La Presse Pontissalienne 217 - Novembre 2017

MOUTHE - RÉGION DES LACS

La Presse Pontissalienne n° 217 - Novembre 2017

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LABERGEMENT-SAINTE-MARIE

Projet de reméandrement

Le Doubs pourrait retrouver son ancien lit

les années soixante et son impact sur les frayères : les fonds sont balayés, érodés et se creusent à cause des cou- rants forts à la moindre précipitation, les berges s’effritent et s’écroulent inévitablement, les champs riverains sont rongés. Un projet de restauration morpholo- gique du Doubs en aval direct de Laber- gement avait pourtant été financé au début des années 2000 par l’associa- tion de pêche La Truite pontissalien- ne et les pouvoirs publics. Il fut clas- sé sans suite faute d’accord avec des propriétaires fonciers. “Ce lac, c’est notre réserve d’eau potable, il faut le protéger ! Il va mal. On ne pêche par exemple plus de truite de lac et à une certaine profondeur, il n’y a plus d’oxy- gène ! Cette eau, on la boit” explique Jean-Claude Poux, président de La Truite pontissalienne, premier à tirer la sonnette d’alarme. Il a écrit au ministre de l’Écologie Nicolas Hulot pour l’alerter sur la situation du troi- sième lac naturel de France, lequel lui a répondu. Par un beau soleil d’automne, un inven- taire piscicole a été mené en octobre avec la fédération. Le bilan est maigre : l’ensemble des populations de pois- sons sont déficitaires, une dizaine de truites seulement ont été échan- tillonnées au lieu de plusieurs cen- taines par le passé… C’est bien la preuve que le cours d’eau est en mau- vais état ici, l’érosion de la biodiver- sité est en cours. Chiffré dans les années 2000 à 120 000 euros hors taxes, le projet de redonner au Doubs son ancien lit est faisable. Encore faut-il l’accord des propriétaires fonciers. “Bien que nous ne soyons pas porteurs du projet, il faut que l’on se remette autour de la table, évoque le maire de Labergement Daniel Pasquier. C’est un projet d’in- térêt qui nécessite des compromis. Nous avions demandé des compensations

En rouge, les méandres naturels de la rivière (comme en 1934).

La qualité de l’eau du lac Saint-Point est médiocre. Les pêcheurs sortent des cartons un projet visant à reformer les anciens méandres du Doubs entre Labergement et le lac.

E ntre Labergement-Sainte-Marie et le lac Saint-Point, le Doubs va mal. Le secteur aval avait été rectifié au début du XX ème siècle dans le cadre de la création de la ligne de chemin de fer Frasne-Val- lorbe et pour assécher le marais de Sainte-Marie. La partie amont l’a été ensuite lors du remembrement dans les années soixante pour assécher la plaine. Aujourd’hui, le Doubs file qua- siment en ligne droite pour se jeter trois kilomètres plus loin dans le lac. En 2012, la fédération de Pêche menait une étude piscicole sur le lac Saint- Point et concluait entre autres que les espèces lacustres ayant une phase de reproduction dans la rivière (truites de lac, vairons, vandoises ou goujons) étaient absentes ou en voie de dispa- rition dans les eaux de Saint-Point. L’une des causes est à chercher dans la rectification du cours d’eau dans

Une pétition contre la pollution L’association de pêche a lancé une péti- tion sur Internet “suite à deux pollutions successives mi-juillet de la rivière le Drugeon, avec mortalité totale des pois- sons sur une distance d’un kilomètre, ont contraint l’Agence Régionale de la Santé d’interdire par mesure de pré- caution la consommation de l’eau du robinet sur dix-huit communes du Haut- Doubs pendant pratiquement une semai- ne. Une plainte a été déposée à la gen- darmerie de Pontarlier, mais à ce jour l’enquête piétine…” explique le prési- dent Jean-Claude Poux. Déjà 4 000 personnes l’ont signée. Elle sera remi- se au préfet.

Classification et mesure des poissons.

foncières à l’époque pour les exploi- tants mais nous n’avions pas trouvé écho. Il faut discuter.” D’après Thomas Groubatch, ingénieur hydrobiologis- te à la fédération de pêche du Doubs, “les actions de restauration morpho- logique vont fabriquer de l’eau fraîche en quantité qui redonnera de l’oxygè- ne au lac et un habitat adapté pour la faune aquatique. Le Drugeon a été réhabilité, les affluents du lac de Remo- ray sont aujourd’hui fonctionnels, un méandre a été restauré à Mouthe sur plus de 200 mètres, bientôt la Morte à La Cluse-et-Mijoux et le cours du Doubs dans le Saugeais sera prochainement

mis à l’étude. Petit bout par petit bout, on va réussir à restaurer le cours du haut Doubs. Si les problèmes liés aux cours d’eau sont globaux - réchauffe- ment, déficit quantitatif - les solutions sont à chercher localement” expose le chercheur. Roger, pêcheur depuis plus de 60 ans dans le Haut-Doubs, a vu les pêches miraculeuses s’étioler au fil des années. C’est ce qui lui fait dire “que tout le monde doit se mobiliser pour laisser un héritage à nos petits-enfants.” Cela commence par résorber les erreurs du passé. n E.Ch.

Seulement quelques truites ont été échantillonnées lors de cet inventaire piscicole dans le Doubs à Labergement.

LABERGEMENT-SAINTE-MARIE Unique au monde L’embouchure du ruisseau du Lhaut restaurée La recharge de l’embouchure du Lhaut dans le lac de Remoray a fait l’objet d’une spectaculaire opération d’héliportage qui a permis de déposer 85 tonnes de galets et graviers au bon endroit.

que soient les options, cela impli- quait énormément de manœuvres, avec des consé- quences importantes sur des sols fragiles. Du coup, le projet restait inachevé. La patience a parfois du bon surtout quand il s’agit de pré- server des milieux sensibles. La dépose de la ligne haute tension entre les postes des Granges- Sainte-Marie et de Pontarlier a donné lieu à plusieurs réunions entre R.T.E., l’opérateur du chan- tier, et l’association, animatri- ce du site Natura 2000 pour le compte du Parc naturel régio- nal du Haut-Jura. Les travaux consistaient à faire disparaître près de 80 pylônes, pour le coup héliportés. “On a été sollicité car une partie de la ligne passait en zone Natura 2000, entre les deux lacs. Il fallait donc définir ensemble les conditions d’inter- vention et limiter l’impact envi- ronnemental. On se réjouit déjà de la disparition des pylônes de notre paysage. Au fil des dis- cussions, on a finalement expo- sé notre souci lié aux recharges de l’embouchure du Lhaut. R.T.E. nous a proposé de mettre à dis- position l’hélicoptère utilisé pour le transport des pylônes. C’est clairement la solution la plus efficace.”

L’hélicoptère a effectué en deux heures un travail qui aurait sans doute nécessité beaucoup de temps par des moyens aquatiques ou terrestres.

E n deux grosses heures, le Super Puma mis à dis- position de l’association de gestion de la réserve naturelle nationale du lac de Remoray a réglé un problème en latence depuis 2013. Com- ment finaliser la restauration du ruisseau de Lhaut à son embouchure dans le lac, laquel- le avait été fortement artificia- lisée depuis plusieurs siècles ? Avant d’être court-circuitée par un chenal rectiligne, la confluen- ce originelle semble avoir été creusée et surélargie. L’absen- ce totale de bancs de granulats dans toute la partie aval du Lhaut, alors que la partie amont est très pentue, témoigne d’an- ciennes extractions qui visaient à réduire la fréquence et la durée des inondations, en augmentant la pente et la section de l’écou-

lement aval en période de décrue et d’étiage. L’hélicoptère a permis de trans- porter 85 tonnes de galets et de graviers à la jonction en 25 rota- tions à raison de 3 big-bags d’une

mis de reconstituer un cône typique, très attractif sur le plan lacustre. Le niveau d’eau est remonté sur toute la zone humi- de qui était auparavant décon- nectée du ruisseau du fait du creusement” , explique Bruno Tissot, le conservateur de la réserve naturelle. La restauration du ruisseau de Lhaut a été engagée à la fin de l’hiver 2012-2013. Au pro- gramme figuraient des actions de reméandrement, de comble- ment des parties canalisées, de recharge en galets sur l’amont. “On ne pouvait pas intervenir à l’embouchure car la portance du sol était trop faible, même avec des engins chenillés.” Plusieurs solutions avaient été étudiées, notamment l’utilisation d’une barge équipée pour déposer des galets et des graviers. Quelles

tonne de maté- riau déplacés à chaque voyage. Sur le terrain, c’est l’entrepri- se Jura Nature Services qui a coordonné la manœuvre en appliquant le plan de rechar- ge et en suivant les recomman- dations définies par le bureau d’études Teleos suisse. “Cette opération a per-

Redonner de l’attractivité vis-à-vis de la truite lacustre.

L’opération s’est déroulée début octobre, hors période de nidifi- cation des oiseaux. Cette rechar- ge d’une embouchure lacustre est une première en France, pro- bablement en Europe et sans doute au monde. À l’heure où le Haut-Doubs n’en finit plus de subir des sécheresses à répéti- tion, c’est plutôt bien vu de redon- ner de la capacité de rétention

aux zones humides. Sans oublier tout l’intérêt écologique. Cette recharge d’embouchure va ain- si redonner de l’attractivité pis- cicole au ruisseau sur la partie aval, en particulier vis-à-vis de la truite lacustre. La D.R.E.AL. Bourgogne-Franche-Comté et l’Agence de l’eau Rhône Médi- terranée Corse ont financé cet- te réalisation. n

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