La Presse Pontissalienne 212 - Juin 2017

PONTARLIER ET ENVIRONS 16

La Presse Pontissalienne n° 212 - Juin 2017

HISTOIRE Une institution sur Pontarlier La Saint-Pierre : tournez manèges L’ancienne fête du faubourg Saint-Pierre était intimement liée à la fête foraine établie aujourd’hui près de l’Espace Pourny. Retour aux sources.

A ussi curieux que cela puis- se paraître, la fête de la Saint-Pierre se déroulait initialement en deux lieux bien distincts. “Pendant longtemps en effet, la par- tie profane de la fête se passait au Fram- bourg surtout, donc sur le territoire de la commune de La Cluse-et-Mijoux, dont, on le sait, le patron est aussi le prince des Apôtres, et que, pour cette raison, on appelle quelquefois Saint- Pierre-La Cluse” , écrivait en 1963 le journaliste Louis Martin dans la pres- se locale. Le dimanche, les Pontissaliens se ren- daient donc au Frambourg pour dan- ser et jouer à divers jeux : course de brouette avec grenouilles, jeu de la poê- le, pour les filles, jeux de ciseaux…La fête foraine encombrait toute la route du Chauffaud au Frambourg générant déjà une belle pagaille sur la R.N. 57. Retour en ville le soir, pour participer ou assister à la retraite aux flambeaux à travers les principales rues de la vil-

le. La journée du lundi était consacrée à la cérémonie du pain bénit. Au départ du faubourg Saint-Pierre, le cortège traversait toute la Grande rue pour se rendre à l’église Saint- Bénigne où une messe était dite. La

statue du saint patron faisait, bien sûr, partie du voyage. En 1868, le curé Lallemand au cours de la messe, insiste sur les dangers du bal, dis- traction diabolique qui vous conduit tout droit à la damnation éternel- le. Les choses vont évo- luer à partir de 1888. “Le Frambourg allait perdre sa prééminence dans la partie profane au profit du faubourg Saint-Pier- re” , rapporte Louis Mar- tin. Les forains ont logi- quement suivi le mouvement. À l’époque, la fête était “sponsorisée”

“Les lutteurs ont disparu comme les troufions.”

nissaient surtout des adversaires. Les orgues des chevaux de bois ne convien- draient plus aux oreilles de ce temps. En un mot, depuis quarante ans, tout cela est vieux jeu, trop vieux jeu.” À noter en 1970, l’arrêté notifiant l’in- terdiction relative à l’exposition d’ani- maux vivants. En 1976, un autre article du Journal de Pontarlier rappelle le congé du 28 juin accordé aux enfants des écoles du premier degré de la vil- le en raison de la fête patronale de la Saint-Pierre. Du champ de foire aujour- d’hui occupé par le gymnase De Gaul- le, les manèges se déplacèrent en face place Clemenceau puis migreront en 1984 à la place Pergaud avant de rejoindre en 2009 le terre-plein à l’ar- rière de l’Espace Pourny. n F.C. Pontarlier reste toujours une destina- tion intéressante pour les forains. La plupart sont fidèles depuis des géné- rations. “On est bien reçu. On a pu trou- ver un terrain d’entente avec la Ville pour ne pas superposer la Saint-Pier- re avec la Ponta’Beach. C’est le signe qu’on nous écoute.” n Zoom Un village de 70 familles foraines L a Saint-Pierre 2017 se déroulera du samedi 24 juin au dimanche 2 juillet. “On finira avec un beau feu d’artifice”, explique Jean-Pierre Hyclak, l’un des représentants des forains. L’édition pontissalienne mobi- lise aujourd’hui 70 familles, soit près de 400 personnes. “On est tous des indé- pendants. En France, il existe encore 35 000 entreprises foraines, ce qui repré- sente 220 000 emplois.” S’il regrette l’attractivité de la place Pergaud, Jean- Pierre Hyclak estime néanmoins que le transfert vers l’Espace Pourny est une bonne chose. “C’est plus confor- table et mieux sécurisé.” Sur le plan économique, les fêtes foraines subis- sent aussi les effets de la crise, la haus- se de la T.V.A., l’impact du R.S.I. “À nous de nous mobiliser, d’investir même si dans notre métier, c’est plus compli- qué qu’ailleurs.”

En 1907, un arrêté municipal notifie le déplacement de la fête foraine sur le champ de foire.

par la distillerie d’Arthur Junod qui distribuait son absinthe à flots, “ce qui, on le pense bien, renforçait toujours sa popularité.” Le Journal de Pontarlier publie en 1907 l’arrêté municipal actant le dépla- cement de la fête foraine sur le champ de foire. Cette décision de séparer ce

qui était jusqu’alors les deux volets d’un même événement relève d’une question de place, de circulation et de sécurité. Elle s’appuie d’ailleurs sur diverses pétitions initiées par les habi- tants du faubourg, les commerçants et les forains. Plus surprenant, une contre-pétition si l’on peut dire remet en cause cet arrêté dès 1908 mais le conseil municipal rejette cette deman- de de réunification. Il n’y aura pas de fête pendant les deux guerres mon- diales. En 1919, une autorisation est accordée aux habitants du faubourg Saint-Pierre d’organiser des jeux et des distractions pendant deux jours. Dans le même temps, la municipalité refuse la demande de l’Union syndi- cale des industriels forains de rétablir la fête foraine annuelle cette même année. Demande rejetée par huit voix contre sept. Retour à la normale à partir de 1920. Des velléités de réunification seront de nouveau d’actualité les années sui- vantes sans qu’aucune n’aboutisse. L’année 1924 est marquée par la mise en place d’un règlement en 30 articles précisant notamment les dates, les modalités et les droits et devoirs du forain. Lequel devront désormais spé- cifier “la nature et les dimensions de son établissement. Il devra s’acquitter d’un droit de place et du droit des pauvres dont le montant est fixé soit par pourcentage des recettes, soit par forfait. La recette sera versée au bureau de bienfaisance et des règles d’hygiè- ne.” En 1925, le conseil de l’époque accep- te l’installation d’une fontaine et de toilettes sur le champ de foire. Demême, les jets de confettis n’auront plus lieu désormais que le second dimanche de la fête foraine, à partir de 20 h 30 et sur le champ de foire seulement. Paul Robbe maire de Pontarlier accepte en 1929 de suspendre le repos hebdoma- daire les dimanches 30 juin et 7 juillet dans les établissements de la ville où s’exerce un commerce de détails. La Saint-Pierre traversera le temps quand d’autres fêtes de quartier péri- cliteront, sans doute victimes d’un concept tombé en désuétude. Elle res- suscite après la seconde guerre mon- diale sous une forme plus moderne où les manèges prennent le dessus com- me s’en désole Louis Martin. “Allez donc à présent inviter les jeunes à ren- trer dans une baraque leur offrant le cinéma…Les lutteurs ont disparu com- me les troufions du 23 ème qui leur four-

RENCONTRE Une famille de forains La dynastie Philippe présente depuis 1951 à Pontarlier

Forains de père en fils, la famille Philippe ne

A près les fêtes foraines de Chau- mont, Langres, Chalon-sur- Saône, Chagny, Besançon, Dole et Champagnole, les caravanes des forains s’arrêteront dans quelques jours à Pontarlier pour animer - du 24 juin au 2 juillet - la fête de la Saint- Pierre à l’espace Pourny. Elles repar- tiront en direction de Morteau et du grand Est de la France jusqu’à l’au- tomne. Cette vie-là est faite de voyages. manquerait pour rien au monde le rendez-vous de “La Saint-Pierre”. Bien que nomades, ils ont noué des liens d’amitié avec le Haut-Doubs.

Les Philippe, forains depuis 5 générations : Christian, le père (à gauche), avec Yvan et Frantz ses fils, puis les petits-fils, ici à la Foire comtoise de Besançon.

De rencontres. “On aime venir à Pontarlier, mon père et mon grand-père y venaient dès les débuts. En 1951, j’étais là et je me souviens des fêtes qui se prolongeaient jusqu’à 6 heures dumatin.Gamin, j’allais faire 4 heures et aider les paysans à trai- re dans les fermes. J’ai gardé des liens d’amitié avec de nombreuses familles du secteur. Lors- qu’elles viennent sur la fête, elles disent “Tiens, on va voir les Philippe.” On aime le Haut-Doubs et c’est pour cela que l’on

revient pour le marché de Noël” décla- re Christian, le “patriarche” des forains (68 ans). Il se déplacera avec son “auto- skooter”, manège d’autos tampon- neuses, accompagné de son épouse préposée à la vente des billets. Avec lui, ses fils Yvan et Frantz sui- vront avec l’attraction à bulles et la vente de churros. Leurs deux grandes sœurs ne seront pas du voyage : elles préfèrent les fêtes foraines dans le Sud. C’est en tout cas une véritable histoire de famille suivie de près par Markus, cinquième génération des Philippe, qui avec ses cousins, scrute les faits et les gestes de leurs aînés. “On naît forain, on meurt forain. On apprend sur le tas et on arrive à tâter tous les métiers, de plombier à élec-

tricien” résume Yvan qui débute sa tournée des villes en février pour clo- re la saison fin novembre. Leurs enfants sont accueillis dans les écoles des villes où ils s’arrêtent. “Avec notre famille, on couvre le grand Est de la France pour environ 30 manifesta- tions à l’année” explique ce dernier qui, comme son paternel, se réjouit de l’accueil qui leur est réservé à Pon- tarlier. “À l’espace Pourny, les gens bénéficient de parking et peuvent se déplacer facilement. C’est un point positif” remarque Christian. Seul bémol : les bonnes odeurs de gaufres ont quitté le cœur de ville pour la péri- phérie. Un constat applicable à de nombreuses villes. n F.C.

“On naît forain, on meurt forain.”

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