La Presse Pontissalienne 212 - Juin 2017

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 212 - Juin 2017

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RUGBY Jean-Louis Gagelin

“Je crois qu’il faut savoir partir”

L a Presse Pontissalienne : Votre club, le C.A. Pontarlier rugby, vit une saison exceptionnelle avec une montée en Fédérale 2 ainsi qu’une qualification en quart de finale du championnat. Confirmez-vous votre départ ? Jean-Louis Gagelin : A l’occasion de notre assemblée générale du ven- dredi 9 juin, je passe la main à David Ligier après neuf années passées au club. Je crois qu’il faut savoir partir. Je commençais à avoir le sentiment du devoir accompli, donc c’est à ce moment qu’il faut prendre la décision. L.P.P. : Peur de ne plus avoir la flamme pour conduire ce club de 500 licenciés ? J.-L.G. : Je l’ai toujours ! Mais c’est humain, on commence à tomber dans une routine après avoir pas- sé des années à mettre en place des organisations. Maintenant qu’elles le sont, je les utilise com- me les sponsors que je sollicite, il est temps de passer à une autre ère. C’est comme dans la vie pro- fessionnelle : l’immobilisme amè- ne la régression. L.P.P. : Encore fallait-il trouver un suc- cesseur. Facile ? J.-L.G. : Contrairement à la vie poli- tique où les gens se battent pour avoir des postes, dans le monde associatif et sportif, et encore plus dans le rugby club de Pontarlier qui demande beaucoup de travail, les candidats ne se sont pas bous- culés au portillon. Une page se tourne après neuf années ponctuées par une saison sportive 2017 exceptionnelle. Bilan avec cet homme dont l’originalité est de n’avoir jamais joué au rugby… Le président du C.A.P. rugby passe la main à David Ligier le 9 juin.

Jean-Louis Gagelin passe la main du C.A.P. rugby.

le de rugby jusqu’aux seniors. La performance de notre équipe pre- mière est la conséquence de ce qui a été fait en amont. L.P.P. : On comprend que le club n’ar- rive pas à ce niveau uniquement grâce à un homme. Quel a été la méthode Gagelin ? Avez-vous dupliqué ce que vous avez fait dans votre société, L’En- trepôt du bricolage ? J.-L.G. : C’est impossible. Ici, j’étais au service d’un club et pas l’in- verse. Les rapports sont nobles et gratuits. Ce que j’ai tenté de faire, c’est valoriser l’image du club et amener du monde au bord du stade. C’est la plus grande récompense que l’on peut appor- ter aux joueurs. Nous sommes 1 000 à chaque match. Pour exis- ter, il faut être présent, que le club vive bien, qu’il y ait des objec- tifs sportifs. Un audit lancé par un grand groupe a questionné pour savoir quel club sportif était le plus porteur en notoriété dans le Haut-Doubs : c’est le nôtre qui est sorti à 80 %. J’en suis ravi. L.P.P. : Forcément, vous avez été tou- ché lorsque chaque joueur du XV pon- tissalien a apporté un bouquet de fleurs aux bénévoles lors d’un précédent mat- ch pour les remercier de leur accom- pagnement. J.-L.G. : Effectivement. Lorsque l’on dit que le club est une gran- de famille, ça ne doit pas être que des mots. Je peux le dire : il n’y a pas de guerre intestine au club.

lier nous met à disposition des installations de qualité. L.P.P. : Votre départ en va-t-il couper le réseau de partenaires mis en place ? J.-L.G. : Non. L.P.P. : Un conseil à délivrer à votre suc- cesseur ? J.-L.G. : Il n’en a pas besoin car il aime les gens. Il faut qu’il fasse confiance aux éducateurs pas com- me moi au début où j’ai voulu trop gérer. Il ne faut pas non plus avoir l’obsession des résultats de l’équi- pe première. L.P.P. : Il vous est arrivé d’interférer sur la gestion du sportif en poussant des coups de gueule. J.-L.G. : Cela m’arrive parfois de pousser un coup de gueule. Quant aux joueurs, aucun ne part cette année : tout simplement parce qu’ils sont gâtés et je ne parle pas financièrement. La seule chose que l’on fait pour eux, c’est leur trouver du travail. Désormais, le C.A.P. possède le plus grand pal- marès de Franche-Comté. L.P.P. : L’entraîneur Alexandre Farina sera-t-il prolongé ? J.-L.G. : Aucun commentaire… L.P.P. : L’adrénaline des matches, les joies, les peines. Tout cela va vous man- quer d’autant que vous transmettez votre société à votre fils. J.-L.G. : Encore une fois, je ne serai pas loin de la pelouse mais je m’in- terdirai tout commentaire pour éviter toute polémique. n Propos recueillis par E.Ch.

L.P.P. : David Ligier a une différence fondamentale avec vous : il a joué au rugby contrairement à vous. Rappelez- nous comment vous êtes tombé dans la marmite. J.-L.G. : C’est Raymond Perrin,mon prédécesseur, qui cherchait à remettre la présidence du club. Il ne trouvait personne. Il est venu me harceler (rires) et j’ai fini par accepter sachant que je n’étais pas du milieu. Je ne connaissais personne. Il fallait un gros grain de folie pour accepter. Mais c’est mon caractère que de relever des défis. L.P.P. : Quel sentiment vous anime ? J.-L.G. : Le rugby m’a beaucoup apporté dans la relation aux autres. Dans ce rôle, on a des rap- ports francs, directs. Le président, ce n’est pas le patron, c’est le chef d’orchestre. L.P.P. : Vous avez quand même mis les pieds dans le plat à certains moments… J.-L.G. : Cela n’a pas été facile. J’ai eu deux ou trois années difficiles parce que je voulais modifier les choses et les organiser car je trou- vais les méthodes au sein du club vieillissantes. Je me suis toujours attaché à ce que la musique soit belle et que personne ne joue sa partition de son côté. Ma priori- té était de bien structurer le club. L.P.P. : Quel bilan en tirez-vous ? J.-L.G. : On récolte le fruit du tra- vail de l’ensemble des respon- sables du club, des bénévoles par une bonne organisation et une bonne relation entre nous de l’éco-

timent vous animera au moment de remettre les clés du club ? J.-L.G. : Sans dou- te un pincement au cœur. Je n’ai pas l’intention de partir de la famil- le car j’y ai trouvé des amis et j’ai encore la respon- sabilité de créer notre bâtiment (N.D.L.R. : il ser- vira à la prépara- tion physique, à l’administration).

Bio express Jean-Louis Gagelin

l

l Chef d’entreprise (58 ans) l Président du C.A.P. rugby de 2008 à 2017

“Le C.A.P. possède le plus grand palmarès de Franche- Comté.”

L.P.P. : Un regret sur ce que vous n’avez pas pu faire ou un mauvais souvenir ? J.-L.G. : Je n’avais pas mesuré ce que représentait l’impact du rug- by à Pontarlier : j’ai senti un poids. En terme sportif, le mauvais sou- venir, c’est un match perdu à Saint-Claude qui nous fait redes- cendre en Fédérale 3. L.P.P. : Le positif ? J.-L.G. : Cette année. J’ai l’im- pression que les joueurs m’ont récompensé. L.P.P. : Maintenant que vous êtes par- ti, vous pouvez dire que la Ville de Pon- tarlier ne donne pas assez de subven- tions (35 000 euros) pour un budget annuel de 400 000 euros ? J.-L.G. : Est-ce à l’argent public d’aller soutenir le recrutement d’un joueur ? Non. Je pense qu’il doit aller à la formation. Pontar-

L.P.P. : Unmot sur David Ligier votre successeur. J.-L.G. : Je voulais trouver un relayeur. Il est ex-président du club affaires, ancien joueur, ex- président du club des vétérans. Lui- même commerçant (N.D.L.R. : Mobal- pa), il a l’habitude de gérer des équipes, c’est un C.V. rêvé. C’était important. Je ne serais pas parti si je n’avais pas trou- vé un remplaçant en qui j’ai toute confiance pour mener le club et le faire progresser.

“Le président, ce n’est pas le patron, c’est le chef d’orchestre.”

L.P.P. : Vous parlez de famille. Quel sen-

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