Pagès dans le démarrage d’une activité de méca- nique. Le jeune entrepreneur travaille alors avec un salarié et quelques inté- rimaires. Six extensions plus tard, l’entreprise est toujours là avec plus de 105 salariés. Elle est aujourd’hui spécialisée dans la conception et construction de systèmes robotisés haute cadence pour les secteurs de l’agro-alimentaire, du cosmétique et du médical. “Quand Jouef a arrêté, d’autres entreprises étaient candidates à la reprise des locaux dont celle de René Lacroix qui cherchait à évoluer de l’emballage bois à l’emballage plas-

tique alimentaire. Il a choisi de s’im- planter à ici pour deux raisons : des locaux disponibles et la présence d’une main-d’œuvre hautement qualifiée dans la plasturgie.” Son entreprise Plastilax a été transférée dans des locaux neufs et elle compte aujour- d’hui une cinquantaine de salariés. Dans son élan constructif, la commu- ne investit dans la construction d’une usine pour accueillir une activité de tournerie qui périclite. Gilbert Blon- deau part à la pêche aux entreprises. Il ramène dans ses filets une entre- prise suisse, E.M.S., spécialisée dans la fabrication d’appareils de chirur- gie dentaire. 35 salariés supplémen- taires au compteur de l’industrie fon- cinière. “On a repris également l’ancienne scierie. Elle accueille aujour- d’hui l’entreprise Jurabotec qui inter- vient en première et seconde transfor- mations du bois en employant 10 à 15 personnes.” La série des crédits-bails se poursuit dans les années quatre-vingt-dix avec l’installation de l’entreprise Juraboîtes qui développe une activité en menui- serie, ébénisterie et boîtes à fromage. “La commune a pris des risques mais cela en valait la peine. Cette politique a favorisé la croissance démographique encouragée également par l’activité touristique et l’agriculture. On n’est pas loin de 1 100 habitants.” Au cours de ses six mandats, le mai- re apprécie aussi d’avoir toujours été suivi. “Au début, j’étais un jeune par- mi des élus plus âgés. Maintenant, c’est plutôt le contraire mais quelles que soient les générations, j’ai eu la chance d’avoir à mes côtés une équi- pe qui partage une ambition pour le village en travaillant dans un état d’esprit constructif.” Cette dynamique n’est pas seulement d’ordre économique, elle se retrouve aussi dans la mise en place d’une mai- son médicale, d’une maison des aînés et le maintien des infrastructures tou- ristiques. Il fait bon vivre à Foncine- le-Haut. ■ F.C.

“On peut compter sur les compétences d’une main-d’œuvre très mobilisée. C’est rare de trouver une telle mentalité d’entreprise”, apprécie Yannick Ains qui dirige Machines Pagès depuis 2016.

L es partenaires et la population ont répondu massivement pré- sents à l’invitation de Machines Pagès qui organisaient des portes ouvertes le 29 juin dernier. L’événement coïncidait avec l’inau- guration des derniers travaux, soit une extension de 1 500 m 2 , multi- pliant par deux la surface de pro- duction. “On commençait à manquer de place et cet agrandissement nous permet d’optimiser l’organisation industrielle” , précise Yannick Ains qui dirige l’entreprise depuis 2016. Flambeau de l’économie foncinière, Machines Pagès a su répondre aux défis technologiques de son époque. Son histoire débute en 1984 avec Daniel Pagès qui conçoit et fabrique des machines d’assemblage, d’usina- ge, d’empilage pour les métiers du bois, du carton et du plastique. En 1986, la petite entreprise met au point non sans difficulté son premier robot pneumatique de pose d’étiquette dans le moule. Baptisé “In Mold Labelling” ou I.M.L., ce procédé consiste à fusion- ner l’étiquette et l’emballage plas- tique durant le processus de moula- ge. “80 % de l’activité de l’entreprise

s’articule autour de l’I.M.L. avec des applications dans l’agroalimentaire, le médical et la cosmétique. Le reste concerne la fabrication de machines spéciales” , poursuit le dirigeant. Après la France, l’entreprise expor- te en 1994 son savoir-faire I.M.L. en Europe puis dans le monde entier. Machines Pagès répond ainsi à l’aug- mentation des besoins d’emballage I.M.L., ce qui induit aussi des robots de plus en plus gros et performants. L’innovation perpétuelle. Implanté à Foncine, Besançon et Dijon, Pagès Group emploie désormais plus de 105 personnes. L’entreprise a éga- lement deux filiales à Chicago et Shan- ghai qui emploient trois personnes chacune. Le premier robot a été livré en Chine fin 2016. Un premier pas sur un gigantesque marché où l’en- treprise foncinière compte bien pros- pérer. À ce jour, Machines Pagès a produit et installé à travers le monde 1 450 machines dont plus de 700 robots I.M.L. Le chiffre d’affaires dépasse les 20 millions d’euros pour un ryth- me de croissance annuelle supérieu- re à 10 % depuis quelques années. ■

“J’ai toujours cru au développement économique. On a pris des risques mais les résultats sont là”, apprécie le maire Gilbert Blondeau.

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