La Presse Pontissalienne 219 - Janvier 2018

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 219 - Janvier 2018

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POLITIQUE

Annie Genevard

“Ceux qui croient que la droite a disparu du paysage se trompent”

La députée du Haut-Doubs continue son ascension dans les instances nationales. Désormais vice-présidente de l’Assemblée nationale et propulsée secrétaire générale des Républicains par son nouveau président Laurent Wauquiez, elle tentera de participer à la renaissance d’une droite essorée qu’elle dit “en phase de convalescence.”

L a Presse Pontissalienne : Où est passée la droite française ? Annie Genevard : Il fallait com- mencer par la remettre en ordre de marche avec le renouvelle- ment des instances au sein des Républicains. C’est désormais chose faite avec l’élection de Lau- rent Wauquiez à la présidence du mouvement Entre-temps, l’intérim assuré par Bernard Accoyer avait permis de poser le diagnostic de la refondation, un diagnostic auquel ont parti- cipé plus de 40 000 contribu- teurs, militants, adhérents, sym- pathisants, qui permettra de poser les fondations nouvelles du mouvement et de préparer de vraies propositions alterna- tives à la politique actuelle du gouvernement. La droite est en phase de convalescence. L.P.P. : C’est difficile pour la droite d’être audible avec un gouvernement qui a pris des mesures et engagé des réformes dont la droite rêvait mais qu’elle n’a jamais osé engager ! A.G. : La stratégie d’Emmanuel Macron, en habile tacticien, est toujours d’occuper le terrain de la droite et de la gauche. Il a en effet marché sur sa jambe droi- te avec les premières réformes engagées (réforme du Code du travail, suppression partielle de l’I.S.F.) et cette année, il semble vouloir marcher sur sa jambe gauche. Derrière tout cela, il y a une vraie tactique, celle de déstabiliser les partis et les cli- vages. Pour l’instant, il y est par- venu. Mais je reste persuadée qu’il n’y a pas de démocratie qui vaille avec un parti unique. Si la seu- le opposition à Emmanuel Macron se résume aux extrêmes, il manquerait alors une part importante de la représentation démocratique et cela montre- rait que quelque chose ne tour- ne plus rond dans la vie démo- cratique française. D’où la nécessité pour nous de recon- quérir rapidement notre place après l’avertissement sévère que nous avons subi lors des der- nières élections. La droite a tou- te sa place dans le paysage poli- tique français. Ceux qui croient que la droite a disparu du pay- sage se trompent. Nous sommes une famille politique qui a souf- fert, qui a échoué, et qui est aujourd’hui en attente d’une ligne, d’un cap, d’un projet. Il ne

faut pas oublier tout de même que nous restons et de loin le premier parti de France, et que les adhésions se multiplient depuis l’élection de notre nou- veau président. L.P.P. : Il n’empêche que les réformes s’enchaînent et que la droite ne semble plus avoir de moyen de riposte… A.G. : J’explique cela aussi par le fait que les gens ont été épui- sés par les dernières campagnes électorales marquées par les affaires, épuisés aussi par un quinquennat Hollande calami- teux et ils aspirent sans doute en ce moment à un peu de tran- quillité et semblent préférer actuellement l’union au combat en pensant que le mieux est de se rassembler autour de ce qui peut marcher. Cela ne signifie pas pour autant que toutes les réformes engagées sont bonnes. L.P.P. : Vous en approuvez sans dou- te certaines. Comme celles engagées par le ministre de l’Éducation natio- nale ? A.G. : Nous soutiendrons tout ce qui est bon pour la France. Jean- Michel Blanquer aurait sans doute été notre ministre si la droite était passée ! Tout le tra- vail que nous avions préparé pendant cinq ans sur les ques- tions d’éducation a été repris par le ministre. J’en revendique d’ailleurs une partie de lamater- nité. L.P.P. : Vous êtes donc un des deux nouveaux bras droits de Laurent Wau- quiez. En quoi consiste ce rôle de secrétaire générale des L.R. ? A.G. : C’est d’abord de participer à tout ce travail de reconstruc-

Annie Genevard a terminé l’année 2017 en beauté avec sa nomination à la vice-présidence de l’Assemblée et au poste de N° 3 des Républicains.

tion de notre société. Prenons l’exemple de l’école qui par essen- ce est conservatrice car son rôle est de transmettre. La fragili- sation de l’école qu’a provoquée notamment le gouvernement précédent a des conséquences gravissimes sur la société. Le bon conservatisme est de conser- ver ce qui est bon pour la socié- té. Si conserver ce qui est bon, c’est être conservateur, alors oui, je veux bien être qualifiée d’élue conservatrice. Être conserva- teur ne signifie pas qu’on ne lais- se pas sa place au progrès social. C’est d’ailleurs une des forces qui m’a toujours marquée dans le Haut-Doubs. La force duHaut- Doubs vient justement de ses traditions. Cette permanence des traditions, cette culture de la montagne, c’est tout cela qui fait l’identité d’un territoire. C’est aussi un peu cela le conser- vatisme. L.P.P. : On peut aussi dire de vous que vous êtes une élue ambitieuse. Cette double reconnaissance à l’Assemblée nationale et aux L.R., c’est la consé- cration de votre parcours politique, ou alors vous nourrissez encore d’autres ambitions ? A.G. : Les fonctions que l’on vient de me confier me comblent.Mon ambition aujourd’hui, si tant est que l’on parle d’ambition, est pleinement satisfaite. Je dois maintenant être à la hauteur des responsabilités que l’on m’a confié. n Propos recueillis par J.-F.H.

sident de parti avec celle de can- didat à la présidentielle. Ce serait plus que dangereux de parler déjà de 2022, je m’y refuse. Notre mission est actuellement de don- ner de nouvelles perspectives claires à la France. L.P.P. : Vous demeurez malgré votre expérience de députée et d’élue loca- le plutôt méconnue du grand public, notamment à Paris ? A.G. : Ce manque de notoriété nationale ne me dérange abso- lument pas. Je ne fais pas de la notoriété une obsession. Je ne saute pas sur le premier micro tendu et ce n’est surtout pas ce que j’ai envie de faire. Je ne serai sans doute pas une bonne clien- te des médias nationaux car je ne suis pas non plus adepte des petites phrases. L.P.P. : Avec vos nouvelles fonctions de vice-présidente du Parlement et de secrétaire générale L.R., votre emploi du temps est sans doute bouleversé. Et le Haut-Doubs dans tout ça ? A.G. : Il est évident que la natu- re de mon travail à Paris a chan- gé, notamment à l’Assemblée. Mais je serai toujours la moitié de mon temps, du jeudi au lun- di, dans ma circonscription. J’y tiens beaucoup. L.P.P. : Si on vous qualifie de tenante d’une droite conservatrice, vous le prenez comment ? A.G. : Je reste convaincue qu’on a eu tort en France de fragili- ser les éléments de structura-

vrai côté clivant ? A.G. : C’est quel- qu’un qui fonce. Son rôle en tant que leader du mouvement est d’ailleurs d’im- pulser les

chées au rassemblement, de jeunes talents également : Vir- ginie Calmels, Guillaume Pel- tier, Damien Abad, Geoffroy Didier, Julien Aubert, Mathieu Darnaud, Fabien di Filippo,Vir- ginie Duby-Muller, Sophie Pri- mas, Gilles Platret, etc. Autant de jeunes élus impliqués dans les territoires, c’est essentiel. L.P.P. : Pourquoi Laurent Wauquiez a- t-il fait appel à vous ? A.G. : Il voulait quelqu’un qui mette du liant, quelqu’un de diplomate, avec une vraie volon- té de rassembler, et il a sans doute estimé que j’ai toujours fait preuve de loyauté et de fidé- lité envers ma famille politique, mes convictions, que je ne suis pas quelqu’un qui navigue au gré des circonstances comme ont pu le faire les Solère ou Dar- manin. Laurent Wauquiez est sensible à cette notion de loyau- té. Le fait que je sois également vice-présidente de l’Assemblée nationale signifie aussi que je bénéficie sans doute de la recon- naissance de mes pairs. Laurent Wauquiez m’a donné 5 minutes pour lui apporter ma réponse concernant ce poste de secré- taire générale. Je n’ai pas eu l’occasion d’hésiter longtemps, je lui ai juste demandé de pou- voir conserver tout le temps que je consacre jusqu’à maintenant à ma circonscription du Haut- Doubs…

choses. C’est sans doute la raison pour laquelle il a sou- haité s’entourer de personnali- tés complémen- taires au carac- tère peut-être plus rassem- bleur. J’estime être plus dans l’approfondissement de la rela- tion avec les autres. L.P.P. : Ses propos anciens sur “l’as- sistanat, cancer de notre société” res- tent choquants pour beaucoup de mon- de… A.G. : Ce mot “cancer” a choqué, il est lourd de sens pour beau- coup de monde, et je ne l’avais pas approuvé. Ce sont des pro- pos qu’il ne prononcerait plus. Sur le fond, il a eu raison de poser la question de l’assista- nat et de la bonne utilisation de la dépense publique. C’est une vraie question. L.P.P. : Le nouveau leader des L.R. est- il le meilleur candidat de la droite pour les prochaines élections ? A.G. : Il faut impérativement se garder de lier la fonction de pré- “Mon ambition aujourd’hui est pleinement satisfaite.”

tion qu’il y a à faire. Mon rôle précis est de fai- re le lien avec toutes les fédé- rations L.R. de France, de tra- vailler à l’ani- mation dumou- vement, de détecter égale- ment les nou- veaux talents. Cette nouvelle équipe diri- geante de L.R., c’est le contrai- re du repli sur soi, elle est com- posée de per- sonnes atta-

“Le bon conservatis- me est de conserver ce qui est bon pour la socié- té.”

L.P.P. : Vous reconnaissez qu’il a un

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