La Presse Pontissalienne 212 - Juin 2017

FRASNE-LEVIER 32

La Presse Pontissalienne n° 212 - Juin 2017

Du beau, du chaud, du miel… Après une campagne 2016 catastrophique en raison des conditions climatiques, les apiculteurs locaux attendent avec impatience le retour du chaud pour relancer le cycle végétatif et la pollinisation. AUBONNE Une meilleure saison

En attendant de bénéficier de bonnes conditions dans le haut, il a transhu- mé comme chaque année une partie de ses ruches dans le bas. “On se dépla- ce en Franche-Comté avec l’idée de suivre la floraison des arbres fruitiers et du pissenlit. Habituellement, il a quinze jours à trois semaines d’écart entre le bas et le haut du département. Le décalage est plus important cette année. Après la récolte du miel d’aca- cia, on remonte les ruches fin juin, début juillet sur les premiers plateaux pour faire du miel de montagne puis on continue avec le miel de sapin, explique l’apiculteur qui gère aujour- d’hui un parc de 700 ruches et produit cinq à six variétés de miel. Tout dépend si l’on peut faire du pissenlit. On croi- se les doigts en espérant que les condi- tions soient au rendez-vous.” Les apiculteurs auraient pourtant grand besoin d’un coup de pouce cli- matique après une année 2016 qui s’est soldée par un bilan catastrophique pour la filière apicole comtoise. Du jamais vu depuis quarante ans. La fau- te à un printemps beaucoup trop plu- vieux. “On a récolté deux fois moins de miel par rapport à une année norma- le. Heureusement qu’on avait fait du stock en 2015, ce qui nous a permis de compenser les pertes de l’an dernier.” 2017 s’annonce donc comme une année cruciale. Depuis 2016, Nicolas Pagnier a déci- dé de se diversifier pour gagner en autonomie. Il produit lui-même une partie de ses reines et ses essaims. “On fait environ 200 reines par an, soit 50 % de nos besoins. Je travaille avec un éle- veur qui s’occupe de la sélection. Ce serait trop compliqué de tout faire soi- même surtout dans le Haut-Doubs où le climat est trop contraignant. On fonc- tionne sensiblement dans la même logique que la race montbéliarde avec des objectifs de rusticité et de produc-

L a sécheresse printanière puis le retour de l’hiver et ses froidures : le scénario de ce début d’année 2017 n’arrange guère les affaires des apiculteurs du Haut-Doubs. “Mieux valait attendre les saints de glace avant d’y croire. Cette année, on a d’abord eu le sec. Faute d’humidité, la végétation

L’abeille du Haut-Doubs propose désormais des cours apicoles aux amateurs.

n’a pas pu démarrer. Le froid a ensui- te retardé la floraison. Avec la pluie tombée début mai, on a de l’eau. Tout repart. il manque juste un peu de chaud” , résume Nicolas Pagnier qui a repris il y a trois ans l’Abeille du Haut-Doubs située au lieu-dit La Creuse sur la com- mune d’Aubonne.

miel fermenté est un apéritif à dégus- ter frais et entre amis. Ouvert depuis le 15 avril, l’éco-musée de l’abeille du Haut-Doubs accueille les touristes, sco- laires et amateurs de produits apicoles jusqu’au 15 octobre. Toujours au fait des innovations technologiques, Nico- las Pagnier a investi dans la création d’un site Internet où l’on pourra com- mander ses pots de miel à l’automne. Encore faut-il que le temps soit clé- ment. “Il nous faut du beau, du chaud pour faire du miel. C’est à l’automne qu’on comptera notre trésor franc-com- tois en pots.” n F.C. Le rucher de l’espoir L’abeille du Haut-Doubs a installé le 20 avril dernier cinq ruches dans les jardins de la Maison des familles sur le site du C.H.U. Jean Minjoz. Le miel récolté sera vendu au profit de l’asso- ciation Semons l’Espoir. n

tion.” Installé depuis trois ans comme api- culteur professionnel, il est encore en phase de développement dynamique. “On veut se positionner comme un pôle apicole en proposant différentes acti- vités : production et vente de miel, d’es- saims, de reines. On commercialise et on loue depuis cette année du matériel

apicole.” Pour répondre à la demande d’amateurs, l’Abeille du Haut-Doubs organise des cours api- coles. La promotion 2017 accueille 15 stagiaires. La formation se déroule sur huit demi-journées. “On a commencé par les apports théoriques puis on suit le cycle de l’abeille. À la fin de la formation, les personnes auront acquis les bases et seront autonomes sur les ruches. On prend déjà les ins- criptions pour 2018” , sug- gère Nicolas Pagnier. Dès juillet, il relance la fabrication d’hydromel. Ce mélange d’eau et de

2017 sera une année cruciale.

“On espère produire beaucoup de miel cet- te année car les stocks sont au plus bas”, explique Nicolas Pagnier.

Renseignements : www.abeilleduhautdoubs.fr

LA RIVIÈRE-DRUGEON 10 000 pieds réintroduits Grandes manœuvres pour sauver la saxifrage œil-de-bouc

Pas moins de six jardins botaniques français et suisses participent au projet de réintroduction de cette fleur en danger critique d’extinction dont il ne subsiste plus qu’une station française encore viable dans la vallée du Drugeon.

et un quart à partir de boutures” , détaille Cédric Bouvier qui a supervisé les opérations de cul- ture. Des expériences de réintroduc- tion avaient été conduites dans les années quatre-vingt-dix en Suisse.Sans résultat du fait d’une mauvaise évaluation de condi- tions d’accueil. “Après les tests effectués à Bannans et aux Rousses, il est prévu de réintro- duire 11 000 plants pendant 10 ans sur une dizaine de sites dans la vallée du Drugeon, à Malpas, aux Pontets, aux Rousses et à Pré- novel. En diversifiant les condi- tions, on augmente ainsi les chances de réussite.” Pour être exact, sur un site comme celui de Bannans où il subsiste enco- re une population, il faut parler de renforcement de population. Toutes les actionsmenées depuis des années pour la préservation de la vallée du Drugeon ont cer- tainement contribué au main- tien de cette population désor- mais unique en France. “On va démarrer gentiment avec des transplantations au printemps et au début de l’été avant les grosses chaleurs” , détaille Cédric Bouvier. n F.C.

L e jardin de curé de La Rivière-Drugeon a servi d’espace d’acclimatation à 130 plants de saxifrage œil-de-bouc qui seront prochai- nement réimplantés sur les sites de Bannans et des Rousses. Cet-

te première étapemarque l’abou- tissement de dix ans de recherche, d’acquisition de connaissances et d’expérimentation. C’est qu’il y a urgence à se préoccuper du sort de cette espèce en grand danger et désormais protégée au niveau national et internatio- nal. Ce qui lui vaut de bénéfi- cier d’un plan national d’actions conduit en coopération avec la Suisse. En France, à la fin du XIX ème siècle, douze localités étaient connues pour abriter la saxifra- ge œil-de-bouc dans le massif jurassien. En 1990, on recensait seulement quatre populations, toutes situées dans le Doubs. Aujourd’hui, une seule de ces populations, celle de Bannans, est encore viable. Pourquoi une situation aussi critique ? Plante exigeante et méconnue, la saxifrage œil-de-bouc trouve son optimum dans les milieux pauvres en nutriments avec une circulation d’eau permanente. Ses racines se développent dans quelques centimètres d’épais-

seur de mousses qui jouent un rôle d’éponge tout en laissant circuler l’eau. “Cette espèce de saxifrage vit dans une niche éco- logique très étroite. On parle de marais de transition. Elle ne sup- porte ni l’excès ni le manque d’eau” , explique Julien Guyon- neau duConservatoire botanique de Franche-Comté. Quand la nappe d’eau est trop haute, elle subit la concurrence desmousses à croissance rapide comme les sphaignes.Si au contraire la nap- pe est trop basse, ce sont les gra- minées qui prennent le dessus et l’étouffent.

Julien Guyonneau et Cédric Bouvier du conservatoire botanique de Franche-Comté ont présenté les plants de saxifrage œil-de-bouc qui seront prochainement réintroduits sur le site de Bannans.

avoir des conséquences fatales pour l’espèce. “Elle est victime de la destruction des milieux humides par assèchement, drai- nage et fertilisation. 90 % des causes sont d’origine anthro- pique” , poursuit Julien Guyon- neau. Les botanistes aussi sont mis en cause.Ceux-ci avaient pour habi- tude de récolter des pieds pour compléter leurs herbiers, contri- buant sans le vouloir à un véri- table pillage des stations en

Franche-Comté. On peut donc parler de responsabilité collec- tive. L’heure est désormais au sau- vetage. Six jardins botaniques : Besançon,Mulhouse,Nancy,Lau- sanne, Neuchâtel et Genève sont associés au plan national d’ac- tions. Ils ont participé à la cul- ture ex-situ de 10 000 plants. “Chacun a apporté son expérience. Il y a un vrai partage d’expé- rience. Les trois quarts des plants ont été obtenus à partir de graines

La disparition de la saxifrage œil- de-bouc est avant tout liée aux chan- gements qui peu- vent survenir dans son habitat. Du fait de ses exi- gences très parti- culières, la moindre modifi- cation de son milieu de vie peut

Une niche écologique très étroite.

Avec ses jolies fleurs jaune doré, la saxifrage œil-de- bouc se fait malheureuse- ment de plus en plus rare en France où il ne subsiste plus qu’une seule station viable dans la vallée du Drugeon (photo C.B.N.F.C.-O.R.I.).

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