La Presse Pontissalienne 209 - Mars 2017

PONTARLIER

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La Presse Pontissalienne n° 209 - Mars 2017

La souffrance au travail, priorité de la C.F.D.T. La section C.F.D.T. du C.H.I.H.C. s’inquiète de l’augmentation des troubles musculo-squelettiques qui touchent les agents hospitaliers. Un indice significatif de la dégradation des conditions de travail. Bilan 2016 et perspective 2017. SOCIAL Hôpital de Pontarlier

L’hôpital est aussi un milieu professionnel où la souffrance au travail s’amplifie d’année en année. “On commence à voir les conséquences sur le plan physique, poursuit le syndicalis- te. Entre 2013 et 2015, les troubles musculo- squelettiques ont dou- blé au C.H.I.H.C.” Plu- sieurs causes expliquent l’évolution de la situation : sur- charge de travail, allon- gement de la période d’activité, précarité des emplois, complications relationnelles avec les malades… “La souf- france n’est que le résul- tat de l’évolution des conditions de travail

retraite. “Le travail ne doit pas détrui- re la santé des gens, sauf que ce mes- sage n’est plus entendu au ministère de la Santé.” Dans les hôpitaux, le champ d’action syndical a complètement changé en une vingtaine d’années. Les revendi- cations salariales sont passées au second plan et l’accent est mis désor- mais sur la santé des agents. “L’ave- nir n’est pas très rose.” Sans jeter la pierre à la direction du C.H.I.H.C., Michaël Chenevez et d’autres repré- sentants de la section C.F.D.T. comme Marie-Line Morel ouMartine de Känel constatent bien sûr l’amélioration et la modernisation des moyens maté- riels tout en déplorant que les moyens humains n’évoluent pas de la même manière. “Les cadences sont infernales. Peut-on préserver sa santé, faire des soins de qualité quand on enchaîne entre 10 et 15 toilettes chaque matin ? Les premiers touchés sont bien sûr les agents de catégorie C.” Michaël Che- nevez n’est pas contre la réduction de l’absentéisme ou la volonté de tendre vers cet objectif. Il observe pour autant qu’il y a toujours plus d’assiduité et de solidarité dans les services où les agents bénéficient de bonnes condi- tions de travail. Inversement, l’ab- sentéisme est important dans les tous les E.H.P.A.D. de France et du Haut- Doubs. Idem pour la fluctuation du turn-over du personnel dans les ser- vices. “La stabilité n’est pas toujours un facteur positif. Elle masque de plus en plus souvent des situations subies par crainte de perdre son emploi.” n

L es syndicats suivent avec vigi- lance la mise en place des grou- pements hospitaliers de terri- toire (G.H.T.) et redoutent déjà les effets de cette nouvelle organisa- tion qui sera effective en juillet pro- chain. Le C.H.I.H.C. va se retrouver dans le G.H.T. Centre Franche-Com- té avec le C.H.U. de Besançon et les hôpitaux de Gray, Dole, Quingey,Avan-

ne, Ornans, Morteau et Baume-les- Dames. “L’objectif est de présenter un projet médical cohérent pour la popu- lation mais on s’inquiète des consé- quences pour les agents. Qu’on parle de restructuration, de réorganisation ou de modernisation, peu importe les termes, il y a toujours des incidences au niveau du personnel. Même si rien n’est acté, on craint des mutations. Qui

sera concerné ? De quelle manière ? La C.F.D.T. a milité pour obtenir la créa- tion d’une conférence territoriale de dialogue social dans les G.H.T. La der- nière s’est tenue en fin d’année à Besan- çon. Il s’agit juste d’une instance infor- mative qui n’émet aucun avis” , explique Michaël Chenevez de la section C.F.D.T. Si ce syndicat est le plus représenté au niveau régional dans le monde hos- pitalier, il était presque tombé dans l’oubli à Pontarlier. La donne a chan- gé suite à la fusion avec l’hôpital de Mouthe et aujourd’hui le taux de repré- sentation de la section avoisine 20 % du personnel. “Ces bons résultats nous permettent d’avoir des sièges dans dif- férentes commissions.” Autre sujet de préoccupation : la réorganisation des services de chirurgie orthopédique et digestive qui n’en forment plus qu’un et l’accent mis sur la chirurgie ambu- latoire. “On sait bien sûr que la direc- tion ne fait qu’appliquer les directives des tutelles pour développer l’ambu- latoire qui permet de réduire les coûts. En bout de chaîne, il y a forcément de la casse avec la suppression de plu- sieurs postes d’aides-soignantes. Elles représentent le maillon faible de la chi- rurgie ambulatoire. Cela a contraint des agents qui arrivaient en fin de car- rière à se réorienter sur d’autres postes ou projets professionnels.”

Les troubles musculo- squelettiques ont doublé.

qui continuent malheureusement à se dégrader. Comment faire avec ces agents qui à la cinquantaine ne peuvent plus exercer leur profession ? L’hôpital pro- pose des postes adaptés mais en nombre insuffisant. Il faudrait réfléchir plus en amont. On sait bien que ces diffi- cultés sont liées à l’intensification des rythmes, à des patients plus difficiles à gérer notamment dans les E.H.P.A.D. La détresse n’est pas seulement phy- sique mais affecte aussi le volet psy- chologique.” Pour la section C.F.D.T., il faut faire en sorte que les agents en souffrance puissent travailler dans un environnement plus serein jusqu’à la

Michaël Chenevez, Marie-Line Morel et Martine de Känel animent la section C.F.D.T. du C.H.I.H.C.

ÉCONOMIE

Une distillerie rue Xavier-Marmier

Patrick Grand, le trublion de l’absinthe Gentiment mais explicitement convié à quitter la présidence de la Route de l’absinthe, poste jugé incompatible avec le salon de massage qu’il a ouvert récemment à Fleurier, Patrick Grand, premier Suisse à avoir une distillerie d’absinthe de chaque côté de la frontière adore tenter des coups, innover, provoquer aussi. Rencontre avec un électron libre.

veau ? P.G. : J’avais envie de dévelop- per des projets en phase avec notre époque, en communiquant sur de nouveaux produits en lien avec l’absinthe, avec des vidéos sur YouTube… L.P.P. : Qui êtes-vous vraiment Mon- sieur Grand ? P.G. : Mes parents tenaient l’hô- tel-restaurant de la Poste à Fleu- rier. En 1987, mon père a rache- té une petite chapelle à un pasteur qui y distillait de l’ab- sinthe. J’avais 17 ans à l’époque et je m’intéressais plus au sport et aux filles. Après une forma- tion en électronique-informa- tique, j’ai effectué un séjour lin- guistique à San Francisco qui m’a beaucoup plu. C’est une vil- le très ouverte. Je suis ambi- tieux, j’aime aller de l’avant. J’ai monté la société P.G. Publicité à Fleurier. Je commercialise aus- si des trottinettes tout-terrain de lamarqueArapaho. J’ai repris goût à l’absinthe il y a une dizai- ne d’années en ouvrant une peti- te distillerie dans la chapelle familiale. C’est d’abord un hob- by. Je collectionne des absinthes dumonde entier. Je dois en avoir près de 250. J’adore tester de nouvelles recettes. J’expérimente en permanence. L.P.P. : On s’étonne toujours qu’il y ait eu autant de distillation clandestine dans le Val de Travers sans que cela soit vraiment contrôlé. Comment expli- quer cette forme de laxisme ? P.G. : C’est vrai, il y a une gran- de ambiguïté. En Suisse, on vous laissait assez facilement distil-

Assez fier de ses produits, Patrick Grand ne tient surtout pas à vivre sur ses acquis. Il va de l’avant, quitte à déranger les gardiens du temple.

P.G. : A Pontarlier, je commence àme sentir un peu à l’étroit dans ce local. J’ai une fille qui vit aux États-Unis, un frère auMexique, un ami au Chili, j’aimerais bien tenter l’expérience dans ces pays. Je vois les choses en grand tout en restant modeste. L.P.P. : D’autres projets ? P.G. : Je pense que je vais pro- poser des cours d’absinthe. À mon avis, cela ne peut que dyna- miser le produit. Je m’entends très bien avec les distillateurs français et je souhaite qu’on tra- vaille encore plus collectivement. L.P.P. : L’absinthe Grand nourrit son homme ? P.G. : Non. La distillation, prend beaucoup de temps et on est beaucoup taxé. Pour en vivre, il faudrait vendre 10 000 litres par an. J’en suis loin et je n’ai pas forcément envie d’entrer dans cette logique-là. n Propos recueillis par F.C.

ler à partir du moment où vous payiez les taxes sur l’alcool. La police faisait surtout la chasse à ceux qui importaient de l’al- cool. L.P.P. : Utilisez-vous des ingrédients locaux dans vos recettes d’absinthe ? P.G. : En Suisse, j’ai une parcel- le de 2 000 m2 où je cultive des plants de grande et petite absinthe, de l’hysope, de lamélis- se. À Pontarlier, je m’approvi- sionne au G.A.E.C. de l’absinthe situé aux Granges-Narboz. Je distille une absinthe blanche à 55° et une verte à 65°. La pre- mière a décroché lamédaille d’or aux Absinthiades en 2015 et la seconde a remporté le concours général l’an dernier. Je n’ai plus rien à prouver et je préfère inno- ver. L.P.P. : Comment ? P.G. : En faisant par exemple une crème d’absinthe pour les femmes ou une Absinthe n° 5

vieillie en fût de chêne et qui se boit sans eau comme un cognac ou un digestif. Il existe de mul- tiples façons de valoriser l’ab- sinthe. Avec mon épouse qui est originaire du sud-ouest de la France, on cuisine du foie gras à l’absinthe. On propose aussi desmeringues du chocolat à base d’absinthe. L.P.P. : Pourquoi venir distiller à Pon- tarlier ? P.G. : Je vis en France depuis 20 ans. Cela fait longtemps que j’avais envie d’imiter un certain Henri-Louis Pernod qui est arri- vé en 1805 à Pontarlier avec un alambic de 17 litres. La suite, on la connaît. J’ai pris le temps de trouver un local au centre- ville. Tous les samedis matin à Pontarlier, on cuit une saucisse de Morteau à la fin de la distil- lation. L.P.P. : Deux distilleries Grand, c’est assez ?

L a Presse Pontissalienne : Êtes-vous vexé de cette éviction ? Patrick Grand : On me reproche d’avoir franchi la ligne rouge alors que toutes mes activités sont légales. Je voulais rappe- ler que je fais partie desmembres fondateurs de la Route de l’ab- sinthe. Quand Nicolas Giger a annoncé qu’il quittait la prési- dence, j’ai pensé qu’en étant ins- tallé des deux côtés de la fron- tière, je pouvais apporter des choses à l’association. Je me suis présenté et j’ai été élu en consta- tant néanmoins que cela ne plai- sait pas à tout le monde. Je vou- lais apporter de la créativité, du dynamisme aumouvement.Offi- ciellement, je suis toujours pré- sident, officieusement je me tâte un peu. Quel intérêt de rester ?

J’ai l’impression de piloter un bateau à vapeur alors que je pré- fère de loin les hors-bord. D’au- tant plus que j’ai d’autres pro- jets qui risquent encore de déranger. L.P.P. : Vous sous-entendez que cet- te Route de l’absinthe fait du sur-pla- ce ? P.G. : Au départ, je trouvais cela passionnant de faire un trait d’union entre le berceau et la capitale de l’absinthe. Aujour- d’hui qu’on a l’outil, il faudrait le développer alors qu’il stagne. En prenant la présidence, j’au- rais dû amener mon équipe au comité pour avoir les coudées franches.

L.P.P. : Qu’auriez-vous fait de nou-

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