La Presse Pontissalienne 219 - Janvier 2018

VALDAHON - VERCEL

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La Presse Pontissalienne n° 219 - Janvier 2018

TOURISME Consolation Pour l’association Artisans de Paix, c’est “quitte ou double” En redressement judiciaire, l’association qui gère le Val de Consolation négocie avec la fondation, propriétaire du site. Elle ne paie plus les loyers et demande que les travaux nécessaires pour accueillir du public soient réalisés. Quelle issue ?

le chauffage, les salaires.

L.P.P. : Pourtant, vous ne payez plus les loyers ! A.M. : Nous avons été obligés d’annu- ler tous les stages de cet été. Ceci pour des raisons de sécurité en raison des travaux non effectués par notre pro- priétaire. Cela concernait près de 300 stagiaires, parents, enfants, éduca- teurs. C’est le serpent qui se mord la queue car sans travaux de mise aux normes, on ne peut pas accueillir de stages (4 500 personnes sont venues ici depuis 7 ans), et sans cette rentrée d’argent, on ne peut pas payer le loyer. Compte tenu des charges immenses que représentent l’ouverture et l’en- tretien de Conso, je crois que nous devrions plutôt être subventionnés pour faire vivre ce lieu ! Nous avons besoin d’être soutenus par notre par- tenaire, pas qu’il nous enfonce. C’est quitte ou double. L.P.P. : Vous n’étiez pas dans les clous régle- mentaires auparavant. Cette décision était prévisible. A.M. : La commission de sécurité a effec- tivement donné un avis défavorable. Mais des années avant notre arrivée, elle faisait déjà des recommandations de travaux de sécurité pour l’électri- cité, les détecteurs de fumée… Elle demandait cette année qu’on lui four- nisse au moins un calendrier des tra- vaux. L.P.P. : Vous ne l’avez pas fourni ? A.M. : Ce n’était pas à nous de le faire ! C’est le nœud du problème. Ne pou- vant plus payer le loyer, la Fondation a refusé de donner un calendrier des travaux, nous avons subi la situation et dû annuler les stages. Pourtant, depuis 2015, un accord de subventions pour la Fondation de près d’1,2 mil- lion d’euros a été accordé sur le prin- cipe mais il n’a pas été débloqué par les collectivités. Elles attendent que le litige Artisans de Paix-Fondation soit résolu. L.P.P. : Une manœuvre pour tuer “Artisans de Paix” ? A.M. : Je ne sais pas, ils ont peut-être d’autres projets pour le Val qu’Arti- sans de Paix. Si c’est le cas, ils devraient nous le dire. Pourtant, nous dévelop- pons toujours plus nos activités dans l’optique de la protection de l’envi- ronnement, des formations en per- maculture, agrobiologie, mais aussi l’interreligieux et l’interculturel, les conférences, les festivals de musique du monde, etc. Nous avons eu égale- ment à cœur, et comme l’une de nos principales missions, d’entretenir et maintenir ouverte toute l’année ce haut lieu de spiritualité qu’est la chapelle du Monastère, ainsi que la grotte de la Vierge qui se trouve dans le parc à 500 mètres de l’entrée.

L a Presse Pontissalienne : Comment expliquer que votre association se retrouve financièrement au pied du mur ? Alain Michel (président d’Artisans de Paix) : L’association a déposé le bilan princi- palement pour des retards de loyers et d’U.R.S.S.A.F. (N.D.L.R. : 9 salariés sont comptabilisés). Nous n’avons pas du tout l’intention d’arrêter, nous avons donc demandé un redressement judi- ciaire. La deuxième période d’obser- vation se termine fin mai 2018. L.P.P. : Quels leviers avez-vous pour redres- ser la barre ? A.M. : Si les travaux de sécurité ne sont pas commencés, ni programmés dès aujourd’hui par la Fondation, nous n’obtiendrons pas l’avis favorable de la commission de sécurité absolument indispensable pour organiser et rece-

voir les stages qui sont à la base de notre activité annuelle. Nous avons donc décidé de trouver des ressources indépendantes et complémentaires des visites touristiques. Nous pouvons développer notre activité boulangerie et biscuiterie bio, la boutique, la librai- rie, les cristaux (Terre de Lumière), le salon de thé, l’hôtel, le restaurant (fer- mé jusqu’à fin avril pour des raisons de coût de chauffage) et développer la boutique en ligne. Si les 30 000 visi- teurs à l’année payaient les 3 euros d’entrée demandés pour les frais d’en- tretien du parc et des installations mises à leur disposition, cela nous aide- rait considérablement. Mais on n’obli- ge personne à les payer même si on en explique le bien-fondé. L.P.P. : Qu’est-ce qui vous coûte cher ? A.M. : Le loyer (7 500 euros par mois),

Alain Michel cède sa place de président de l’association Artisans du Paix qui gère le Val de Consolation.

Réaction La Fondation dit vouloir “chercher des solutions”

que l’on dérange, ma personnalité par- ticulièrement, c’est pourquoi j’ai posé ma démission de président afin que l’association ne soit plus identifiée “Alain Michel”. Un nouveau coordina- teur, Stéphane Ayrault, prend le relais. Je ne serai plus du tout dans l’opéra- tionnel, mais consacrerai toujours une partie de mon temps pour la recherche de mécénat ainsi que la relation avec les personnalités et grands témoins de toutes sensibilités. Il est important également de prendre en compte le fait que plusieurs personnes privées se sont lourdement endettées ou portées caution de prêts bancaires accordés à l’association afin que nous puissions assumer les six premières années de la location duVal. Il est difficile d’avoir conscience de ce que cela représente et de ce qu’a été la reprise de Conso- lation, d’y rester présents durant huit années, été et surtout hiver, sans aide extérieure, ni subvention. L.P.P. : Le dialogue avec la fondation est-il rompu ? A.M. : Pas encore. Nous avons fait preu- ve de notre réelle volonté d’ouverture en embauchant récemment trois nou- velles personnes de la région, dont Catherine Donzelot-Tétaz mairesse de Grandfontaine-sur-Creuse. D’autre part, le père Albert Viennet, aimé et connu dans tout le département, ain- si que Léon Bessot, ancien maire de Valdahon, conseiller général et prési- dent du Secours Catholique, sont entrés dans notre conseil d’administration. Nous avions même proposé que l’un des membres de la Fondation en fas- se partie également…Avec toutes ces décisions, comment être plus trans- parent et bienveillant ? n Propos recueillis par E.Ch.

votre association ? Une secte Artisans de Paix ? A.M. : Oui, c’est un mythe depuis notre arrivée en 2010, mais il a heureuse- ment presque disparu, même si, alors qu’ils ne sont jamais venus sur place, il reste quelques irréductibles qui le pensent… Pourtant la porte est gran- de ouverte, elle n’a jamais été fermée : Artisans de Paix est une véritable éco- le, celle de la Fraternité. Il nous a été reproché des stages ésotériques ! Com- me si le yoga ou la méditation étaient condamnables…Des observateurs “offi- ciels” sont venus assister à des stages cet été. Depuis 2010, de très grandes personnalités, intervenants, confé- renciers de haut niveau, se sont suc- cédé pour enseigner à Consolation. Croyez-vous que durant toutes ces années ils auraient risqué leur répu- tation dans une secte ? Tous les habi- tants des villages environnants qui assistent à la messe de Conso tous les dimanches de l’été, croyez-vous qu’ils viendraient se fourvoyer dans une sec- te ? Lisez notre livre d’or ! L.P.P. : Quid du bénévolat ? A.M. : On nous reproche également nos bénévoles car ils prennent le travail des salariés, créant ainsi une concur- rence déloyale… Sérieusement, quel- le est la concurrence qui pourrait être gênée par Consolation ! Sans bénévo- lat, nous serions morts ! Nous n’avons plus droit aux contrats aidés : pour- tant, poussés par l’État, nous en avons embauché durant trois ans jusqu’à 24 en même temps. Nous avons ainsi accueilli des personnes en difficulté que personne ne voulait, à qui nous avons donné du travail et permis de revivre dans la dignité. Il n’y a jamais eu de scandale, ni de problème grave. Bien au contraire. Je peux comprendre

Le président de la Fondation Bernard

mois de janvier, réunion à laquelle le nouveau coordinateur du site sera convié. La Fondation avoue dans cet- te période d’observation sa “relative” impuissance. Ou cherche-t-elle à jouer la montre pour qu’Artisans de Paix se démobilise ? “Nous cherchons des solutions et nous avons encore quelques mois pour discuter. Nous avons demandé par exemple à l’as- sociation des anciens de Consolation de prendre en charge la Chapelle. Ils ont lancé une souscription” poursuit Bernard Canteneur.

Canteneur reste un peu sur la réserve et semble vouloir jouer la montre. L a Fondation de Consolation, reconnue d’utilité publique, est propriétaire des bâtiments, de la chapelle, de l’usine électrique et des bois (200 hectares). Le conseil d’ad- ministration regroupe l’État, le Dépar- tement, la commune de Consolation, l’archevêché, le centre spirituel (curé). Le président Bernard Canteneur a accepté de livrer sur sa position : “C’est une situation difficile, particulière. En 2015, nous avions procédé à un amé- nagement des loyers avec 25 000 euros de subventions à Artisans de paix. Tout est mis en œuvre pour faire les tra- vaux. Or, les travaux ne peuvent être engagés que si l’accord des financeurs et des institutions est donné. Avec la situation actuelle d’une association qui ne paie pas, ni l’un ni l’autre ne veu- lent s’engager” déclare le président. Encore une fois, c’est la quadrature du cercle. Une réunion du conseil d’ad- ministration va se tenir d’ici la fin du

Il se veut rassurant : la Fondation n’est pas malade. Consolation ne va pas mourir. Mal- gré cette situation d’at- tente dans laquelle personne ne veut se dévoiler, la Fondation estime “que la popu- lation doit se réap- proprier Consolation, qu’il faut améliorer la perception du site.” Autant de vœux pieux qui sont pour le moment suspendus à une future décision de justice. n

Une réunion fin janvier avec le nouveau coordinateur.

L.P.P. : De fausses idées circulent-elles sur

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